Laïcité à l’université : bientôt une commission d’enquête au Sénat ?
« Des idéologies ne peuvent plus s’imposer comme elles le font dans les universités », affirme Nathalie Delattre. La sénatrice (RDSE) de Gironde réclame l’ouverture d’une « commission d’enquête sur la laïcité à l’université ».
Par Hugo Lemonier
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« On sent bien aujourd’hui qu’il faut que l’on retrouve un dialogue apaisé », estime Nathalie Delattre. La sénatrice (RDSE) de Gironde ne peut ignorer qu’elle avance sur un terrain à potentiel hautement inflammable. L’élue réclame l’ouverture d’une « commission d’enquête sur la laïcité à l’université ».
Depuis le lancement du débat sur « l’islamo-gauchisme » à l’université par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, la polémique ne cesse de prendre de l’ampleur. Dernier épisode en date, le collage d’affiches accusant deux professeurs de l’IEP de Grenoble, a ravivé les craintes suscitées par l’assassinat de Samuel Paty.
« Un déni »
« Comme à l’école, il y a eu un déni et les idéologies ne peuvent plus s’imposer comme elles le font au cœur de notre université, il faut pouvoir s’en défendre », affirme Nathalie Delattre, sur le plateau de Public Sénat.
De là à reprendre l’expression « islamo-gauchisme », employée par Frédérique Vidal ? « Ces mots ne sont pas les miens », tient à préciser Nathalie Delattre. « Cette formule est plus que maladroite ». Mais ce concept, très controversé, n’en épouse pas moins les contours des investigations que la parlementaire souhaiterait mener à l’université.
A l’écouter, l’enseignement supérieur serait menacé, d’une part par une pression islamiste ; et d’autre part, par un militantisme d’extrême gauche. « Toute manipulation ou perversion d’un système est à mettre sur le même plan et il faut pouvoir le dénoncer », affirme la sénatrice.
L’élue explique avoir pris conscience de ces problématiques lors de ses travaux consacrés à la radicalisation islamiste : « Nous avions commencé à auditionner la conférence des présidents des universités qui nous a expliqué : « Circulez, il n’y a rien à voir » », estime Nathalie Delattre. « Alors même qu’on avait des retours sur des problématiques assez prégnantes. Malheureusement, la Covid est arrivée et nous n’avons pas pu faire des visites d’universités comme nous le voulions. »
« Je ne sais pas si je suis dans une université ou dans une mosquée »
Dès les premières auditions conduites par la commission, en octobre 2019, le professeur Youssef Chiheb s’était ému de la présence de femmes voilées dans son établissement : « En tant qu’universitaire à Paris 13, où j’enseigne, tous les vendredis je ne sais pas si je suis dans une université ou dans une mosquée. Les jeunes filles portent de manière ostentatoire non seulement le voile islamique, mais carrément le hijab et le niqab. Et personne ne peut changer cette réalité alors qu’elle devient de plus en plus visible. »
Mais Gilles Roussel, alors président de la conférence des universités, avait tenu un tout autre discours en audition, quelques mois plus tard. « La question du port du voile est distincte de celle de la radicalisation », avait-il précisé, soulignant que, dans son université, « le nombre des jeunes femmes voilées ne diminue, ni n’augmente » : « En tout cas il reste faible. »
L’ombre de « l’islamo-gauchisme »
Le sénateur (UC) Jean-Marie Bockel, alors toujours élu du Haut-Rhin, avait soulevé le « phénomène d’ « islamo-gauchisme », qui contraint la liberté d’expression, y compris dans le domaine de la laïcité » : « Même si c’est un sujet distinct, il me semble que cela fait partie du problème », estimait le parlementaire.
Le président de la conférence des universités de l’époque avait confirmé que « certaines minorités » voulaient « empêcher la tenue de conférences avec des personnalités ».
Des interventions avaient dû être annulées « pour des questions liées à la sécurité dans les établissements ». Gilles Roussel faisait référence à la venue de François Hollande, à l’université de Lille, à laquelle s’étaient opposés des militants d’extrême gauche.
D’autres événements avaient émaillé l’actualité, les semaines précédant le début de la commission sénatoriale, présidée par Nathalie Delattre. La conférence de la philosophe Sylviane Agacinski, jugée « homophobe » par plusieurs associations étudiantes, avait été annulée. De même, un séminaire sur la « Prévention de la radicalisation », animé à La Sorbonne le journaliste Mohamed Sifaoui, avait été suspendu après la contestation d’une partie des enseignants de l’université.
Interrogé par les sénateurs, Jean-François Balaudé, ancien président de Paris Nanterre, estimait que cette radicalité pouvait venir « de l’extrême gauche » et « se marier avec des considérations proches de la religion, même si elles ne s’avouent pas comme telles : la racisation, l’oppression de certaines minorités… »
Cette commission verra-t-elle le jour ?
De là à dresser un parallèle entre des militants d’extrême gauche, des universitaires et des islamistes ? « Certains dogmes, religieux ou non, sont implantés dans l’université et supplantent parfois les principes républicains », estime Nathalie Delattre, qui précise « partir sans a priori ».
Mais cette commission d’enquête pourrait ne pas voir le jour avant plusieurs mois. Chaque groupe politique a le droit d’ouvrir une mission d’information ou une commission d’enquête par session parlementaire.
Or, le groupe RDSE, auquel appartient Nathalie Delattre, a déjà usé de cette possibilité. De même pour Les Républicains… Et il est peu probable que des groupes de gauche prêtent main-forte à la droite et au centre dans ce débat si polarisé.
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