Le gouvernement indemnise le congé de proche aidant, un an après s’y être opposé au Sénat

Le gouvernement indemnise le congé de proche aidant, un an après s’y être opposé au Sénat

Le Premier ministre a annoncé des mesures pour soulager le quotidien des Français qui s’occupent d’un proche malade, âge ou handicapé. Parmi elles : l’indemnisation du congé actuellement prévu pour les proches aidants. Le Sénat avait porté cette proposition dès 2018, mais s’était heurté à l’opposition de l’Assemblée nationale et du gouvernement, pour des raisons de calendrier.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot, avec François Vignal

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Cette fois-ci, c’est la bonne. Le gouvernement a dévoilé ce mercredi sa stratégie nationale en faveur des proches aidants, ces huit à onze millions de Français qui s’occupent régulièrement d’une personne handicapée ou en situation de dépendance. La réponse la plus attendue, réclamée de longue date par les associations, reste la création d’un congé indemnisé, de trois mois (fractionnable) sur l’ensemble d’une carrière. Le salarié pourra être indemnisé 43,5 euros par jour (dans le cas d’un couple), et même jusqu’à hauteur de 52 euros s’il vit seul. Le montant sera fixé par décret.

Depuis 2016, les salariés avaient déjà la possibilité de cesser temporairement leur activité pour prendre en charge le quotidien d’un proche en perte d’autonomie, mais sous fome d’un congé sans solde uniquement. Le dispositif était alors peu utilisé.

Il y a moins d’un an, le gouvernement jugeait l’idée du Sénat « prématurée »

Cette problématique n’avait pas échappé au Sénat, qui avait adopté le 25 octobre 2018 une proposition de loi co-signée par la plupart des groupes politiques (relire notre article). Le texte porté par la sénatrice centriste Jocelyne Guidez, « visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants », prévoyait notamment l’indemnisation de leur congé. La proposition de loi a été définitivement adoptée par le Parlement en mai 2019, mais cette disposition sur l’indemnisation n’a pas survécu à la navette parlementaire : l’Assemblée nationale l’a retirée. La proposition sénatoriale était même financée : la dépense aurait été couverte avec une taxe sur certains contrats d’assurance prévoyance.

Lors du retour du texte au Sénat, en mars 2019, le gouvernement avait souligné qu’un soutien « sans réserve » à la proposition sénatoriale dès l’automne était « prématuré », à cause d’une concertation nationale en cours. Suspendus aux promesses du plan « grand âge et autonomie », les sénateurs se sont pliés aux corrections de l’Assemblée, dans l’espoir de faire aboutir au plus vite les autres dispositions de leur texte. Comme l’extension aux agents publics du mécanisme « relayage », c’est-à-dire la possibilité de remplacer un proche aidant par des professionnels médico-sociaux.

« Un motif de récupération politique », pour le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe

Le sénateur centriste Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur du budget de la Sécurité sociale, s’était montré extrêmement mécontent, lors des explications de vote. « Nous avons été déçus de voir l’Assemblée nationale dépouiller cette proposition de l’essentiel de sa substance à savoir l’indemnisation du congé de proche aidant et l’harmonisation des conditions d’affiliation à un régime de retraite de l’aidant. » Le sénateur du Pas-de-Calais avait même lâché que le gouvernement « entravait » les « initiatives » du Sénat « pour des motifs essentiellement calendaires – c’est ainsi que c’était présenté – et de récupération politique – c’était plutôt sous-entendu. »

Utiliser ce véhicule législatif n’aurait-il pas fait gagner un temps précieux pour les proches aidants ? Aujourd’hui, du côté du ministère de la Santé, on explique qu’au moment de l’examen du texte sénatorial, « on n’était pas opposé » au principe, mais on évoque à nouveau « la concertation qui était en cours ». Et d’ajouter : « On s’y était engagé et l’engagement est tenu ». On souligne au passage que « le travail des sénateurs a été pris en compte ».

En revanche, on se défend de toute volonté de récupération politique. « Ce n’est pas qu’on veuille refuser toute proposition de loi de l’opposition » souligne-t-on de source ministérielle, renvoyant la responsabilité du jeu politique : « C’est souvent l’opposition qui met un sujet sur la table quand elle sait que le gouvernement y travaille ».

Aujourd’hui, la création d’une allocation journalière du proche aidant figure bien dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, dont l’examen a débuté en séance à l’Assemblée cette semaine. Le texte budgétaire arrivera au menu des sénateurs le 12 novembre. Les conditions de l’indemnisation ne satisfont pas pleinement les associations, ni une partie de la majorité présidentielle. La députée MoDem Nathalie Avy-Elimas a regretté hier soir une solution « particulièrement restrictive », qu’il s’agisse du montant ou de la durée maximale. « Il est à craindre qu’elle se révèle insuffisante et ne réponde pas correctement aux besoins des proches aidants. »

Dans dix ans, un actif sur quatre sera aidant

Trois mois sur une carrière, une durée insuffisante ? Lundi, sur notre antenne, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a préféré voir le verre à moitié plein. « À ce stade c’est déjà un investissement qui permettra aux gens de trouver des solutions […] ce n’est pas rien ».

Ces périodes de congés pour aider un proche seront prises en compte dans le calcul de la retraite, de la même manière que l’avait prévu le Sénat dans son texte. L’accompagnement de ces Français qui se consacrent à leurs proches dépendants est devenu un véritable sujet de société. En 2030, un actif sur quatre sera aidant. Et 8 aidants sur 10 consacrent en moyenne 20 heures par semaine à leur(s) proche(s) : des emplois du temps très lourds lorsqu’ils se conjuguent avec une vie professionnelle. La reconnaissance de leur investissement par les pouvoirs publics, sous différentes formes, n’est qu’un juste retour des choses. Selon une étude de l’université Paris-Dauphine, leur contribution bénévole décharge la Sécurité sociale d’une prise en charge qui s’élèverait à 11 milliards d’euros par an.

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