Le cabinet de Sonia Backès n’avait reçu aucune alerte sur le Fonds Marianne avant les révélations dans la presse

Auditionné par la commission d’enquête sénatoriale sur le Fonds Marianne, le directeur de cabinet de l’actuelle secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Sonia Backès a indiqué qu’il n’avait pas eu connaissance de problèmes particuliers avant les révélations dans la presse en mars 2023.
Simon Barbarit

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Les auditions de la commission d’enquête sénatoriale sur le Fonds Marianne se suivent et ne se ressemblent pas. Après le témoignage fébrile de Sébastien Jallet, directeur de cabinet de Marlène Schiappa au moment de la création du Fonds Marianne, les sénateurs ont enchaîné mercredi 7 juin, avec l’audition de Julien Marion, l’actuel directeur de cabinet de la secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Sonia Baclès.

Julien Marion est apparu bien plus serein que son prédécesseur face aux élus et pour cause : « Je n’avais pas connaissance du Fonds Marianne au moment ou j’ai pris mes fonctions auprès de la Secrétaire d’Etat », a-t-il indiqué au début de l’audition. En poste depuis juillet 2022, soit plus d’un an après le lancement du Fonds Marianne au printemps 2021, Julien Marion précise qu’il n’y avait pas d’éléments particuliers sur le Fonds Marianne  dans « le dossier ministre » du cabinet de Marlène Schiappa. « Un dossier qui est constitué par les services sur lesquels le ministre a autorité. Il est en général assez complet, il présente au nouveau membre du gouvernement les dossiers, les équipes, les organigrammes, les enjeux, les points d’actualité qui relèvent de son périmètre ministériel », explique-t-il.

« Il n’y a eu aucune attention, aucun signalement particulier »

Dès leurs installations, Sonia Backès et Julien Marion se sont entretenus en juillet 2022 avec le préfet Gravel, secrétaire général du Comité Interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) qui a démissionné cette semaine après les résultats accablants d’une première enquête l’inspection générale de l’administration (IGA). « Lors des échanges que nous avons eus, il n’y a eu aucune attention, aucun signalement particulier. Il en va de même avec les échanges que j’ai eus avec mon prédécesseur (Sébastien Jallet) la deuxième quinzaine de juillet ».

Une absence de mémoire du dossier qui a interpellé le président de la commission des finances dotées des prérogatives d’une commission d’enquête, Claude Raynal (PS). « Le point qui distingue le Fonds Marianne d’autres subventions, c’est ce qui s’est passé en octobre 2020 (l’assassinat de Samuel Paty) et la traduction politique qui en a été faite. On a dit : on agit. Et on le dit assez fort », observe-t-il.

Pour mémoire après l’assassinat de Samuel Paty, ce fonds gouvernemental a été lancé en avril 2021 par la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa. Piloté par le comité interministériel, il était doté de plus de 2 millions d’euros avec pour objectif d’accompagner des associations investies dans la promotion des valeurs républicaines pour répliquer aux discours séparatistes en ligne. Mais plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé que les deux associations qui ont bénéficié des plus grosses subventions, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), et « Reconstruire le commun », auraient mal utilisé cet argent public. Une information judiciaire a été ouverte.

C’est d’ailleurs par la presse que Julien Marion va entendre parler du Fonds Marianne. « A la fin du mois de septembre, un conseiller à la communication de la Secrétaire d’Etat porte à ma connaissance un article de l’hebdomadaire Marianne daté du 30 juin 2022 dont je n’avais pas eu connaissance auparavant », indique-t-il.

Le directeur de cabinet de Sonia Backès demande alors une note à Christian Gravel « qui ne contient aucune forme d’alertes particulières sur le déroulement des actions financées au titre du Fonds Marianne », révèle-t-il. La note « lui semble insuffisante » et demande des informations supplémentaires à l’ancien secrétaire général du CIPDR.

Sa demande sera exaucée quelques jours plus tard avec la communication d’une deuxième note. « Elle rentre un peu plus dans le détail et dresse un bilan globalement positif du déroulement des actions avec une toute petite nuance sur les contenus éditoriaux d’une association », indique-t-il en citant l’association « Reconstruire le commun » (voir notre article).

La véritable alerte remontera au cabinet de la Secrétaire d’Etat en mars 2023, encore une fois par des journalistes, au sujet de l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM). « Je reçois les journalistes le 22 mars. 48 heures après j’en rends compte à la Secrétaire d’Etat. Le 24 mars, à sa demande, je préviens l’inspection générale de l’administration qu’elle va être saisie d’une mission sur le versement de la subvention à cette association. Dans le même temps, je demande au secrétaire général du CIPDR de saisir la procureure de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale ».

A noter que les résultats d’une autre enquête de l’inspection générale de l’administration sur l’ensemble des associations subventionnées par le Fonds Marianne sont attendus pour la fin du mois de juin.

Ce qui intéresse particulièrement les sénateurs depuis le début de leurs travaux, c’est la séparation des rôles entre l’administration et le cabinet de Marlène Schiappa dans le processus de sélection et de validation des associations financées par le Fonds Marianne.

« Ça ne me choque pas que l’autorité politique soit amenée à connaître et à valider les propositions »

Sur le plateau de Public Sénat fin avril Marlène Schiappa avait expliqué que la sélection était du ressort du CIPDR. Intervenait après un « comité de sélection », formé de membres du CIPDR et de membres de son cabinet, pour valider les propositions.

Mais l’audition de son ancien directeur de cabinet, Sébastien Jallet a semé le doute sur le rôle du politique dans l’attribution des subventions. Il a reconnu que la Secrétaire d’Etat était bien intervenue pour refuser une subvention de 100 000 euros à SOS Racisme pourtant préconisée par son administration, pour des raisons « d’un historique de relation » compliqué (voir notre article).

« Est-ce que vous considérez que c’est normal que des membres du cabinet fassent partie de ce comité de sélection ou de validation ? », demande le rapporteur de la commission d’enquête, Jean-François Husson (LR). « Ça ne me choque pas que l’autorité politique soit amenée à connaître et à valider les propositions qui sont faites par l’administration dès lors que ça concerne des politiques publiques signalées », estime Julien Marion.

Claude Raynal insiste alors. « Ce n’est pas la même chose de participer à un comité de sélection et d’avoir une validation par le cabinet ». « J’ai bien parlé de validation M. le Président », complète le directeur de cabinet », précise le directeur de cabinet.

Cette question sera assurément creusée la semaine prochaine aves les auditions du directeur des opérations de USEPPM, Mohammed Sifaoui le 13 juin et de Marlène Schiappa et Sonia Backès le 14 juin.

 

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