Le FN voulait-il faire des "économies" sur le dos du Parlement européen? Des éléments recueillis par les enquêteurs, notamment une lettre du trésorier à Marine Le Pen, et des témoignages à l'AFP jettent le trouble, mais le parti réfute cette hypothèse.
Les enquêteurs planchant sur les soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires européens du FN à Strasbourg ont saisi une lettre de Wallerand de Saint Just à Marine Le Pen, dévoilée mercredi par Le Monde et confirmée à l'AFP de source proche du dossier.
La présidente du FN a démenti et affirmé qu'"il y a zéro révélation", assurant sur M6 qu'elle allait porter plainte contre Le Monde, journal dirigé par "M. Pierre Bergé, qui est en même temps un soutien de M. (Emmanuel) Macron".
"De surcroît, tout cela vient d'une violation du secret de l'instruction qui est devenue maintenant systématique. L'instruction se fait dans les journaux", a déploré Marine Le Pen.
"Dans les années à venir et dans tous les cas de figure, nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen et si nous obtenons des reversements supplémentaires", écrivait l'argentier du parti le 16 juin 2014, juste après le scrutin qui a permis au FN de passer de trois eurodéputés à 24.
Dans un communiqué publié mercredi, M. de Saint Just conteste l'interprétation "risible", une "très grave diffamation", de cette lettre, qu'il date de 2013.
"Les économies que le FN anticipait portaient sur les salariés du FN qui devenus députés français au Parlement européen allaient voir leurs contrats de travail s’interrompre ; les +reversements supplémentaires+ étaient ceux attendus des élus départementaux et régionaux dont le nombre devait augmenter considérablement vu les enquêtes d’opinion", soutient-il.
- '+Marine+ décide de tout' -
Le Parlement européen a lancé des procédures de recouvrement pour six eurodéputés FN, dont Marine Le Pen (340.000 euros), pour un total de 1,1 million d'euros, et saisi la justice française sur les cas d'une vingtaine de leurs assistants.
Charles Hourcade, un temps recensé comme graphiste au siège du parti à Nanterre, a été mis en examen pour "recel d'abus de confiance", tout comme Catherine Griset, recensée comme chef de cabinet de Marine Le Pen au siège du FN.
Elle-même convoquée en vue d'une possible mise en examen, la candidate à la présidentielle ne veut répondre qu'une fois passées la présidentielle et les législatives.
Aymeric Chauprade, eurodéputé élu en 2014 sur les listes FN mais qui veut désormais "qu'il n'arrive pas au pouvoir", a été entendu plusieurs heures mardi et mercredi par les enquêteurs de l'office anticorruption de la PJ (Oclciff). Il a estimé que les "éléments" qui lui ont été présentés lors de l'audition "laissent penser à l'existence d'un système généralisé de gestion des enveloppes parlementaires", des faits "d'une ampleur considérable" à ses yeux et "touchant le parti à son plus haut niveau".
"C'est la mise en place d'un système d'emplois fictifs", avait-il affirmé à l'AFP, confirmant des déclarations faites à L'Express, Mediapart, Marianne et France 2.
Faut-il y voir, comme le dénonce Mme Le Pen, la vengeance d'un "affabulateur" qui soutient désormais François Fillon? Un frontiste a assuré à l'AFP que M. Chauprade s'était inquiété de cette demande dès l'été 2014, alors qu'il était encore pleinement frontiste.
Charles Van Houtte, ex-assistant parlementaire européen de la présidente du FN, désigné par M. Chauprade comme la cheville ouvrière de ces délégations, confirme qu'il y a "eu une réunion pour voir comment organiser ça concrètement. Mais un tel système", où la direction frontiste embaucherait des assistants en lieu et place des eurodéputés FN, "ça ne me dit rien", conteste-t-il à l'AFP.
Philippe Chevrier, désormais à distance du FN mais encore assistant de l'eurodéputée Marie-Christine Boutonnet, a affirmé au contraire à l'AFP et au Monde que "+Marine+ a nommé une dizaine de secrétaires départementaux dans chaque circonscription européenne comme assistants locaux après les élections. Elle a décidé de ça, elle décide de tout".