La taxe sur les superprofits « sera l’un des grands sujets de la discussion budgétaire de l’automne »
Plus d’un mois après l’examen du budget rectificatif au Parlement, le débat sur l’instauration d’une taxe exceptionnelle sur les profits importants de certains secteurs refait surface. Sur fond de solutions européennes sur les prix de l’énergie, des sénateurs regrettent la frilosité du gouvernement sur la fiscalité.
Le débat sur une taxation des superprofits est bien parti pour se prolonger au-delà de l’été. Comme le sparadrap du capitaine Haddock, l’idée d’une contribution sur les bénéfices exceptionnels des entreprises du secteur énergétique reprend de la vigueur, depuis que le gouvernement allemand a annoncé son intention d’en soutenir le principe au niveau européen. La Commission européenne travaille également sur le sujet. Berlin se dit même prêt à introduire la mesure au niveau national, si les discussions entre les Vingt-sept membres échouent. « Des producteurs profitent simplement des prix très élevés du gaz qui déterminent le prix de l’électricité », a ainsi déploré le chancelier allemand social-démocrate, Olaf Scholz. Son gouvernement a promis de venir en aide aux ménages et aux entreprises, confrontés à une hausse des prix de l’électricité.
En France, où le gouvernement a refusé les propositions de plusieurs oppositions parlementaires lors des derniers débats budgétaires cet été, la réaction du ministère de l’Economie et des Finances n’a pas tardé. « Le gouvernement allemand n’a absolument pas annoncé une taxe sur les superprofits des énergéticiens », a voulu déminer Bercy, dans un message envoyé à la presse, quelques heures seulement après l’annonce de Berlin. Selon le ministère, cette contribution cible « les entreprises qui bénéficient du prix du gaz alors qu’elles produisent de l’électricité à partir du charbon, du nucléaire ou d’énergies renouvelables […] C’est exactement ce que la France fait […] Les mécanismes ne sont pas forcément les mêmes, mais la logique l’est. »
Emmanuel Macron et Olaf Scholz favorables à une contribution au niveau européen sur les superprofits énergétiques
Ce lundi, après un entretien avec le chancelier allemand, le président Emmanuel Macron a annoncé que la France était favorable à un « mécanisme de contribution européenne qui serait demandé aux opérateurs énergétiques, ceux dont les coûts de production sont très inférieurs aux prix de vente sur le marché ». Selon le chef de l’État, une « cohérence » européenne évitera « les distorsions ».
Le sujet est ici cantonné au fonctionnement du marché européen de l’électricité. Il n’empêche, la réaction de Bercy a été plutôt mal accueillie ce lundi chez les sénateurs soutenant une contribution exceptionnelle, touchant aussi bien les entreprises pétrolières, les transporteurs maritimes ou encore les sociétés d’autoroute. « Le gouvernement est sur la défensive. Il en est réduit à jouer sur les mots aujourd’hui. Chaque pays a sa façon de mettre en place un dispositif de taxation des superprofits. L’Allemagne ne l’appelle pas taxe, mais cela revient au même », pointe le sénateur socialiste Rémi Féraud.
« On n’en est plus à une question de sémantique », s’agace tout autant la sénatrice centriste Sylvie Vermeillet, dont le groupe avait très tôt soutenu l’opportunité de faire contribuer davantage les entreprises ayant tiré profit de l’envolée de certains prix. « C’est la même crise qui a d’un côté appauvri excessivement certains et de l’autre enrichi excessivement d’autres. Il ne faut pas oublier ce qu’il s’est passé aux législatives. Il y a des gens qui ont voté RN et France insoumise, ils ont besoin de justice fiscale », rappelle la parlementaire du Jura.
« Il existe des superprofits, même si Bruno Le Maire dit qu’il ne sait pas ce que c’est », conteste le sénateur Cédric Vial (rattaché LR)
Le 1er août au Sénat, lors des débats sur le budget rectificatif 2022, il s’était fallu de peu pour qu’un projet de taxe aboutisse. L’amendement des centristes, qui visait les entreprises « les mieux loties, quel que soit leur secteur d’activité », a été rejeté par 177 voix contre 157, l’opposition du groupe LR ayant fait la différence dans le scrutin. « Il existe des superprofits, même si Bruno Le Maire dit qu’il ne sait pas ce que c’est », épingle le sénateur Cédric Vial. Rattaché au groupe LR, il avait été le seul dans le groupe à voter en faveur de la taxation exceptionnelle. Christine Bonfanti-Dossat, qui se définit comme gaulliste sociale, s’est-elle aussi désolidarisée de la position globale du groupe (exprimé sous forme de scrutin public), en demandant une rectification de son vote. « Beaucoup de sénateurs n’ont pas donné leur avis, ils étaient pris ailleurs. Si on revotait aujourd’hui, on serait plus de deux à la soutenir », croit-elle. « C’est une taxe qui sera appliquée temporairement. Est-ce que c’est choquant ? Il était de mon devoir de rétablir cette équité à travers une fiscalité beaucoup plus juste. »
Aujourd’hui, la pression s’accroît un peu plus sur le gouvernement. D’autant que les pays voisins se distinguent de la France. Mi-juillet, l’Espagne avait annoncé une taxe sur les bénéfices extraordinaires des grandes entreprises énergétiques et financières. Plus tôt, ce sont l’Italie et le Royaume-Uni qui avaient instauré une taxation des bénéfices des entreprises pétrolières et gazières. Fin août, dans une interview donnée au Parisien, la Première ministre Élisabeth Borne a même commencé à lâcher du lest. « Je ne ferme pas la porte à taxer les super profits », avait-elle annoncé. Plusieurs parlementaires de sa majorité étaient d’ailleurs favorables à cette idée cet été. Le sénateur Didier Rambaud, l’un des marcheurs au Sénat (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), se montre partagé. « La position de Bruno Le Maire me plaisait. Ce qu’on peut attendre de ces entreprises, c’est qu’elles fassent des efforts en termes de salaires ou de baisses de prix, ce qui a été le cas pour Total. Peut-être qu’il convient de faire le bilan à la fin de l’année et voir si cette taxe peut s’imposer. Ce serait bien qu’elle se fasse à un niveau coordonné en Europe. »
« La position du gouvernement est intenable », selon le socialiste Rémi Féraud
« Porte ouverte » ou non, certains parlementaires ne comptent pas se satisfaire de qui n’est pour l’heure qu’une option. Les socialistes veulent engager un référendum d’initiative partagée (lire notre article), c’est-à-dire soumettre par référendum un texte s’il est soutenu par 185 parlementaires et 4,7 millions de signatures d’électeurs. « La position du gouvernement est intenable. Il faut qu’il y ait cette pression populaire », insiste le socialiste Rémi Féraud. Le texte qui lancera le processus doit être déposé dans les prochains jours au Conseil constitutionnel, selon le sénateur de Paris. « On est parti pour que ce soit un des grands sujets de la discussion budgétaire de l’automne. »
Le groupe Union centriste, pionnier dans ce débat, promet la poursuite de sa mobilisation. « Sans attendre la discussion sur le projet de loi de finances, notre lobby va continuer de s’exercer. Je m’attends à ce que ce soit le gouvernement qui règle lui-même la question, vu les discussions actuelles. » Même avis de la sénatrice LR Christine Bonfanti-Dossat, qui juge que l’exécutif n’a désormais plus le choix. « La rentrée va être difficile. Le mois d’octobre s’annonce, sous bien des aspects, inquiétant. Il va falloir que le gouvernement se rende à la réalité. Il n’est pas possible que des entreprises fassent des superprofits et qu’à côté on ait une France qui rame. »
La réunion à l’Elysée n’a pas abouti sur un accord. Mais avec des lignes rouges qui peuvent paraître très éloignées, la sortie de crise semble encore lointaine. Un début de rapprochement émerge cependant sur la méthode, autour du non-recours au 49.3.
Depuis la chute de Bachar Al-Assad, certaines déclarations de responsables politiques conciliant avec le régime dictatorial refont surface. En octobre 2015 par exemple dans l’émission « Preuves par 3 » sur Public Sénat, Jean-Luc Mélenchon estimait que les bombardements russes et syriens faisaient partie d’une guerre nécessaire contre les rebelles.
Reçus par Emmanuel Macron ce mardi, avec d’autres formations politiques à l’exception de LFI et du RN, socialistes et écologistes se sont engagés, s’ils accèdent au pouvoir, à ne pas utiliser le 49.3 à condition que les oppositions renoncent à la motion de censure. « Ça a été repris par Horizons, par le MoDem », a assuré Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
À la sortie d’une réunion avec les partis, hors LFI ou RN, le patron des députés de la Droite républicaine insiste à nouveau sur la nécessité d’aboutir à un accord de non-censure pour qu’un gouvernement survive. Il maintient sa ligne rouge : la droite ne veut ni ministres issus de la France insoumise, ni application du programme du Nouveau Front populaire.