Le rapport du sénateur LR Bruno Belin, en vue de l’examen de la mission sécurité du budget 2025, pointe l’impact financier des JO de Paris 2024 et de la crise en Nouvelle-Calédonie sur les finances de la gendarmerie et de la police. Conséquence : la police a renoncé à remplacer plus de 2.000 voitures et la gendarmerie n’a pas payé ses loyers à de nombreuses communes. Les budgets de la police et de la gendarmerie sont en revanche en hausse en 2025.
Laurence Cohen : « Les médecins conseillent, mais les décisions sont politiques »
Par Fanny Conquy
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Le rapport entretenu par le corps médical et les politiques a évolué dans le temps. Pour le sénateur LR Roger Karoutchi « au début de la pandémie, on se fiait aux médecins, et il a donc été décidé d’un confinement strict de plusieurs semaines. La pandémie a été enrayée un certain temps, les médecins avaient donc raison. Mais par la suite, l’opinion publique a été déstabilisée par les scientifiques qui débattaient entre eux, ne semblaient pas d’accord, dans la presse et sur les plateaux notamment. Il n’y avait pas d’avis unanime de la communauté médicale, et cette division a nui à leur crédibilité. C’est alors que la défense de l’économie a pris le pas, à la fin de l’année 2020. »
René-Paul Savary, vice-président de la commission d’enquête sur la gestion de la crise du covid-19 va dans le même sens « le monde scientifique n’est pas toujours d’accord sur les mesures proposées. Donc c’est difficile de se fier totalement à eux. Et de toute façon, l’avis médical est une aide à la décision, mais c’est aux politiques de faire les arbitrages, car il faut tenir compte de beaucoup de facteurs sanitaires certes, mais aussi sociaux, économiques… Certaines décisions ont de très lourdes conséquences, ce sont des décisions difficiles à prendre. »
Xavier Iacovelli, sénateur RDPI des Hauts-de-Seine confirme : « Les modélisations de certains experts prédisaient une troisième vague après les fêtes de fin d’année, une situation catastrophique… Et finalement, heureusement que le président de la République ne les a pas suivis. Il a choisi de maintenir l’activité, l’emploi, l’école… car on sait que les conséquences d’un confinement peuvent être terribles pour des entreprises qui ne s’en remettront pas, pour des jeunes qui sombrent dans la dépression, ou des enfants en décrochage scolaire… »
L’exemple du report des élections
Un point de vue partagé par Laurence Cohen, sénatrice CRCE du Val-de-Marne : « Les médecins conseillent, mais les décisions sont politiques. D’ailleurs on l’a vu avec l’exemple du report des élections départementales et régionales. Le conseil scientifique n’a pas voulu se prononcer clairement sur le sujet, afin de laisser les politiques trancher. »
Roger Karoutchi va plus loin « Les experts scientifiques ont constaté qu’après avoir été très suivis au début de la crise, leur avis n’étaient plus entendus. Ils ont peut-être eu le sentiment que leurs recommandations étaient suivies seulement quand cela arrangeait les politiques. Sur le report des élections, en quelque sorte, c’est un retour à l’envoyeur. Le conseil scientifique sait qu’il s’agit d’une décision hautement politique, donc il ne veut donc pas se prononcer, pour laisser la responsabilité au gouvernement du report ou non de ces élections ».
Manque d’anticipation
De nombreux sénateurs d’opposition dénoncent le manque d’anticipation du gouvernement face à cette troisième vague qui s’installe. Les médecins alertent sur la situation très critique dans les hôpitaux depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche ce week-end, 41 directeurs médicaux de l’AP-HP préviennent « nous serons contraints de faire un tri des patients afin de sauver le plus de vies possibles. Ce tri concernera tous les patients, covid-19 et non Covid, en particulier pour l’accès des patients adultes aux soins critiques. »
Hier, les médecins réanimateurs de Lorraine signaient également une tribune publiée par Vosges Matin « malgré nos avertissements, préconisations, malgré de multiples réunions destinées à anticiper cette situation, malgré d’innombrables formulaires administratifs inutiles, nous arrivons ce jour à une situation inextricable qui se soldera inexorablement par des choix difficiles, de la souffrance et de l’épuisement avec des conséquences dramatiques pour les patients, leur famille et in fine notre système hospitalier en post-crise ».
Pour René-Paul Savary « ne pas reconfiner en janvier, cela s’entend, les conséquences sont très lourdes. Mais alors il fallait anticiper, et faire en sorte que les hôpitaux puissent tenir le choc, augmenter le nombre de lits, former du personnel, organiser la prise en charge à domicile. Tirer les conséquences du premier confinement en somme. »
Laurence Cohen fait part de son inquiétude et sa colère : « Je suis atterrée par ce qui se passe. Le gouvernement continue à ne rien anticiper. Pourtant les médecins alertent sur la situation des services qui sont submergés de patients covid-19… Les enseignants alertent également. Si on veut maintenir les écoles ouvertes, d’accord, alors il faut agir en conséquence, et faire en sorte que les enseignants soient prioritaires dans la vaccination, et rendre les tests salivaires systématiques dans les écoles. Tout cela s’anticipe ! Que fait le gouvernement depuis le mois de janvier ? »
De son côté, Xavier Iacovelli réfute tout manque d’anticipation. Sur les vaccins par exemple, « les doses ont été commandées l’année dernière, mais il y a eu des retards de fabrication et un allongement des délais de livraison que le gouvernement déplore, mais dont il n’est pas responsable. Et on voit qu’aujourd’hui que les doses arrivent et la vaccination accélère. On sera même peut-être en avance sur le calendrier qui était prévu. »
Situation des voisins européens
Alors aurait-il fallu confiner en janvier pour éviter la troisième vague ? Xavier Iacovelli rappelle qu’il fallait aussi prendre en compte le moral des Français et l’acceptabilité d’un confinement. « En janvier, les élus eux-mêmes étaient très divisés sur le sujet. Ceux qui regrettent aujourd’hui que le gouvernement n’ait pas choisi de confiner le pays en janvier, étaient parfois les mêmes à dire qu’il fallait maintenir l’activité et les écoles ouvertes… Il faut de la cohérence ! ». Le sénateur des Hauts-de-Seine souligne par ailleurs que la situation de certains de nos voisins européens prouve qu’il n’y avait pas de choix idéal. « En Italie et en Allemagne par exemple, la crise n’a pas été mieux gérée : ils ont dû faire face à un confinent bien plus strict et plus long que le nôtre, et ils sont pourtant touchés comme nous par la troisième vague. »
Mais pour Roger Karoutchi, la Grande-Bretagne a réussi là où nous avons échoué grâce à des décisions bien plus claires. « Certes il y a eu un confinement très strict et très long, mais qui a permis à la Grande-Bretagne d’assurer une vraie sortie de crise, comme en Israël. Les mesures ont été prises afin qu’à l’issue du confinement, la population soit vaccinée en grande majorité, et que l’économie reprenne vraiment. En France, nous avons voulu préserver à la fois le sanitaire et l’économie. Ces choix de demi-mesures qui non seulement n’ont pas permis d’endiguer la pandémie. Mais cela n’a pas permis non plus de relancer nettement l’économie avec une vraie sortie de crise. »
La tour d’ivoire
Est-ce qu’Emmanuel Macron a pris les bonnes décisions ? Pour les sénateurs d’opposition le problème réside avant tout dans son mode de décision solitaire. Pour Laurence Cohen « Le président de la République décide seul, dans sa tour d’ivoire. Il y a un vrai souci de verticalité. Il ne prend pas les décisions de façon collégiales. Quand des données scientifiques indiquent qu’il faut prendre des mesures strictes, on ne peut pas en vouloir au gouvernement. En revanche, on peut lui reprocher de prendre les décisions sans concertation. Les élus font des propositions mais ne sont pas entendus. Est-ce normal que l’on soit suspendu aux lèvres du Président pour avoir si l’on est confiné pou pas ? Qu’il soit seul à décider ? »
Le président du groupe socialiste Patrick Kanner estime lui aussi que « le Président n’a pas écouté les recommandations du Conseil scientifique et il les écoute de moins en moins. Il ne doute pas, il pense qu’il est le champion de l’épidémiologie mondiale. On voit par exemple en Allemagne, Angela Merkel consulte en permanence, elle co-construit les décisions. On voit qu’il y a une vraie différence de personnalité. Monsieur Macron lui, décide seul. La vraie question c’est : est-ce que sur un sujet comme celui-là, où notre sort collectif et notre sort individuel peuvent dépendre d’un seul homme ? C’est une vraie question sur la gestion du pouvoir. Quel doit être le rapport entre le Président de la république et les élus ? »
Xavier Iacovelli affirme au contraire qu’il y a concertation. « Le Président passe son temps à consulter, les médecins, mais aussi tous les acteurs de la crise. On ne peut pas dire que les élus ne sont pas consultés. Et d’ailleurs cela a beaucoup évolué depuis l’année dernière. Les parlementaires également sont entendus. D’ailleurs il va y avoir un débat au Parlement jeudi, les oppositions pourront s’exprimer. » En effet, le Premier ministre Jean Castex prendra la parole devant les élus demain, une allocution suivie d’un débat et d’un vote dans chacune des deux chambres. Les médecins eux aussi pourraient enfin être entendus sur la nécessité de prendre des mesures fortes. Face à la circulation très active du virus, notamment dans les écoles, Emmanuel Macron pourrait annoncer ce soir la fermeture des établissements scolaires pour une durée d’un mois.