Le jour où le Sénat a aboli la peine de mort (1/3) : en 1982 ou 1983, la réforme aurait eu du mal à être adoptée

Le jour où le Sénat a aboli la peine de mort (1/3) : en 1982 ou 1983, la réforme aurait eu du mal à être adoptée

Le 30 septembre 1981, le Sénat adopte l’abolition de la peine de mort en première lecture. La suppression de la peine capitale reste encore aujourd’hui un héritage emblématique de la présidence de François Mitterrand et une victoire majeure pour son ministre de la Justice de l’époque, Robert Badinter. Mais pourquoi l’avoir fait aussi vite ? Dans « Il était une loi », le haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé, alors conseiller technique au ministère de la Justice, témoigne.
Public Sénat

Par Aurélien Tillier

Temps de lecture :

3 min

Publié le

En 1981, à tout juste 32 ans, Jean-Marc Sauvé entre au ministère de la Justice. Enarque et conseiller d’Etat, il devient conseiller technique au cabinet de Robert Badinter, chargé de la législation pénale et de la coopération pénale internationale – des attributions qui le mènent à se confronter directement au projet de loi sur la peine de mort. Quelques semaines plus tôt, pendant la campagne présidentielle, le candidat socialiste François Mitterrand avait affirmé son hostilité à la peine capitale et annoncé sa volonté de l’abolir une fois élu Président de la République, alors même qu’une majorité de Français y est favorable.

Éviter une tension entre le gouvernement et la justice

Pourquoi ne pas avoir attendu davantage, compte tenu de la forte majorité dont disposait la gauche à l’Assemblée nationale, garantie jusqu’en 1986 ? Pour Jean-Marc Sauvé, il s’agissait d’abord d’éviter de créer une tension inutile et dangereuse entre le gouvernement et les tribunaux pénaux : « On risquait d’être dans une situation infernale avec des cours d’assises qui condamnent à mort et un Président qui gracie ». En effet, François Mitterrand avait annoncé sa volonté de gracier tous les condamnés à mort tant que la peine de mort n’était pas abolie.

« Nous n’aurions pas aboli la peine de mort en 1982 ou 1983 »

Il était aussi nécessaire d’agir vite. Jean-Marc Sauvé raconte que « si le temps passait politiquement, le débat parlementaire aurait été de plus en plus difficile, car ce débat était pourri par […] la mise en scène de la montée de la délinquance, la mise en cause perpétuelle de Robert Badinter, et l’accusation portée contre le gouvernement d’avoir, par sa politique laxiste, mis en cause la sécurité des Français ». En attendant plus longtemps, le gouvernement prenait donc le risque de perdre en popularité et de laisser l’opposition de droite, plus favorable à la peine de mort, instrumentaliser une insécurité prétendument grandissante pour conserver ce châtiment dans le code pénal.

Un symbole universel ?

Une analyse partagée par le journaliste Alain Duhamel, qui ajoute que Mitterrand souhaitait faire de cette victoire un symbole « universel », moins ancré sur le clivage entre socialisme et libéralisme ou entre la gauche et la droite. Une réussite, puisque cette loi a été soutenue par de nombreux parlementaires, y compris à droite, et par des élus initialement favorables à une abolition partielle.

Retrouvez l’intégralité de l’émission « Il était une loi » en replay en cliquant ici.

Dans la même thématique

Salle des fetes de Crepol, ou le jeune Thomas a ete tue, 27 novembre 2023
5min

Politique

Drame de Crépol : pourquoi RN et Reconquête ont des stratégies différentes ?

La mort du jeune Thomas, poignardé lors d’une fête de village à Crépol dans la Drôme a permis aux deux partis d’extrême droite d’envoyer des signaux différents à leur électorat. Comme lors de la dernière campagne présidentielle, Le RN a conforté son image de parti de gouvernement. Quant à Reconquête, le parti d’Éric Zemmour tente d’imposer sa grille de lecture d’un déclin civilisationnelle.

Le

PARIS: EXCUSIF, Philippe Folliot President de l’Alliance centriste apporte son soutient a NKM
7min

Politique

Le sénateur Philippe Folliot candidat aux européennes : « Je défends le bon sens paysan ! »

Le sénateur centriste du Tarn, Philippe Folliot, annonce lancer pour les européennes sa liste « Ruralités, l’avenir dans le bon sens ». Défendant « une Europe qui nous protège plutôt qu’une Europe qui nous contraint », il propose une liste qui « porte une vision positive de l’Europe, mais sous un prisme des territoires et des ruralités ».

Le

Paris: Gerard Larcher elu President du Senat
7min

Politique

Projet de loi immigration : Éric Ciotti au chevet d’une droite sénatoriale de plus en plus agacée par les critiques des députés LR

Le président des LR, Éric Ciotti, était au Sénat mardi matin pour appeler les parlementaires de son parti à « l’unité ». Les critiques des députés LR sur le projet de loi immigration adopté mi-novembre par la majorité sénatoriale de droite et du centre ont nourri un vif agacement au Palais du Luxembourg. Au point que certains hésiteraient même à rompre leur rattachement au parti.

Le