La réforme du bac fait déjà débat
Le rapport dessinant les contours de la réforme du bac a été rendu public mercredi. Instauration d’un Grand O, suppression des filières (L, ES, S…), etc. Les propositions chocs qui y figurent inquiètent une partie du corps enseignant.  

La réforme du bac fait déjà débat

Le rapport dessinant les contours de la réforme du bac a été rendu public mercredi. Instauration d’un Grand O, suppression des filières (L, ES, S…), etc. Les propositions chocs qui y figurent inquiètent une partie du corps enseignant.  
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Inutile, coûteux, anachronique… Une pluie de reproches s’abat sur le bachot depuis des dizaines d’années. Mais l’examen, vieux de 210 ans, a la peau dure. Les tentatives de réformes successives, de François Fillon – alors ministre de l’Éducation – en 2005 et de Xavier Darcos en 2007 se sont échouées sur le mur des contestations.

Pour chance, le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, est dans le top 5 des ministres les plus populaires. Ce qui ne l’empêche pas de prendre son temps et de faire patte de velours. Une concertation en ligne a été lancée à la mi-décembre et un éclaireur a été nommé pour rendre un rapport ad hoc ce mercredi. Objectif : écouter et déminer le terrain en vue du projet de loi qui sera présenté le 14 février.  

La personnalité du rapporteur sélectionné par le ministre n’a rien d’anodine. Pierre Mathiot, ancien directeur de Science Po Lille, se classe plutôt à gauche, au point d’avoir été nommé délégué ministériel aux « Parcours d’excellence » par Najat Vallaud-Belkacem. La démocratisation des filières d’excellence est d’ailleurs la marotte du rapporteur spécial.

Cette réforme va créer « un jeu de pistes qui perd les élèves les plus fragiles » et former « un parcours d’initiés », affirme Claire Guévielle (SNES). 

« On peut difficilement m’accuser de vouloir instituer un bac de classe. Pas moi », confiait-il à une journaliste de Libération. Une difficulté surmontable pour Claire Guévielle, secrétaire nationale du Syndicat national des enseignants du second degré (SNES) chargée des questions du lycée. Selon elle, cette réforme va créer « un jeu de pistes qui perd les élèves les plus fragiles » et former « un parcours d’initiés. »    

Dans le viseur de la syndicaliste : à peu près tous les points de la future réforme. La réduction du nombre d’épreuves et la disparation des filières actuelles (L, ES, S…) au profit d’un système par couples de matières sur le mode « majeures », « mineures » vont « atomiser le parcours des lycéens », dénonce Claire Guévielle.

La syndicaliste craint que ce système favorise les étudiants qui viennent d’un milieu social favorisé et mieux informé. Et de souligner que les options (latin, grec, etc.) sont largement choisies par les étudiants en fonction de leur milieu social. Un fonctionnement qui pourrait se répéter avec le choix des matières sélectionnées par les lycéens, selon elle. « La liberté de choix pour le lycéen, prôné par Pierre Mathiot, n’existe pas », s’agace-t-elle. Claire Guéville redoute aussi que la réforme s’applique différemment d’un lycée à l’autre.    

D’après Claire Guévielle, un autre problème émergera pour les enseignants. « Les emplois du temps à géométrie variable » qu’engendrerait la réforme se heurteront au statut des enseignants qui « prévoit un emploi du temps hebdomadaire. »

Largement abordée ces derniers jours, l’instauration d’épreuves orales inspirées des grandes écoles pour l’examen final ne soulève pas les foules chez le syndicat d’enseignants. Cette épreuve pourrait desservir les élèves qui maîtrisent le moins bien les codes. « Ça suppose des horaires dédiés et un encadrement réel », précise Claire Guévielle un brin sceptique. Avant de comparer ce dispositif avec les Travaux personnels encadrés (TPE) qui pâtissent précisément d’un manque d’encadrement. « C’est le programme où la différenciation sociale est la plus flagrante (…) Le risque c’est que l’on ne prenne que les côtés négatifs des TPE », prévient-elle.

« Les corporatismes font déjà leur oeuvre », s'agace le sénateur Jean-Claude Carle. 

La position de la syndicaliste est aux antipodes de celle du vice-président de la commission de la culture et de l’éducation au Sénat. Jean-Claude Carle, lui, est dithyrambique. « Je suis très favorable à la mise en place d’un grand jury », affirme-t-il. Seul petit bémol, le sénateur LR souhaiterait que ces jurys soient plus ouverts. Une composition représentant une personne issue du monde économique, un élu local et un enseignant, le ravirait. Face aux critiques du Syndicat d’enseignants, le sénateur s’agace et évoque « des corporatismes (…) prisonniers d’un dogme. »  

Les contours du nouveau baccalauréat :

Le rapport remis au ministre de l’éducation mercredi confirme les pistes déjà évoquées dans les médias ces derniers jours et reformule les engagements de campagne d’Emmanuel Macron. (Consultez le rapport).

Suppression des filières existantes (L, ES, S…). À la fin de leur seconde, les lycéens ne choisiront plus une série mais des « majeures » et des « mineures » qui s’accompagneront d’un tronc commun d’enseignements.

Parmi les matières majeures que les élèves auront à sélectionner des couples de matières telles que : mathématiques/physique-chimie, lettres/langues ou sciences économiques et sociales/histoire-géographie. Un enseignement à la carte qui conduirait logiquement à un bac dit modulaire.

Des épreuves restreintes et étalées dans le temps. La réforme devrait sonner le glas de la fameuse semaine d’examens. Les bacheliers n’auraient plus que deux épreuves en première et quatre épreuves en terminale, deux au printemps et deux en juin.

Un Grand O comme à Science Po. Une épreuve orale devant un jury complétera la note finale du nouveau bac. Le rapport remis au ministre suggère que cet oral représente 15 % de l’ensemble de la note finale.   

La séance de rattrapage serait modifiée. Les bacheliers ayant une moyenne entre 8 et 10/20 ne passeraient les épreuves orales habituellement prévues. Un jury sera en charge d’étudier les dossiers des concernés et déterminer si l’étudiant peut ou non avoir son bac.

Partager cet article

Dans la même thématique

La réforme du bac fait déjà débat
4min

Politique

Rencontre entre le PS et Sébastien Lecornu : « Quand on a 39 ans, je crois qu'on n'a pas intérêt à être censuré au bout de 15 jours », lance Patrick Kanner

Le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, poursuit ses concertations après sa nomination à Matignon. Il rencontrera mercredi plusieurs partis de gauche, dont le Parti socialiste. « Il aura devant lui une opposition déterminée à obtenir des victoires pour les Français », promet le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, ce mardi 16 septembre.

Le

La réforme du bac fait déjà débat
9min

Politique

Budget : l’unité entre le PS et Les Ecologistes mise à mal par les discussions avec Sébastien Lecornu ?

Au moment où vont s’engager les discussions avec le premier ministre, Marine Tondelier, patronne des Ecologistes, marque sa différence avec le PS, se prononçant déjà pour le départ de Sébastien Lecornu. « On a notre stratégie et le PS a la sienne », assume le sénateur écolo Thomas Dossus. Elle veut « être au centre de la gauche », entre LFI et le PS, mais « il ne faut pas faire de grand écart qui fasse mal aux adducteurs », met-on en garde au PS…

Le

SIPA_01212671_000009
7min

Politique

Supprimer les avantages des anciens Premiers ministres : la mesure déjà adoptée au Sénat contre l’avis du gouvernement

Pour illustrer « la rupture » promise lors de son entrée en fonction, Sébastien Lecornu a indiqué vouloir supprimer les derniers avantages « à vie » qui sont encore accordés aux anciens membres du gouvernement. Un amendement en ce sens avait été adopté en janvier dernier lors de l’examen du budget 2025. Il allait plus loin et visait aussi les avantages des anciens présidents de la République. François Bayrou n’y était pas favorable et la mesure n’avait pas survécu à la navette parlementaire.

Le