François Hollande n'est pas candidat. Il ne fait pas campagne et ne soutient officiellement personne. Et pourtant, il bat la campagne à un...
Par Hervé ASQUIN
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François Hollande n'est pas candidat. Il ne fait pas campagne et ne soutient officiellement personne. Et pourtant, il bat la campagne à un rythme effréné, hanté par la crainte d'un second tour de la présidentielle qui opposerait Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon.
Depuis deux mois, le chef de l'Etat laboure les provinces françaises, à raison de deux, trois voire quatre visites par semaine. D'estrade en estrade, ce sont les mêmes mots qui reviennent : ne cédez pas aux sirènes du populisme, à la tentation du "repli".
Une même exhortation pour un même public : les ouvriers en bleu de travail d'entreprises industrielles fortement exportatrices, implantées dans des régions souvent rurales, anciens bastions de la gauche ou du Parti communiste, aujourd'hui acquises au FN.
"Si on se fermait, si on voulait moins d'échanges avec le monde comme certains nous y encouragent, si on ne fabriquait que pour nous (...), nous ne pourrions pas assurer le débouché de vos productions", a-t-il encore averti vendredi à Besançon, sur fond de martèlement de presses industrielles.
En retrait après avoir renoncé en décembre à briguer un second mandat, le président sortant avait d'abord semblé avoir faire vœu de silence, se tenant à l'écart de la joute électorale et sortant beaucoup, entre amis, au restaurant, au théâtre, comme libéré.
Le président François Hollande, le 14 avril 2017 à Sochaux
AFP
Mais cette relative insouciance a bientôt fait place à une vive inquiétude. Et le naturel est revenu au galop. Cette semaine, François Hollande s'est encore confié au Point et à Konbini, un site de "pop culture".
"Cette élection a quelque chose d'imprévisible, d'incroyable, d'impalpable, d'inadmissible", justifie son entourage.
Alors, le président fait du porte à porte, tente de convaincre les électeurs "les yeux dans les yeux". Et tant pis si la plupart des médias nationaux ont déserté ses périples. La presse locale est toujours là.
"Ce qui importe, c'est de convaincre les Français", souligne un proche du président, "il n'y avait que 100.000 voix d'écart entre Lionel Jospin et Jean-Marie Le Pen en 2002, chaque voix va compter..."
Le cauchemar de François Hollande ? Que la courbe ascendante de Jean-Luc Mélenchon ne croise celle, stagnante, d'Emmanuel Macron, comme en ce fameux 21 avril 2002, quand Jean-Marie Le Pen s'était qualifié pour le second tour, battant sur le fil Lionel Jospin.
- Même Fillon -
"On n'en est pas là, mais il faut faire attention", confie le chef de l'Etat en privé. Qu'en serait-il d'un second tour Mélenchon/Le Pen ? Qui l'emporterait ?
Le Brexit et l'élection de Donald Trump ont ravivé ses inquiétudes. D'où ce tour de France qui promet de redoubler d'intensité encore dans la dernière ligne droite.
L'objectif est triple, a-t-il confié vendredi à l'AFP : valoriser son bilan, "montrer les réussites de la France" et "dénoncer le risque du Front national", celui qu'il fait peser sur "l'avenir même de l'Europe" comme "sur la vie quotidienne de chacune et de chacun".
Le président François Hollande, le 13 avril 2017 à Paris
POOL/AFP
S'il pointe sans relâche les projets du FN, le président a placé aussi depuis quelque jours Jean-Luc Mélenchon dans sa ligne de mire. Le programme du leader de La France insoumise qui l'avait autrefois qualifié de "capitaine de pédalo" conduirait de la même manière au "repli" de la France, à sa sortie de la zone euro, avance-t-il.
Et d'insister : "Jusqu'au dernier moment, je ferai savoir aux Français quels sont les risques".
Entre les deux tours, François Hollande appellera à voter pour l'un des finalistes. Si Marine Le Pen se qualifiait, ce serait son adversaire, quel qu'il soit, même François Fillon.
En attendant, il se contente de propos sibyllins, laissant entendre que sa préférence irait à Emmanuel Macron mais du bout des lèvres, histoire de ne pas donner des munitions au candidat de la droite François Fillon, qui attaque "Emmanuel Hollande".
Le président entretient pourtant le doute sur la présidentialité du leader d'En Marche ! dont l'ascension, a-t-il déclaré au Point, ne serait que le fruit d'un "concours de circonstances".
Aucune ambiguïté en revanche sur le cas Benoît Hamon, le candidat du PS qu'il n'a jamais adoubé et dont il ne manque jamais une occasion de railler le projet de taxation des robots industriels.
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