En 1981, à tout juste 32 ans, Jean-Marc Sauvé entre au ministère de la Justice. Enarque et conseiller d’Etat, il devient conseiller technique au cabinet de Robert Badinter, chargé de la législation pénale et de la coopération pénale internationale – des attributions qui le mènent à se confronter directement au projet de loi sur la peine de mort. Quelques semaines plus tôt, pendant la campagne présidentielle, le candidat socialiste François Mitterrand avait affirmé son hostilité à la peine capitale et annoncé sa volonté de l’abolir une fois élu Président de la République, alors même qu’une majorité de Français y est favorable.
Éviter une tension entre le gouvernement et la justice
Pourquoi ne pas avoir attendu davantage, compte tenu de la forte majorité dont disposait la gauche à l’Assemblée nationale, garantie jusqu’en 1986 ? Pour Jean-Marc Sauvé, il s’agissait d’abord d’éviter de créer une tension inutile et dangereuse entre le gouvernement et les tribunaux pénaux : « On risquait d’être dans une situation infernale avec des cours d’assises qui condamnent à mort et un Président qui gracie ». En effet, François Mitterrand avait annoncé sa volonté de gracier tous les condamnés à mort tant que la peine de mort n’était pas abolie.
« Nous n’aurions pas aboli la peine de mort en 1982 ou 1983 »
Il était aussi nécessaire d’agir vite. Jean-Marc Sauvé raconte que « si le temps passait politiquement, le débat parlementaire aurait été de plus en plus difficile, car ce débat était pourri par […] la mise en scène de la montée de la délinquance, la mise en cause perpétuelle de Robert Badinter, et l’accusation portée contre le gouvernement d’avoir, par sa politique laxiste, mis en cause la sécurité des Français ». En attendant plus longtemps, le gouvernement prenait donc le risque de perdre en popularité et de laisser l’opposition de droite, plus favorable à la peine de mort, instrumentaliser une insécurité prétendument grandissante pour conserver ce châtiment dans le code pénal.
Un symbole universel ?
Une analyse partagée par le journaliste Alain Duhamel, qui ajoute que Mitterrand souhaitait faire de cette victoire un symbole « universel », moins ancré sur le clivage entre socialisme et libéralisme ou entre la gauche et la droite. Une réussite, puisque cette loi a été soutenue par de nombreux parlementaires, y compris à droite, et par des élus initialement favorables à une abolition partielle.
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