Le jour où … la gauche fait sa « révolution de palais » au Sénat
Le 25 septembre 2011, la gauche sort victorieuse, pour la première fois sous la Ve République, des élections sénatoriales. La bascule est historique. Jusqu’au dernier moment, l’incertitude a régné sur la majorité qui allait sortir des urnes. Le socialiste Jean-Pierre Bel accède pour trois ans à la présidence de la chambre haute. Cinquième épisode de notre série d'été sur les jours qui ont marqué l'histoire du Sénat.
L’alternance dans une chambre dominée depuis cinquante ans par des majorités et de droite et du centre : la gauche en rêvait mais elle a attendu néanmoins les dernières heures des élections sénatoriales de 2011 avant d’admettre que son aspiration était devenue une réalité.
Le 25 septembre 2011, la gauche remporte de justesse les élections sénatoriales et pour la première fois depuis la naissance de la Ve République en 1958, le Sénat bascule. Une semaine avant encore, une certaine imprévisibilité entourait le scrutin, qui s’annonçait particulièrement serré.
23 sièges à obtenir : voilà la marche que devaient franchir le Parti socialiste et ses alliés. « L’alternance est possible, mais pas certaine », confie-on alors dans l’entourage du président du groupe PS au Sénat. D’un côté, Jean-Pierre Bel explique que la gauche « n’a jamais été aussi proche de la victoire ». De l’autre, il dénonce « un combat inégal », accusant la droite de faire campagne avec les moyens de l’institution.
59 département sur 100 à gauche
« L'alternance risque une fois de plus de ne pas se produire », considère-t-il. Prudent en public, le patron des socialistes au palais du Luxembourg se montre plus souvent serein devant ses troupes. Tout est possible.
Sur le papier, l’alignement des planètes est favorable aux socialistes et à leurs alliés, qui ont remporté toutes les élections locales sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Les municipales de 2008 ? Elles se terminent par une nette poussée de la gauche et dépassent l’objectif fixé par François Hollande : 22 villes de plus de 50 000 habitants sont conquises, et un nombre important de villes moyennes tombent également.
Les régionales de 2010 ? Une vague rose sur la France. Les élections cantonales de 2011 ? 59 départements sur 100 finissent aux mains de la gauche. Ce grand chelem se traduit pour Nicolas Sarkozy par une forme de cohabitation des pouvoirs locaux. La droite aborde aussi le scrutin très affaiblie après la réforme territoriale et certaines dissidences dans les candidatures.
« Un jour qui marque l’histoire »
Le jour de l’élection, en fin d’après-midi, le sourire du président du groupe PS au Sénat s’affirme. « Nous avons de bons résultats », témoigne-t-il en fin d’après-midi. Peu après 19 heures, le verdict tombe, à la fois comme une confirmation et un soulagement. « La gauche vient de gagner les sénatoriales.
C’est un véritable camouflet pour la droite […] Ce 25 septembre 2011 est un jour qui marque l’histoire. C’est la première fois sous la Ve République que le Sénat va connaître l’alternance. Le changement est en marche », se réjouit-il.
Au palais du Luxembourg, la gauche exulte. Larmes de joie, embrassades, champagne. C’est une scène de liesse qui accueille les résultats. Même François Hollande et Martine Aubry se montrent côte à côte, juste avant la primaire citoyenne au sein du PS. Le premier tour doit se disputer dans deux semaines.
Pour François Hollande, les sénatoriales de 2011 sonnent comme un « évènement historique », et même une « révolution de palais ». Le Sénat est passé à gauche. « L’anomalie démocratique », comme le dénonçait en son temps le Premier ministre Lionel Jospin, appartient au passé. Jean-Pierre Bel l’avait promis : « Nous ferons la démonstration qu'il y a une assemblée qui jamais, en toutes circonstances, ne peut connaître l'alternance. »
Les mots de Robert Badinter au premier président socialiste du Sénat
Le patron des sénateurs socialistes ne peut retenir son émotion, lorsqu’il détaille ce que lui a confié Robert Badinter, l’ancien garde des Sceaux, un peu plus tôt. « Il m’a dit, tu vois Jean-Pierre, je rêvais de voir le Sénat de la République basculer dans l’alternance. C’est possible grâce à toi et je suis fou de joie. Quand j’ai entendu Badinter me parler comme ça, je dois vous dire que je me suis laissé gagner par l’émotion », explique-t-il ce jour-là sur le plateau de Public Sénat.
On le voit, l’émotion est là, mais ce n’est pas non plus une grande vague de gauche qui a déferlé sur le palais du Luxembourg. La nouvelle majorité, qui réunit toutes les composantes de la gauche, ne dispose que deux sièges d’avance dans l’hémicycle. L’avance est fragile et ne suffit pas à garantir l’élection d’un sénateur de gauche à la présidence du Sénat.
Une responsabilité historique et morale
Finalement, ce sera une nouvelle victoire. Le 1er octobre, Jean-Pierre Bel, devient à l’aube de ses 60 ans, le nouveau président de la Haute assemblée, avec 179 voix. Gérard Larcher, le président sortant (UMP), en récolte 134, la centriste Valérie Létard 29.
Dans son allocution, les premiers mots du président socialiste vont à Robert Badinter et à l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy, dont les mandats de sénateur viennent juste de s’achever. La veille, le Sénat a d’ailleurs célébré le trentième anniversaire du vote par le Sénat de la loi abolissant la peine de mort.
En évoquant les mois qui s’ouvrent, Jean-Pierre Bel évoque la « responsabilité historique » et la « responsabilité morale » de cette alternance, qui est une « preuve de maturité démocratique », et même le signe d’une « légitimité renforcée » pour l’institution. Il promet un « bicamérisme rénové, dans lequel l’opposition sera respectée ».
Le président « fantomatique »
Les réjouissances seront de courte durée. Conséquence d’une majorité ténue, le quinquennat de François Hollande va vite manquer de soutien au palais du Luxembourg. De nombreux textes phares sont rejetés, et pas des moindres : budgets, lois de financement de la Sécurité sociale, loi sur le non-cumul des mandats, retraites, ou encore l’impopulaire réforme territoriale.
Les voix des communistes, des radicaux ou encore des écologistes font défaut aux socialistes. Cependant, le Sénat fait parfois entendre sa voix sur des rapports ou des propositions de loi. À l’heure du bilan, en 2014, Jean-Pierre Bel est critiqué dans ses propres rangs, pour avoir manqué d’autorité, ne pas avoir tenu sa majorité, ou ne pas avoir su incarner la fonction.
Une présidence éclaire
Son prédécesseur, Gérard Larcher, lui reproche d’avoir affaibli le rôle de l’institution et pointe une présidence « fantomatique ». Aux sénatoriales de 2014, le Sénat rebascule à droite, Gérard Larcher redevient président de la Haute assemblée.
À ce jour, Jean-Pierre Bel reste le seul président du Sénat à avoir été socialiste, mais également celui qui a eu la présidence la plus courte. En 2014, le Sénat revient dans le giron de la droite. Le sénateur ariégeois ne se représente pas et se retire de la vie politique, à la surprise générale.
Les raisons sont personnelles, il exprime le besoin de se recentrer sur d’autres choses. « L'apparat lié à la fonction, ce n’est pas mon truc. L'escorte, le garde-à-vous, les dorures, ça ne me fascine pas », dira-t-il, comme un écho à un autre président qui lui aussi revendiquait sa normalité.
Les jours qui ont marqué l'histoire du Sénat - tous les épisodes :
Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.
La présidente des députés RN attend de voir comment se construit le futur budget avant de se positionner vis-à-vis du prochain gouvernement de François Bayrou. Assurant de pas avoir pris d’engagement, elle « ne renonce pas » à l’outil de la motion de censure.
Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.