Large vote de l’Assemblée sur le texte « anticasseurs » mais 50 dissidents LREM
Par une très large majorité, l'Assemblée nationale a adopté mardi la proposition de loi LR controversée "anticasseurs" remaniée par la majorité,...
Par Anne Pascale REBOUL
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Par une très large majorité, l'Assemblée nationale a adopté mardi la proposition de loi LR controversée "anticasseurs" remaniée par la majorité, mais 50 députés LREM - un record - ont marqué en s'abstenant leur refus des interdictions préventives de manifester.
Dans une ambiance chahutée, la grande majorité des députés LREM et MoDem, ainsi que des LR et UDI ont voté pour, l'ensemble de la gauche s'est prononcé contre, de même que les élus RN.
Déjà approuvé par les sénateurs en octobre, le texte a été validé au Palais Bourbon en première lecture par 387 voix contre 92, et 74 abstentions.
Cinquante "marcheurs", dont le vice-président de l'Assemblée Hugues Renson, la présidente de commission Barbara Pompili, ainsi que Matthieu Orphelin, Aurélien Taché et Sonia Krimi ont fait le choix de l'abstention, un chiffre jamais atteint depuis 2017 sur un texte soutenu par le gouvernement. Mais aucun n'a voté contre.
Des élus de gauche ont aussitôt pointé une majorité qui se "fissure".
Sur la loi asile-immigration il y a quelques mois au même stade, les abstentionnistes étaient 14 (et un contre).
"Le texte a été voté" et "il n'y a pas de malaise", a balayé le patron du groupe majoritaire Gilles Le Gendre, qui tablait pourtant lundi sur une vingtaine d'abstentions.
Sonia Krimi (LREM), qui a un temps envisagé de voter contre, a voulu "envoyer un signal" pour que le gouvernement évolue sur la disposition clé des interdictions préventives de manifester pouvant être prises par les préfets. Plusieurs redoutent à l'avenir que ces représentants de l'État soient aux mains d'un "régime malintentionné".
Le numéro un de LREM, Stanislas Guerini, a récusé toute "fronde" et estimé que "nous avons trouvé les bons équilibres dans un groupe qui débat".
Dans le groupe MoDem allié de la majorité, quatre députés se sont abstenus et un, Brahim Hammouche, a voté contre cette proposition "incertaine et confuse", pour que "demain ne rime pas avec gueule de bois".
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner à l'Assemblée nationale à Paris, le 29 janvier 2019
AFP/Archives
Plusieurs avocats de renom, dont deux proches d'Emmanuel Macron, se sont élevés contre une "loi de la peur" (François Sureau) ou "une réponse d'un pouvoir qui agit sous la pression et dans l'urgence" (Jean-Pierre Mignard).
L'ex-député européen Daniel Cohn-Bendit, également un proche du chef de l'État, a considéré auprès de l'AFP que "cette loi ne sert à rien" et est "dramatiquement bête".
- "Bouée de sauvetage" -
Outre les interdictions de manifester pouvant être prises par les préfets, sous peine de six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende, il est également prévu la possibilité de fouilles pour trouver des "armes par destination", sur réquisition du procureur, et encore le principe du "casseur-payeur".
La proposition de loi retournera au Sénat dès le 12 mars pour une deuxième lecture, le gouvernement, qui l'a reprise à son compte début janvier, souhaitant une adoption définitive rapide dans le contexte des manifestations récurrentes des "gilets jaunes".
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, qui entend donner des gages à certains syndicats policiers, a répété mardi que ce n'est "pas une loi de la peur", "pas une loi de circonstance mais une loi de bon sens" à l'égard des "brutes" qui empêchent de manifester.
Hasard du calendrier, plusieurs dizaines de milliers de personnes défilaient dans le même temps partout en France, à l'appel principalement de la CGT mais aussi pour la première fois avec la participation de "gilets jaunes".
La gauche a dénoncé un texte "inique" (PS), "anti-gilets jaunes" (PCF) et porteur d'une "dérive autoritaire", à l'unisson de certains syndicats et associations. Fustigeant "une loi scélérate", les Insoumis avaient cherché en vain la semaine dernière à obtenir l'interdiction des lanceurs de balles de défense, qui ont provoqué de nombreuses blessures graves.
Avec les interdictions préalables de manifester, "on se croit revenu sous le régime de Vichy", avait tonné la semaine dernière Charles de Courson, dont le groupe Libertés et territoires a voté majoritairement contre.
Le Rassemblement national s'est posé en "garant des libertés fondamentales" face à un texte jugé "fasciste".
La droite et UDI-Agir se sont très majoritairement prononcés pour, malgré la réécriture du texte de Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR qui entendait initialement répondre au phénomène des "black blocs" et juge la nouvelle version "acceptable".
Ce texte est pour la majorité "une bouée de sauvetage dans une forme de naufrage", "d'échec à rétablir l'ordre républicain", a néanmoins asséné Eric Ciotti.
Le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale a annoncé sa candidature pour la tête du parti, ce 13 février. L’officialisation intervient dès le lendemain de celle de son rival Bruno Retailleau.
Les responsables du parti de droite se sont réunis ce jeudi matin. Ils ont décidé que les adhérents LR éliront leur nouveau président d’ici trois mois, alors que Bruno Retailleau défendait un calendrier plus serré, sur fond de guerre de chefs avec Laurent Wauquiez.
Invitée de la matinale de Public Sénat, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas se déclare en faveur de la candidature du ministre de l’Intérieur à la présidence du parti Les Républicains. Bruno Retailleau « veut porter une espérance pour la droite », et aujourd’hui au gouvernement, il en a « la légitimité », estime-t-elle.
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