Avant la commission mixte paritaire sur le budget, les oppositions formulent leurs réserves sur le texte issu du Sénat. Sur le plateau de Parlement Hebdo, l'écologiste Guillaume Gontard dénonce un budget « totalement austéritaire », le député RN, Gaëtan Dussausaye, évoque un « budget de punition sociale ». Néanmoins, le fond des critiques et la position à adopter en cas de recours au 49-3 divergent.
« Le nouveau gouvernement ressemble à une provocation » : la gauche sénatoriale s’oppose aux choix de François Bayrou
Par Henri Clavier
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« Chaque gouvernement on se demande comment faire pire, et finalement ils y arrivent. Je ne pensais pas qu’on pouvait en arriver là », se désole le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard, après l’annonce de la composition du gouvernement. La liste de noms égrenée par Alexis Kohler sur le perron de l’Elysée fait grincer des dents à gauche. En effet, alors qu’écologistes, socialistes et communistes se sont rendus aux différentes consultations organisées à l’Élysée ou à Matignon pour défendre une approche constructive, l’opposition semble désormais inévitable. Malgré le refus d’entrer au gouvernement, la gauche attendait au moins des signaux favorables, notamment sur la réforme des retraites.
« C’est un gouvernement sous influence du RN, encore une fois »
C’est une annonce marquée par les retours, notamment de Gérald Darmanin, nommé à la justice, mais aussi d’Élisabeth Borne. Un signal défavorable pour la gauche puisque l’ancienne locataire de Matignon détient le record d’utilisation du 49-3, qu’elle a notamment utilisé pour faire adopter la réforme des retraites. « La présence d’Élisabeth Borne dont l’image est associée à la réforme des retraites est catastrophique », note Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste au Sénat. « Pour éviter la censure, il faudra des signes. Le principal est la suspension de la réforme des retraites », maintient Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes. Or, si François Bayrou s’est dit prêt à « reprendre sans suspendre » la réforme des retraites, la main tendue vers les socialistes ne semble pas aller plus loin. Sans la gauche, François Bayrou devra compter sur la clémence du RN s’il veut rester à Matignon.
Des éléments qui laissent penser que le gouvernement s’en remettra au Rassemblement National pour ne pas voter de motion de censure. « À l’issue de la réunion à l’Élysée, il y avait un élément commun qui consistait à ne plus dépendre du vote des troupes de Marine Le Pen, aujourd’hui c’est le choix inverse qui a été fait », déplore Guillaume Gontard. « C’est un gouvernement sous influence du RN, encore une fois », abonde Patrick Kanner.
« Un gouvernement de recyclage »
Outre Élisabeth Borne et Gérald Darmanin, plusieurs macronistes historiques font leur retour, comme Aurore Bergé, nommée ministre en charge de l’égalité homme femmes ou Amélie de Montchalin aux comptes publics. « C’est une caricature de gouvernement, c’est triste pour notre pays. Au soir des élections législatives, Gérald Darmanin reconnaissait la défaite et il revient pour faire la même politique ? Ça n’a pas de sens », s’agace Guillaume Gontard. « C’est une provocation, la seule réponse c’est la censure », ajoute l’écologiste. L’association de Gérald Darmanin à la justice avec Bruno Retailleau à Beauvau inquiète également. « À droite toute sur les postes régaliens », note Patrick Kanner.
« Faire un gouvernement, ce n’est pas faire une compilation de tous les anciens premiers ministres », ironise Cécile Cukierman qui estime qu’il s’agit d’un « gouvernement de recyclage ». « C’est un gouvernement aux trois tiers de droite », tranche Patrick Kanner alors que les rumeurs sur la composition du gouvernement affirmaient que François Bayrou souhaitait un gouvernement composé d’un tiers de personnalités issues de la gauche.
« Rebsamen, Méadel, Valls ne sont plus des socialistes, ce sont des historiques »
Le gouvernement inclut néanmoins plusieurs anciens socialistes, comme Manuel Valls nommé aux Outre-mer, François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation ou Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville. « Rebsamen, Méadel, Valls ne sont plus des socialistes, ce sont des historiques mais sans responsabilités au Parti socialiste aujourd’hui qui ne peuvent engager la gauche », prévient Patrick Kanner. Si le patron des sénateurs socialistes estime tout de même que le nouveau ministre de l’économie, Eric Lombard, est un « grand professionnel », il juge que ce « nouveau gouvernement ressemble à une provocation ». En outre, la présence de Manuel Valls, ancien premier ministre sous François Hollande, crispe la gauche. À Matignon, l’ancien socialiste avait convaincu le Président de la République de l’époque d’engager une révision de la Constitution pour y inscrire la déchéance de nationalité. Ensuite, Manuel Valls avait rejoint les rangs des députés de La République en Marche en 2017.
Concernant François Rebsamen, la cheffe de file des sénateurs communistes pointe le bilan de l’ancien ministre de François Hollande, également passé par l’hémicycle du Palais du Luxembourg. « J’ai une très vive inquiétude avec la nomination de Rebsamen qui a toujours défendu la loi Notre qui a fragilisé nos collectivités territoriales, il n’a jamais été un chantre de la défense des communes. On ne peut pas nommer un ministre qui a cautionné la baisse drastique des dotations pour les collectivités territoriales ou le redécoupage des intercommunalités », estime Cécile Cukierman.
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