Budget : un rapport du Sénat épingle la progression du coût de l’aide médicale d’État

« L’aide médicale d’État n’apparaît pas comme un facteur d’attractivité » pour l’immigration, selon un rapport commandé par le gouvernement

Considéré comme « un appel d’air » migratoire par la droite sénatoriale, l’aide médicale d’État avait été supprimée dans le cadre du projet de loi immigration avant d’être réintégrée en commission par les députés. Un rapport sur ce dispositif commandé par l’exécutif vient tempérer cette affirmation et juge ce dispositif à destination des étrangers en situation irrégulière « globalement maîtrisé ».
Simon Barbarit

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Voilà un rapport qui va alimenter le débat mardi après-midi pour l’examen de la mission santé du budget 2024. Le Sénat devrait notamment voter un amendement du rapporteur spécial, Vincent Delahaye (entriste), qui diminue de 410 millions d’euros le montant de l’aide médicale d’État (AME) pour l’année prochaine. La concrétisation de la suppression de ce dispositif, transformée en aide médicale d’urgence (AMU) par les sénateurs, dans le cadre du projet de loi immigration. L’AME a, depuis, été réintroduite en commission à l’Assemblée. En 2022, l’AME a représenté un coût de 968 millions d’euros en 2022 pour 411 364 bénéficiaires.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui a, un temps, soufflé le chaud et le froid sur cette question avait rappelé aux élus de la chambre haute que la mesure, inscrite dans le projet de loi immigration, constituait, de toute façon, « un cavalier législatif ». « La santé des étrangers, c’est dans le code de la santé publique, ce n’est pas dans le code des étrangers. Nous, nous pensons que ce rajout du Sénat n’est pas constitutionnel. Le Conseil constitutionnel va censurer le dispositif », avait-il déclaré.

Si le gouvernement est « très attaché à l’AME », ça ne l’a pas empêché de réfléchir à des adaptations. Cette mission avait été confiée il y a deux mois à Claude Evin, ancien ministre socialiste des Affaires sociales, et à Patrick Stefanini, ancien directeur de campagne de Valérie Pécresse et de François Fillon à la présidentielle, qui viennent de remettre leur rapport.

Dans un document d’une centaine de pages, les deux auteurs commencent par nuancer un argument avancé par la droite sénatoriale selon lequel l’AME, mieux-disante en France que dans d’autres pays européens, constituerait « un appel d’air migratoire ». « L’AME n’apparaît pas comme un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration », relève les auteurs qui précisent que la consommation trimestrielle moyenne de soins par personne « est restée stable en dépit de l’augmentation du coût des soins », « de 642 euros en 2009 à 604 euros en 2022 ».

Un dispositif qui n’est pas universel

Les auteurs notent aussi un effet collatéral de l’AME qui « contribue au maintien en situation de clandestinité d’étrangers ». En effet, « il semble que la présentation d’une carte d’AME permette l’accès à des prestations associatives du type banque alimentaire ou le bénéfice de tarifs sociaux appliqués par certaines collectivités, des communes par exemple pour la restauration scolaire », précisent-ils.

Quant à la comparaison de ce dispositif avec ceux d’autres pays européens, elle s’avère délicate en raison de « la très grande diversité des situations », comme l’organisation territoriale du pays, la durée des droits, le panier de soins, l’existence de structures associatives…

Le rapport note, néanmoins, qu’en France l’AME n’est pas un dispositif universel car elle concerne les étrangers en situation irrégulière sur conditions de ressources (inférieures à 809,90 € par mois pour une personne seule depuis avril 2023), « contrairement au droit en vigueur dans d’autres pays européens dans lesquels l’accès aux soins est prévu pour l’ensemble des étrangers en situation irrégulière ». A ce sujet, Patrick Stefanini et Claude Evin « perçoivent bien la sensibilité politique de toute démarche qui pourrait conduire à ouvrir le bénéfice de l’AME aux étrangers en situation irrégulière dont les ressources sont supérieures au plafond ».

Les adaptations envisagées

Leur rapport présente l’AME comme « un dispositif sanitaire utile », « globalement maîtrisé » et « qui ne génère pas de consommations de soins faisant apparaître des atypismes, abus ou fraudes structurelles ». L’AME est « l’affirmation par la nation d’un principe humanitaire et éthique et la protection de la santé individuelle des personnes et de la santé collective de la population résidant en France ». Mais depuis 2019, le nombre de ses bénéficiaires augmente, « en conséquence du nombre de personnes en situation irrégulière présentes sur le territoire », ce qui nécessite des adaptations selon les auteurs.

Sur ce point, ils préconisent de « retirer le droit à l’AME » aux « personnes frappées de mesures d’éloignement pour motif d’ordre public ». Ils proposent également de « resserrer certains « critères d’éligibilité ». Actuellement, l’AME est accessible aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois, sous conditions de ressources, mais aussi à leurs enfants, conjoints ou concubins. Cette « qualité d’ayant-droit » pourrait être réservée « aux seuls enfants mineurs ». Les autres membres devront alors déposer leur propre demande. Ils suggèrent aussi de prendre en compte « les ressources de l’ensemble du foyer » pour l’admission à l’AME.

L’AMU du Sénat entraînerait une « complexification générale »

Enfin, le rapport Evin/Stefanini revient sur le dispositif voté par le Sénat qui vise à remplacer l’AME en AMU (aide médicale d’urgence), avec un panier de soins réduit « à la prise en charge de la prophylaxie, du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ». Un tel dispositif engendrerait une « complexification générale » selon le rapport qui souligne : « la difficulté de donner une définition précise et facilement appropriable par les professionnels de santé […] de notions telles que les soins urgents, la douleur aiguë, le risque d’altération grave et durable de l’état de santé ».

Le dispositif sénatorial entraînerait même « un risque important de renoncement aux soins », « en raison de l’imposition d’un droit de timbre et des incertitudes mêmes liées à la reconnaissance du caractère grave d’une maladie ».

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