Pour la droite et l’extrême-droite, Emmanuel Macron a jeté un véritable pavé dans la mare en se déclarant favorable à la création d’un « label », porté « par des professionnels » des médias, pour « distinguer les réseaux et les sites qui font de l’argent avec de la pub personnalisée et les réseaux et les sites d’information ».
En formulant cette proposition devant les lecteurs du groupe EBRA, Emmanuel Macron reprenait l’une des conclusions du rapport publié à l’issue des Etats généraux de l’information (EGI), à savoir un renforcement des standards déontologiques applicables aux publications des journalistes. Le groupe de travail « Souveraineté et lutte contre les ingérences étrangères des EGI proposait notamment de « contraindre chaque média à établir et respecter une charte déontologique et encourager une démarche volontaire de labellisation, afin notamment de limiter les possibles ingérences étrangères ». « Le débat sur la mise en place de mécanisme de labellisation existe partout, c’est un enjeu démocratique au moment où les dispositifs de protection de la presse se révèlent insuffisants partout notamment à cause du phénomène de concentration des médias qui brutalise les rédactions », estime Alexis Lévrier, historien de la presse et des médias et maître de conférences à l’université de Reims.
A l’échelle française et européenne, plusieurs organes et initiatives contribuent à faire émerger un cadre déontologique de référence.
La « Journalism Trust Initiative », la procédure de « labellisation » de référence
En évoquant le principe d’une « labellisation » par les professionnels, le président de la république s’est inspiré de ce que propose actuellement Reporters sans frontières (RSF) dans le cadre de la « Journalism Trust Initiative ». Ce projet, lancé en 2021, permet aux médias volontaires de recevoir une certification récompensant la qualité du processus de production de l’information au regard des principales règles déontologiques liées à la profession de journaliste. Par ailleurs, la JTI doit permettre aux citoyens de pouvoir bénéficier d’une source d’information fiable et ainsi mettre en avant les plateformes et réseaux sociaux ceux « dignes de confiance ». Après une auto-évaluation en fonction de critères élaborés par une communauté de professionnels et la publication d’un rapport de transparence, un audit externe est mené par un organisme certificateur, permettant de décrocher le label.
Actuellement plus de 2000 médias se sont engagés dans le processus. « La proposition de RSF a vocation à s’appliquer à un niveau européen et international et de favoriser la reconnaissance de la spécificité journalistique des médias », note Alexis Lévrier.
Au niveau européen, le « European Fact-Checking Standards Network » pose un certain nombre de normes applicables à la vérification d’information permettant aux médias de se reposer sur un cadre de confiance commun pour la vérification d’information.
Les régulateurs audiovisuels, un outil partagé par les pays européens
A l’inverse de ces initiatives provenant d’associations et d’organisations non gouvernementales, chaque Etat membre de l’Union européenne s’appuie sur une autorité de régulation de l’audiovisuel (similaire à l’Arcom). La directive sur les services de médias de l’audiovisuel pose un socle de règles minimales en matière, notamment, de protection des mineurs, du pouvoir de faire cesser des infractions ou d’imposer des amendes. « Les Etats ont toujours considéré qu’ils avaient un droit de regard et de régulation des ondes et ont donc posé des critères pour pouvoir occuper les ondes et diffuser des programmes. Il y a notamment des critères qualitatifs et déontologiques pour départager les différents acteurs », explique Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Institut français de la presse. Ainsi, le régulateur français, l’Arcom, attribue notamment aux chaînes de télévision et stations de radio implantées en France le droit d’émettre sur le territoire français, après des appels à candidatures.
Si l’Arcom ne contrôle pas les sociétés de presse, écrite et en ligne, la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), composée à parité de représentants de l’État et de professionnels de la presse, délivre des agréments permettant de bénéficier des avantages du régime économique de la presse : TVA réduite, tarifs postaux privilégiés et aides. La « qualification d’information politique et générale » qu’elle reconnaît à plus de 400 quotidiens et hebdomadaires donne droit à des avantages supplémentaires. « On a des outils mais souvent insuffisants. Par exemple, la CPPAP a parfois montré des limites en manquant de transparence et de réactivité. Par exemple, France Soir a continué à bénéficier de son agrément jusqu’en 2022 », note Alexis Lévrier alors que l’ancien quotidien avait été racheté en 2019 et publiait depuis des fausses informations.
Les Conseils de presse, instance d’auto-régulation de la profession
Au sein de l’Union européenne, d’autres approches existent afin de garantir le respect par les journalistes des règles déontologiques de base. 20 pays de l’UE disposent à ce jour de « Conseils de presse » qui sont des organes indépendants composés de journalistes et d’éditeurs. Ces Conseils de presse visent à garantir le respect des obligations déontologiques de la profession de journaliste, mais disposent de légitimité et de marges de manœuvre très inégales. En France, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation date de 2019 et dispose d’une faible capacité d’action dans la mesure où ce dernier ne peut que rendre des avis. « Ils ont une valeur d’avis consultatif et moins de régulation, vous avez quelques pouvoirs de sanctions éventuelles. Et notamment d’informer le public que vous ne respectez pas les règles ordinaires de déontologie du journalisme », note Arnaud Mercier.
En Finlande et en Allemagne, où les conseils de presse existent depuis les années 1960, les organes d’autorégulation peuvent émettre des avis et surtout contraindre les médias fautifs à publier l’avis en question au sein de leur publication. Certains régulateurs, comme le Conseil des journalistes en Belgique, peuvent également contraindre un média à publier une rectification ou un droit de réponse. En Suède, le Conseil de presse peut aller jusqu’à infliger une amende à l’instar des autorités de régulation de l’audiovisuel. Malgré un large éventail d’acteurs, « ces instruments sont menacés d’obsolescence par les évolutions et la diversification des formes d’information » considère Alexis Lévrier.