Langues régionales : un nouveau rapport parlementaire, et après ?
Ce mercredi 21 juillet, les députés Yannick Kerlogot (LREM) et Christophe Euzet (Agir, ex-LREM) ont remis à Jean Castex leur rapport de mission sur l’enseignement des langues régionales. Les députés entendent rassurer les acteurs à la suite de la décision du Conseil constitutionnel de censurer l’article de la loi Molac sur l’enseignement immersif. Mais, pour les sénateurs, le compte n’y est toujours pas.

Langues régionales : un nouveau rapport parlementaire, et après ?

Ce mercredi 21 juillet, les députés Yannick Kerlogot (LREM) et Christophe Euzet (Agir, ex-LREM) ont remis à Jean Castex leur rapport de mission sur l’enseignement des langues régionales. Les députés entendent rassurer les acteurs à la suite de la décision du Conseil constitutionnel de censurer l’article de la loi Molac sur l’enseignement immersif. Mais, pour les sénateurs, le compte n’y est toujours pas.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

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« On sort de Matignon très confiants. Jean Castex nous a assuré qu’il entendait réunir les différents acteurs à la rentrée ». Le député Yannick Kerlogot (LREM), corapporteur de la mission sur l’enseignement des langues régionales, est convaincu d’avoir été entendu par le gouvernement. Sur la table du Premier ministre, un rapport de 70 pages (voir ci-joint), qui préconise notamment la création d’un « conseil national de l’enseignement des langues régionales », placé sous la houlette du ministre de l’Éducation nationale, et la rédaction d’un projet de loi pour définir les contours de l’enseignement immersif. « L’enjeu était de rassurer les acteurs sur le terrain, explique Yannick Kerlogot à Public Sénat. Le Conseil constitutionnel était dans une logique de dire le droit. Le message qu’on a tenu à relayer est le suivant : il n’y aura pas de fermeture de classes à la rentrée ! »

L’enjeu est de taille. L’article 4 de la loi Molac visait à encadrer juridiquement « un enseignement bilingue dit immersif en langue régionale, dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française, fixés par le code de l’éducation ». Cette pédagogie est utilisée dans des écoles privées associatives sous contrat depuis près de cinquante ans. Mais depuis le 21 mai et la censure du Conseil constitutionnel, certains acteurs craignent une remise en cause de cet enseignement, qui concernerait aujourd’hui environ 15.000 enfants en France.

Pour sortir de l’impasse, les députés invitent les associations à rédiger un avenant aux contrats qui les lient à l’Education nationale. L’objectif est « de dire ce qu’est et ce que n’est pas l’immersion. Il faut préciser que l’immersion a un caractère facultatif, que c’est un choix des familles, qu’il ne s’agit pas de quelque chose de contraint, et qu’en définitive la finalité est la maîtrise des deux langues (régionale et française) » précise Yannick Kerlogot (LREM).

 

Des sénateurs circonspects

 

Si les sénateurs louent les intentions des deux députés, le rapport n’est selon eux, qu’un pis-aller. Le groupe écologiste, qui a utilisé sa première niche parlementaire l’hiver dernier pour présenter le texte du député Molac dans l’hémicycle, attend beaucoup plus. « C’est un pansement sur une jambe de bois », juge l’écologiste Monique de Marco, rapporteure du texte au Sénat. Le gouvernement est très embêté par la mobilisation qu’il constate sur le terrain. Ce rapport vise à désamorcer la colère. Mais nous sommes prêts à étudier un éventuel projet de loi. Il faut que ça aille vite, car il y a urgence ».

La création d’un conseil national de l’enseignement des langues régionales ? « Pourquoi pas ! », lance le sénateur écologiste Ronan Dantec, « mais il faut aussi un conseil national sur la non-application de la loi par le ministre de l’Education nationale. On sait bien que Jean-Michel Blanquer ne veut pas de l’immersif en langues régionales. Mais les refus d’ouverture d’écoles et les refus de mise en œuvre des contrats d’association doivent cesser », tempête le sénateur de la Loire-Atlantique.

Même déception à droite. « Les députés manifestent de la bonne intention pour sortir de l’impasse. Les pistes qu‘ils proposent sont intéressantes mais limitées », estime le sénateur LR Max Brisson. Leur objectif est de démontrer que ce qui se fait actuellement est conforme aux limites imposées par le Conseil constitutionnel ». Au Pays basque, la méthode pédagogique est utilisée dans certaines écoles depuis 60 ans. L’immersion en langue basque est totale à partir de l’école maternelle et jusque dans les premières années de l’école élémentaire. « Les préconisations des députés pourraient permettre de préserver la langue basque, mais je doute qu’il existe la moindre volonté du côté du gouvernement de poursuivre les expérimentations », ajoute le sénateur des Pyrénées-Atlantiques. En réalité, Jean-Michel Blanquer veut casser ce modèle pédagogique. Il souhaite introduire le français très tôt dans la scolarité, c’est du jacobinisme militant exacerbé ! »

 

La délicate question constitutionnelle

 

Le bras de fer politique risque de durer. Après la censure du Conseil constitutionnel fin mai, la défense des langues régionales sétait invitée dans la campagne des élections régionales. Emmanuel Macron avait assuré que « rien ne saurait entraver » l’enseignement immersif, et avait demandé au gouvernement de « trouver les moyens de garantir la transmission de cette diversité linguistique ».

Faut-il modifier la Constitution ? « Nous n’écartons pas cette hypothèse. Mais nous disons clairement à nos collègues que pour des raisons de calendrier, il est impossible de l’envisager d’ici à l’élection présidentielle. C’est un sujet qui devra être porté pendant la campagne », considère Yannick Kerlogot (LREM). Un constat partagé par les sénateurs. « La session parlementaire s’achève très tôt. On ne pourra pas le faire avant l’élection. La décision du Conseil constitutionnel a réveillé un problème. La boîte de Pandore est ouverte. Il faudra modifier notre Constitution pour que les choses rentrent dans l’ordre », selon Max Brisson (LR).

Quid de la lettre ouverte de 140 parlementaires adressée mi-juin à Emmanuel Macron pour demander une révision constitutionnelle ? « Nous attendons toujours une réponse », confesse sans y croire Monique de Marco (Ecologiste).

 

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