Avec son projet de loi antiterroriste présenté jeudi, l'exécutif prend le risque "d'aller sur le terrain des barbares", estime le Défenseur des droits Jacques Toubon dans un entretien mis en ligne vendredi par Le Monde.
"Tout se passe comme s'il existait en France des gens qui ne seraient pas +pareils+ et qui présenteraient par essence plus de risques. Permettre que la loi ordinaire, fasse courir le risque de cette dérive, c'est aller sur le terrain des barbares qui cherchent à démontrer qu'il ne peut pas y avoir de nation française construite par la diversité", a dit Jacques Toubon au quotidien du soir.
Pour lui, le texte présenté jeudi en conseil des ministres, qui doit permettre de lever le 1er novembre un état d'urgence prolongé déjà six fois, "instille une sorte de dissolvant de la cohésion nationale, une pilule empoisonnée."
"La question va bien au-delà du respect de l'Etat de droit", juge Jacques Toubon, qui souligne le recours dans le projet de loi à "une étonnante +novlangue+ de l'antiterrorisme".
Il fait ici référence au langage vide de sens inventé par l'écrivain George Orwell, dont l'objectif est de "rendre impossible tout autre mode de pensée" que celui du régime totalitaire dépeint dans son roman "1984".
Le gouvernement a remplacé le terme de "perquisition" administrative par celui de "visite et saisie", et "assignation à résidence" par "mesure individuelle de surveillance".
Au-delà des retouches de vocabulaire, l'exécutif a apporté quelques corrections au projet qui avait fuité dans la presse, pour tenir compte des réserves du Conseil d'Etat.
Il conditionne en particulier les perquisitions au feu vert d'un magistrat de l'ordre judiciaire: le juge des libertés et de la détention (JLD), auquel il appartiendra aussi d'autoriser l'exploitation des données saisies.
Pour le reste, ce texte transfère aux préfets des pouvoirs réservés en temps ordinaire à des magistrats, s'inspirant en cela de la logique de l'état d'urgence, et suscitant l'indignation des défenseurs des libertés publiques.
Si le texte est voté en l'état, les préfets vont pouvoir temporairement fermer des lieux de culte, mettre en place des périmètres de protection, ordonner des "visites et saisies", interdire à une personne suspecte de quitter sa commune ou lui mettre un bracelet électronique, avec "accord écrit".
Cette dernière prérogative est celle qui inquiète le plus le Défenseur des droits, qui redoute dans Le Monde une "application massive".