Ils ne sont pas d’accord sur tout mais le dialogue « se passe », et doit s’installer jusqu’au mois de « juin » pour « se préparer » à la sortie de crise. Le numéro un de la CFDT, invité ce mardi de la matinale de Public Sénat, « Bonjour chez vous », n’a pas fait mystère des points d’achoppements qui l’oppose au Premier ministre.
Comme sur l’assurance chômage par exemple. « La CFDT va attendre d’avoir le décret et va voir s’il y a de quoi attaquer au Conseil d’Etat. Nous ne nous contenterons pas de ça : nous avons décidé avec les associations d’incarner ce qu’il va se passer au 1 er juillet. Les travailleurs les plus précaires auront une baisse de 20 à 40 % d’indemnités », a-t-il alerté. En clair, le syndicat entend lancer une sorte de campagne de communication pour mettre en lumière les témoignages de certains de ces salariés. « Le taux de réaction des gens à cette réforme est trop faible », s’est-il inquiété, conscient que le gouvernement en profite pour la faire passer. Pourtant, à l’écouter, cette réforme est profondément « injuste », « incohérente », « une décision scandaleuse ».
Laurent Berger : "Nous allons incarner les travailleurs et les chômeurs les plus précaires"
Prime de 1000 euros et taxe sur les hauts revenus
Autre point de friction : les moyens de sortie de crise. Si Jean Castex a annoncé une prime de 1000 euros, la CFDT aimerait une reconnaissance des travailleurs « sur la durée ». « Cette prime ne peut pas être un solde de tout compte », a objecté Laurent Berger. Le syndicaliste aimerait par exemple qu’elle s’impose de façon plus contraignante aux entreprises. « Il y a eu une opposition assez frontale du Medef en disant que cette prime est une ingérence. On sent une opposition patronale. Mais le ballon est au bon endroit », a-t-il estimé. Par ailleurs, Laurent Berger n’a pas manqué de tirer le signal d’alarme sur la pratique du télétravail, qui doit, selon lui, être mieux encadrée. « En sortie de crise, je crois que le télétravail va s’installer. On constate une intensification du travail, une faiblesse des pauses. Néanmoins, il faudra des limites à cette pratique pour éviter l’isolement », a-t-il souligné.
Laurent Berger serait lui très favorable à une taxe exceptionnelle sur les hauts revenus. « Pour accompagner la sortie de crise, il faut que tous ceux qui ont bénéficié de cette période - comme les très hauts revenus - contribuent », a-t-il argué. Ce besoin résulte de la nécessité, selon lui, de réinstaller une « société du commun ». « Je pense qu’il faut avoir une logique de solidarité », insiste-t-il, et propose de lancer un appel à soutenir les associations. « Attention à ce que le sentiment d’une sécession des plus aisés ne s’ancre pas dans la population, et ils n’ont pas tout à fait tort, les gens. Le risque c’est le RN. Nos libertés collectives et individuelles en souffriraient », a-t-il prévenu. Le Premier ministre n’a pas répondu sur la question d’une telle taxe.
Réforme des retraites : « Vous êtes dingues ! »
Véritable serpent de mer du quinquennat, la réforme des retraites, qui avait suscité un vif mouvement de contestations, demeure en suspens. Systémique ? Paramétrique ? Sera-t-elle mise en œuvre avant la fin du quinquennat ? « Cette petite musique, si ça veut dire que des ministres considèrent qu’on peut faire une réforme paramétrique, c’est-à-dire repousser l’âge de la retraite, je leur dis : vous êtes dingues ! On est dans un pays tendu et ce n’est pas juste », a tonné Laurent Berger. Et de marteler : « Ce serait injuste pour tous les travailleurs de la seconde ligne ! C’est totalement irresponsable ! »