A l’heure où débutent les épreuves des baccalauréats technologiques, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat auditionnait le 16 juin Pierre Mathiot, directeur de l’IEP de Lille et auteur du rapport établissant la réforme du baccalauréat, ainsi que Bruno Bobkiewicz et Audrey Chanonat, respectivement secrétaire général et secrétaire nationale du Syndicat National des Personnels de Direction de l’Éducation Nationale (SNPDEN ‐ UNSA).
Cette audition a été l’occasion pour les sénateurs de les interroger sur la mise en place et les conséquences des réformes du lycée et du baccalauréat, fortement impactées par la crise sanitaire. Elles ont entraîné le remplacement des filières de la voie générale (S, ES, L) par un tronc commun complété par des spécialités choisies par les élèves (trois en première, deux en terminale). Elles ont également modifié l’organisation du baccalauréat. Il est dorénavant composé en théorie de 40 % des notes issues du contrôle continu et de 60 % des notes des épreuves finales, réparties entre des épreuves écrites et un grand oral, passé à la fin de l’année de terminale.
Un bac 2021 « impacté par la covid-19 »
"La réforme du bac a été impactée par la covid"
La promotion de 2021 devait être la première à expérimenter ce nouveau système, mais tout a été chamboulé par la crise sanitaire. Si, pour Pierre Mathiot, « la réforme du lycée est sur pieds », celle du bac « a été impactée par la covid ». En effet, le contrôle continu a été largement privilégié par rapport aux épreuves écrites, afin de minimiser les risques sanitaires et de ne pas pénaliser les lycéens fortement touchés par la crise. Ainsi, cette année, selon le directeur de l’IEP de Lille, le bac 2021 repose à 82 % sur du contrôle continu et à 18 % sur des épreuves finales, puisque la philosophie et le grand oral sont les seules à avoir été maintenues cette année pour les terminales.
La crise sanitaire bouleverse donc l’évaluation qui aurait dû être faite cette année de la nouvelle organisation des épreuves. Pierre Mathiot souligne qu’elle ne pourra être faite qu’en 2022, voire en 2023, « si la covid nous laisse tranquilles ».
Le grand oral, source de nombreuses inquiétudes
Si la tenue du bac 2021 inquiète les sénateurs, c’est à cause de la crise sanitaire, mais aussi d’une nouvelle modalité du bac réformé : le grand oral. A la manière des étudiants de Sciences Po, les lycéens devront, pendant vingt minutes, présenter une question préparée à l’avance, et échanger avec le jury.
De nombreux sénateurs ont pointé du doigt le caractère potentiellement inégalitaire de cette épreuve. « En France, c’est à l’école qu’on apprend à écrire, mais c’est en famille qu’on apprend à parler » affirme le sénateur LR du Doubs Jacques Grosperrin.
Pour Pierre Mathiot, « c’est le fond qui doit primer », et l’exercice du grand oral n’est pas plus inégalitaire que l’épreuve écrite de philosophie. « Ce qui compte, c’est la préparation », explique-t-il. Ce point de vue est partagé par Audrey Chanonat, qui affirme cependant « qu’il y a en France un problème de préparation de l’oral ». Selon elle, il réside dans le fait que l’enseignement de l’oral n’est pas rattaché à une discipline particulière, mais « saupoudré » sur toutes les matières. Pour le résorber, elle propose que les 54 heures prévues sur les années de première et de terminale pour accompagner les élèves dans l’enseignement supérieur soient mises à profit pour les préparer à l’oral.
L’ « angoisse » de Parcoursup pointée du doigt
Impossible de parler du bac et de la réforme du lycée sans parler de Parcoursup et du fonctionnement de cet outil d’orientation dans l’enseignement supérieur. La plateforme fonctionne par vagues de résultats d’admissions, en fonction des classements et des désistements. Lancée en 2018, elle a pour vocation de résoudre les problèmes posés par Admission Post Bac (APB), le dispositif en place jusqu’alors. Fortement critiqué par certains syndicats de lycéens et d’enseignants, ce nouvel outil cristallise les tensions au moment des vagues de résultats.
Lors de l’audition, Bruno Bobkiewicz explique qu’avec Parcoursup, chaque élève se voit proposer une formation. Pour lui, le problème réside dans le fait que certains élèves ne se désistent pas assez rapidement alors qu’ils sont pris dans de nombreuses formations et « jouent, même si à la fin ils savent qu’ils ne le prendront pas », bloquant des places pour d’autres qui n’ont rien. Cette analyse est partagée par Pierre Mathiot, qui affirme que certains élèves « jouent au loto ».
Les sénateurs ont vivement réagi à ces prises de position, soulignant l’angoisse dans laquelle se trouvent les candidats sur Parcoursup lors de l’annonce des résultats. C’est le cas de la sénatrice UC de Vendée, Annick Billon, qui explique qu’on « ne mesure pas l’angoisse des élèves, des parents ». Pour elle, « le fait de s’inscrire à de nombreuses disciplines, c’est souvent par crainte de ne pas avoir le choix qu’on espère ».
Pour Pierre Mathiot, il n’est pas question de nier l’angoisse vécue par de nombreux lycéens et leurs familles. Il s’agit plutôt de mettre fin au comportement de certains très bons élèves, qui « ne sont pas angoissés ».
Parcoursup : les élèves "jouent, même si à la fin ils savent qu’ils ne le prendront pas "