Déterminés à relancer les réformes après la tempête "gilets jaunes", Emmanuel Macron et Edouard Philippe vont fixer les priorités des premiers...
Par Jérôme RIVET
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
Déterminés à relancer les réformes après la tempête "gilets jaunes", Emmanuel Macron et Edouard Philippe vont fixer les priorités des premiers mois de 2019 lors d'un conseil des ministres vendredi, suivi d'un séminaire gouvernemental mercredi.
Comme le veut la tradition, les membres du gouvernement se réuniront dans la matinée au ministère de l'Intérieur, place Beauvau, avant de rejoindre à pied l'Elysée, tout proche, pour tenir leur premier Conseil de l'année.
Dans quel état d'esprit?
Emmanuel Macron a été clair en présentant ses voeux lundi: "Je suis au travail" et "déterminé à mener tous les combats présents et à venir".
Apparu fragilisé par la crise sociale et sur la défensive depuis l'été, le chef de l'Etat entend mobiliser le gouvernement dès vendredi pour "reprendre l'initiative et ne plus subir", selon un conseiller gouvernemental.
"On a reçu un mandat de manière très claire de la part des Français pour réformer, il faut continuer à le faire", plaide la porte-parole des députés LREM Aurore Bergé.
La tache est cependant rendue plus ardue par la forte impopularité de l'exécutif. Et le fait d'avoir reculé face aux "gilets jaunes" pourrait encourager d'autres résistances.
Quelle place pour le "grand débat"?
Prioritaire. Emmanuel Macron adressera à la mi-janvier une "lettre aux Français" pour "cadrer les thèmes du débat". Prévu pour durer jusqu'à la mi-mars, il vise à faire remonter les propositions des citoyens, "gilets jaunes" compris, sur quatre thématiques: transition écologique, fiscalité, démocratie et citoyenneté, et réforme de l'Etat.
M. Macron a prévu d'aller en discuter avec les maires, placés en première ligne, dans les treize régions françaises. Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), s'est dit "surpris par le nombre de communes qui se sont lancées dans l'opération" pour rassembler les doléances. "Les gens ont besoin de dire les choses".
Mais l'opposition dénonce une "opération de com'" et les Français semblent circonspects. Seuls 50% d'entre eux pensent que le gouvernement tiendra au moins partiellement compte des avis émis, selon un sondage publié mercredi.
Quelles réformes à mener?
Dans ses voeux, Emmanuel Macron en a listées trois: "changer en profondeur les règles de l'indemnisation du chômage afin d'inciter à la reprise du travail", organiser "le secteur public pour le rendre plus efficace" et réformer "notre système de retraite pour le rendre plus juste".
Elles s'annoncent difficiles politiquement et socialement à mettre en oeuvre. Le quinquennat va "entrer véritablement dans le dur", a estimé jeudi le ministre des Finances Bruno Le Maire, insistant que "2019 doit être l'année des choix décisifs pour notre pays".
Pour l'assurance chômage, les points de friction restent nombreux entre syndicats et patronat, qui ont jusqu'au 22 février pour trouver un terrain d'entente.
La réforme de la fonction publique a également pris du retard, repoussée à février avec un discours d'Emmanuel Macron devant les 1.800 plus hauts fonctionnaires. Quant au dossier "retraites", la concertation a là aussi pris du retard et le texte ne devrait pas être déposé avant les élections européennes de mai.
Quid de la réforme de la Constitution?
Repoussée en juillet à cause de l'affaire Benalla, elle devrait attendre la fin du "grand débat" pour tenir compte des revendications des "gilets jaunes" pour une démocratie plus directe et représentative, notamment avec l'instauration de référendum d'initiative citoyenne (Ric).
"Nous devons, grâce au débat, redonner toute sa vitalité à notre démocratie. J'aurai sur ce sujet des décisions à prendre car d'évidence, nos institutions doivent continuer à évoluer", avait déclaré le chef de l'Etat dans ses voeux.
Chronologie du mouvement social des "gilets jaunes" en France depuis novembre 2018
AFP
Le calendrier reste également flou pour l'examen de deux dossiers délicats: la bioéthique, avec la question de la PMA, et les relations entre l'Etat et les religions (financement de l'islam, laïcité).
Quelle place pour l'international?
Très actif sur la scène internationale depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron devrait réduire le nombre de ses déplacements à l'étranger en ce début d'année pour se consacrer à la gestion de l'après-"gilets jaunes".
Mais, à l'approche des élections européennes, "ô combien importantes" à ses yeux, il entend proposer "dans les prochaines semaines" aux Français "un projet européen renouvelé".
Les hausses d’impôt ciblées sur les grandes entreprises et les plus fortunés, annoncées par Michel Barnier, continuent de diviser la majorité relative. Frondeur en chef, Gérard Darmanin continue de profiter de sa liberté retrouvée en jouant sa propre partition, au risque d’affaiblir le premier ministre. Tous ne ferment pourtant pas la porte à la hausse de la fiscalité.
Le Premier ministre a indiqué que la réforme constitutionnelle sur le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, élément déclencheur des violences dans l’archipel, « ne sera pas soumise » au Congrès. Si cette annonce a soulevé la colère de certains membres du camp présidentiel, de nombreux élus, indépendantistes ou loyalistes, saluent la volonté d’apaisement affichée par le nouveau gouvernement.
Les sénateurs Les Républicains vont publier une tribune en soutien à Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, après la polémique sur l’Etat de droit qui ne serait « pas intangible, ni sacré ». Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine, l’a co-signée. Pour lui, l’Etat de droit « n’est pas immuable » et « l’expression populaire peut le faire évoluer ».
Depuis un forum à Berlin, Emmanuel Macron a estimé mercredi qu’une « taxation exceptionnelle sur les sociétés », telle qu’annoncée par le gouvernement de Michel Barnier, était « bien comprise par les grandes entreprises » mais qu’elle devait être « limitée ». La veille, Michel Barnier avait annoncé aux députés, lors de son discours de politique générale, qu’une participation serait demandée aux « grandes entreprises qui réalisent des profits importants » et aux « Français les plus fortunés », au nom de la « justice fiscale ». Cette taxation exceptionnelle a été confirmée par le Premier ministre au Sénat, ce mercredi. A la sortie du discours de politique générale, le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard reste prudent. « On verra le montant et l’orientation de cette mesure. Mais une taxation sur les superprofits, c’est quelque chose qu’on a portée et qu’on continue à porter. Que de temps perdu pour se rendre compte qu’on avait besoin d’un peu de justice fiscale », a-t-il regretté sur le plateau de Public Sénat. A ses côtés, la présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman s’interroge sur le rôle joué par Emmanuel Macron en cette période inédite. « Ce qui est étonnant, c’est que le Président donne son avis sur un débat qui doit se dérouler entre le gouvernement et le Parlement. Ce serait bien qu’il ne commente pas chaque mesures qui n’ont pas été encore votées d’ailleurs et qui laisse le Parlement faire son travail ».