C’était l’un des apports du Sénat en matière de lutte antiterroriste. Quelques semaines après les attentats du 13 novembre 2015, le président de la commission des lois, Philippe Bas présentait un texte destiné à « renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste ». Le sénateur LR militait pour la création de nouvelles infractions pénales : comme ce nouveau « délit de consultation habituelle de sites internet terroristes » semblable à celui prévu pour les consultations de sites pédopornographiques.
Repris par le gouvernement Valls, dans la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, le nouveau délit avait fait l’objet d’une première question prioritaire de constitutionnalité début 2017 avant d’être censuré pour la première fois par les Sages de la rue Montpensier (voir notre article). Le délit punissait de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende » le fait de « consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations, soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes ». Cet article n'était toutefois « pas applicable lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice ». En clair, les journalistes, les chercheurs n'étaient pas concernés par l'infraction
Or, le Conseil avait considéré, entre autres, que l’atteinte à la liberté de communication instituée par ce délit n’était ni adaptée, ni proportionnée, puisqu’il n’imposait « pas que (son) auteur ait la volonté de commettre des actes terroristes », pas plus qu’il adhérait « à l’idéologie exprimée » sur ces sites.
Dans la foulée, les parlementaires, Philippe Bas en tête, avaient réintroduit la disposition en commission mixte paritaire et l’avaient assortie d’une condition supplémentaire tenant au fait que la consultation habituelle devait « être accompagnée d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ces services ». Il revenait par la suite au juge pénal d’apprécier « les critères d’une telle manifestation d’adhésion » comme par exemple les correspondances à des tiers invitant à consulter ces mêmes sites internet ou faisant part de l’adhésion à cette idéologie, etc.. (voir notre article).
Saisi pour la deuxième fois en moins d’un an d’une QPC, le Conseil Constitutionnel a estimé que ce second texte portait lui aussi « une atteinte à la liberté de communication » qui n'était pas « nécessaire, adaptée et proportionnée » et décidé que sa censure prenait effet immédiatement.