Le débat présidentiel : la France vaut mieux qu’une formule
Depuis plus de 40 ans, les débats politiques de l’entre-deux-tours se sont imposés comme moment incontournable de la campagne électorale sacralisant la confrontation et le spectacle du duel. Assistons-nous à un déclin de l’argumentation au profit d’une rhétorique de séduction plus que de conviction ? Les formules choc ont-elles définitivement remplacé les idées et le contenu politique ?

Le débat présidentiel : la France vaut mieux qu’une formule

Depuis plus de 40 ans, les débats politiques de l’entre-deux-tours se sont imposés comme moment incontournable de la campagne électorale sacralisant la confrontation et le spectacle du duel. Assistons-nous à un déclin de l’argumentation au profit d’une rhétorique de séduction plus que de conviction ? Les formules choc ont-elles définitivement remplacé les idées et le contenu politique ?
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Depuis 1974, les débats politiques n’ont cessé d’évoluer. Frédéric Sawicki, professeur de Science Politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et invité de l'émission Un monde en Docs, souligne d’ailleurs qu’il y a un véritable « apprentissage des hommes politiques et du staff ». « Le risque, nous dit-il, est celui de l’aseptisation de l’exercice et de sa neutralisation. Le summum étant peut-être le débat de 1995 entre Lionel Jospin et Jacques Chirac où les deux s’accordent pour faire pratiquement semblant de s’affronter. Lionel Jospin sachant très bien qu’il ne sera pas élu, il joue plutôt le coup d’après ». Comme si, d’une certaine manière, les hommes politiques échangeaient dans la complémentarité et moins dans la concurrence. Mais aujourd’hui, semble-t-il, le ton monte mais dans un cadre plus codifié. Le sociologue François Jost illustre son propos en empruntant aux combats de catch la mise en scène que l’on retrouve dans ces débats. Et si la dynamique de l’interaction a évolué, c’est sans compter sur la participation de plus en plus active des journalistes au « jeu politique ». « Les médiateurs n’ont plus cette position de retrait, ils font partie du combat », affirme François Jost, professeur en Sciences de l’Information et de la Communication à la Sorbonne Nouvelle Paris III. Aujourd’hui, alors que la parole politique est de plus en plus formatée et le spectacle, de plus en plus maîtrisé, le réel danger pour les candidats à la présidentielle est autant leur procès en incompétence qu’en imprécision.

Les joutes verbales en 2017

Mais le débat n’a-t-il pas été occulté en grande partie par les affaires ? Les sujets fondamentaux ne brillaient-ils pas par leur absence ? Patrice Duhamel, journaliste et ancien directeur général de France Télévisions, n’est pas de cet avis :

« On a beaucoup parlé du fond dans ces débats […] Les deux débats des finalistes des deux primaires, nous assure-t-il, étaient d’une très bonne qualité […] Là où on a pu avoir le sentiment qu’on ne pouvait pas aller au fond, ce qui ne veut pas dire qu’on ne parle pas du fond, c’est quand les candidats sont onze et qu’ils ont trente secondes ».

Serait-ce alors le temps de l’information qui a changé ? Ce temps de parole éphémère, impose-t-il aux candidats de surfer sur des phrases choc et efficaces pour tenter de se distinguer sans être oubliés ?

A l’heure de l’ère numérique, Frédéric Sawicki constate que les candidats contrôlent davantage leurs discours pour éviter au maximum l’onde de choc médiatique en cas de maladresse. « Maintenant, vous avez un débat qui va être découpé en tranches, envoyé sur Twitter, mis sur Facebook… ce qui fait que la moindre erreur, la moindre défaillance ou bourde prend une dimension décuplée. Cette nouvelle forme de médiatisation oblige d’ailleurs le média télévisé à se réinventer pour adouber le téléspectateur devant son poste. Dans cette course à l’audience, « Il faut créer l’évènement, américaniser » le débat avec ces candidats faiseurs d’images, renchérit Patrice Duhamel.

La démocratie de l’émotion

Que peut-on donc attendre de la prochaine confrontation entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron ? Ce dont Patrice Duhamel est sûr, c’est qu’ « en 2017, les électeurs français […] ont une envie politique et citoyenne de voir ce face-à-face. Ils ne sont en accord sur rien [… ] Donc je pense que les français ont envie de voir comment les idées s’affrontent ». Pour Frédéric Sawicki, le grand dilemme auquel va être confronté Emmanuel Macron c’est que « d’un coté, il va devoir se battre sur le détail de ses propositions qui ne rassemble que 23% des français, et puis de l’autre, montrer qu’au-delà des gens qui peuvent être en désaccord avec telle ou telle proposition, il est le meilleur garant, protecteur des intérêts fondamentaux de la République face à Marine Le Pen. Et je pense que Marine Le Pen n’aura de cesse que de montrer les failles de ses propositions ». Mais peuvent-ils compter sur la rhétorique pure pour gagner l’élection ? François Jost prévoit un futur débat autour de l’ethos c'est-à-dire l’image que renvoie le candidat. Il s’agira donc pour ses deux aspirants à l’Elysée de construire et de renvoyer aux téléspectateurs une image d’eux qui serve leurs objectifs.

Alors si le débat compte, place au décompte… Attendons-nous à ce qu’un débat inédit se joue ce soir.

 

 

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