Le Conseil national de la refondation, voulu par Macron, sera-t-il « un machin supplémentaire » ?

Le Conseil national de la refondation, voulu par Macron, sera-t-il « un machin supplémentaire » ?

Avant même d’être lancé, le Conseil national de la refondation risque-t-il d’être déjà mort-né ? Le refus des oppositions de gauche et de droite d’y participer, craignant un contournement du Parlement, met à mal l’ambition d’Emmanuel Macron de mettre en musique sa nouvelle méthode. « Le jour où on les consulte, ils ne veulent pas participer », s’étonne François Patriat, patron des sénateurs macronistes.
François Vignal

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Faudra-t-il rebaptiser le CNR en Comité non représentatif ? Le Conseil national de la refondation, lancé à Marcoussis la semaine prochaine, le 8 septembre, par Emmanuel Macron, semble déjà démonétisé, avant même d’être lancé. La faute aux refus des oppositions, qui se succèdent, de participer à l’événement.

« Le CNR interviendra en amont du travail législatif et en aval, sur la mise en œuvre »

Idée lancée début juin par le Président, pendant la campagne des législatives, les contours de ce CNR restent encore flous. La première ministre, Elisabeth Borne, a donné quand même un peu plus de détails, mercredi, au terme du séminaire gouvernemental. « Il rassemblera une cinquantaine d’acteurs représentatifs de notre société et des experts pour éclairer le débat. Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes », a expliqué la première ministre (voir la vidéo). La présence de la Cour des comptes et de la Banque de France donne au passage une première indication sur le cadre des débats : des finances publiques contraintes.

« Le but de ce CNR est de poser un diagnostic commun, de partager les contraintes, de s’accorder sur la méthode et un calendrier. Il interviendra en amont du travail législatif et en aval, sur la mise en œuvre. Cinq thèmes y seront abordés : le plein-emploi, l’école, la santé, le bien vieillir et la transition écologique », précise Elisabeth Borne. Le CNR fera des petits, puisque « chaque ministre en charge d’un de ces thèmes devra ensuite poursuivre la réflexion en CNR thématique. Pour chaque thème, les acteurs concernés seront conviés. Les prochains CNR en format global se réuniront sous ma présidence », ajoute la locataire de Matignon. Le Conseil national de la refondation aura un secrétaire général. Ce sera François Bayrou, révèle L’Opinion. Le leader du Modem cumulera, puisqu’il est déjà haut-commissaire au plan.

« Il amuse la galerie »

Seulement voilà. S’il devrait y avoir des syndicats, des associations, des citoyens, il manquera donc les partis politiques. Gênant, pour mettre en musique la nouvelle méthode, que prône Emmanuel Macron depuis sa réélection. A gauche, LFI, les communistes et EELV sèchent. « On ne voit pas l’intérêt de participer à ce qui ne s’apparente qu’à un exercice de communication, souligne au Parisien Sandra Regol, numéro 2 du parti écologiste, « il n’y a d’ailleurs pas eu de débat ce qui est rare chez nous ». Il devrait en être de même pour les socialistes, qui doivent encore entériner leur décision mardi, lors d’un bureau national.

« Ce conseil, c’est de la procrastination. Il gagne du temps et amuse la galerie. Je ne suis pas là pour ça », a prévenu en début de semaine sur publicsenat.fr Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. Il ne croit pas la volonté affichée par le Président, qui assure vouloir gouverner autrement. « Chien échaudé craint l’eau froide. Le grand débat a donné quoi ? » demande le socialiste.

« On ne sait pas qui est invité, quel est l’ordre du jour et à quoi ça sert »

A droite et à l’extrême droite, même politique de la chaise vide. Le RN n’ira pas. Les LR n’en veulent pas. Gérard Larcher, président LR du Sénat, a écrit au chef de l’Etat pour le prévenir de son refus de participer. Il dénonce « une forme de contournement du Parlement » et un manque « clarté ». Il pointe « un exercice indéterminé de co-construction de la loi en dehors du Parlement » et rappelle que « la loi ne se vote qu’au Parlement »…

Même position pour le sénateur Hervé Marseille, président du groupe Union centriste du Sénat. Il n’a même pas eu à refuser. Et pour cause. « On n’a pas à répondre formellement, car on n’est pas invité à l’UDI… » lâche le président délégué de la formation centriste. « Je me reconnais dans tout ce qu’a dit Gérard Larcher. On ne sait pas qui est invité, quel est l’ordre du jour et à quoi ça sert. C’est un machin supplémentaire. Il y a des institutions qui sont faites pour ça. On a réformé le CESE il y a deux ans. Et il y a le Parlement », rétorque Hervé Marseille, qui ajoute : « C’est un objet non identifié. Et en plus, qui met en porte-à-faux le Parlement ».

Le sénateur UDI des Hauts-de-Seine interroge au fond la légitimité du CNR. Et craint qu’il vire « au café du commerce ». Hervé Marseille préfère encore ironiser sur cet OVNI politique :

Demain soir, on prend un verre et on règle le problème des retraites. Si vous avez trois/quatre copains, on règle la faim dans le monde.

« Cela traduit une attitude de blocage systématique et de refus du dialogue »

Devant ce front du refus, la majorité présidentielle renvoie la balle dans le camp de l’opposition, tout en faisant mine d’espérer encore qu’elle change d’avis. « Je m’interroge. Est-ce que, dans la période actuelle où on fait face à des défis considérables, […] est-ce que c’est naturel de refuser la discussion avant même qu’elle n’ait commencé ? », a demandé jeudi matin sur France Inter Elisabeth Borne, assurant que « la porte resterait ouverte ».

François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs macronistes, pointe aussi la situation. « Je veux bien qu’on entende tous les jours le président du Sénat, les partis, dire qu’il faut débattre, que c’est la verticalité, etc. Et le jour où on les consulte, qu’on répond à la demande faite pendant les gilets jaunes, ils ne veulent pas participer. Cela traduit une attitude de blocage systématique et de refus du dialogue », dénonce le sénateur LREM de la Côte-d’Or, « les Français jugeront ». Et François Patriat l’assure : « Avec les forces vives, les collectivités locales peut-être, le monde associatif, on va le faire. Ça ne tue pas dans l’œuf le CNR ».

Ce fidèle du chef de l’Etat promet qu’il « ne s’agit pas de contourner le Parlement, mais de co-construire des propositions qui seront ensuite votées par le Parlement ». Et de dénoncer « de la politique pure comme les Français n’en veulent plus ». Reste que le banc des absents empiétera jusqu’au sein de la majorité. L’ancien premier ministre Edouard Philippe, qui avec son parti Horizons est l’une des composantes principales de la macronie, sera lui aussi absent… Il sera en déplacement au Québec. Pas de chance.

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