En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.
« Le pôle de gauche » avec Macron permettra de rassembler « en vue de 2022 »
Par Public Sénat
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On en parlait depuis des mois. Le projet semblait coincé dans les cartons. Finalement, le voici : le Agir de gauche. Ou plutôt le « pôle de gauche » de la majorité présidentielle, comme préfèrent l’appeler ses initiateurs.
Depuis plusieurs jours, on chuchotait dans les allées du pouvoir qu’une tribune allait paraître. C’est dans Le journal du dimanche, le 20 octobre, que 76 élus ont annoncé leur volonté de constituer ce pôle de gauche au sein de la majorité. Deux ministres, anciens socialistes, sont à la manœuvre : celui des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et le secrétaire d’Etat de Bercy, Olivier Dussopt. Présent au début, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a lâché l’affaire.
« En tant que sociaux-démocrates longtemps marginalisés, nous nous sentons dépositaire d’une culture de gouvernement plus proche aujourd’hui du réformisme gouvernemental » écrivent les signataires, qui veulent « élargir la majorité présidentielle, la rendre plus pluraliste et y faire entendre fortement une voix sociale et républicaine ». Leur « projet, c’est de créer un pôle de gauche indépendant de LREM au sein de la majorité présidentielle ».
« Ce sont des élus qui veulent participer à la majorité et qui viennent de la gauche, un réseau d’élus locaux qui soutiennent l’action du gouvernement » explique à publicsenat.fr Olivier Dussopt. Le secrétaire d’Etat ajoute :
« Ils souhaitent la réussite du quinquennat, mais en gardant cette indépendance d’esprit, en gardant la possibilité de critiquer quand ils le veulent » (Olivier Dussopt)
Signer l’appel ne vaudra pas investiture pour les municipales. Mais la dimension locale n’en est pas moins présente. Olivier Dussopt, lui-même ancien du PS qui avait soutenu Manuel Valls, précise que « ce peut être des élus locaux qui ont des adjoints LREM et qui souhaitent une configuration de majorité large aux municipales ». Ce pôle peut ainsi jouer le rôle de sas pour les élus désireux de se rapprocher, certains pour des raisons locales, de la majorité, sans pour autant adhérer à La République en marche, ce qui serait vécu par certains comme trop contraignant.
« En accord avec le Président de la République »
Précision utile apportée par Olivier Dussopt : ce pôle de gauche se constitue « en accord avec le Président de la République et le premier ministre ». On s’en doutait, mais rien ne se fait vraiment en macronie sans l’accord du chef (de l’Etat).
La fonction de ce pôle ne se limite pas à accueillir des élus issus de la gauche. Alors que quelques membres de la majorité commencent déjà à plancher sur la présidentielle de 2022, ce « pôle de gauche » pourra être une pièce du dispositif. « Ça peut aider pour la suite » glisse un responsable qui a suivi le sujet. « Cela permet de marquer déjà le rassemblement le plus large en vue de 2022 » confirme François Patriat, président du groupe LREM du Sénat.
« L’idée, c’est de créer cette grande coalition progressiste et écologiste »
Ce renforcement de la jambe gauche pourrait n’être même qu’une étape avant un nouveau dessein à l’ambition plus large. Emmanuel Macron pourrait chercher, en vue de la présidentielle, à « structurer de façon encore plus large », confie-t-on, « avec un grand mouvement de centre droit et de centre gauche, qui va au-delà d’En Marche ». Plutôt que morceler, il s’agirait d’agglomérer les composantes de la majorité. Un pôle réformateur plus compact capable d’avancer de façon plus coordonnée. « Ce pôle de gauche va forcément s’élargir. L’idée, c’est de créer cette grande coalition progressiste et écologiste avec En marche, les Radicaux, le Modem » espère le sénateur du groupe PS, Xavier Iacovelli, l’un des signataires.
Avant d’en arriver à l’éventuelle constitution de ce maxi LREM, pour l’heure, il s’agit avant tout de montrer que la majorité n’est pas hémiplégique. « Certains y verront le pendant du Agir à gauche » admet François Patriat, en référence à « Agir », la formation de centre droit membre de la majorité présidentielle. « C’est bien de montrer qu’on est et de droite et de gauche. Certains en doutaient. Il fallait en faire la preuve » salue le sénateur LREM de Côte-d’Or. Mais François Patriat, lui aussi ancien socialiste, met en garde sur un point :
« Je ne voudrais pas que ça apparaisse demain comme un courant à En marche. Je ne veux pas de clan, ni de courant au sein du mouvement. Ne recommençons pas les erreurs du PS, où j’ai trop connu ça »
Parmi les signataires de la tribune, aucun membre de LREM – c’est le principe – mais beaucoup d’ex-PS. On y trouve le maire de Strasbourg, Roland Ries, des anciens ministres, comme François Loncle et Jean-Pierre Masseret, ou d’anciens parlementaires, comme Dominique Bailly, ex-sénateur PS, ou Christophe Caresche, l’un des fondateurs de feu le Pôle des réformateurs au PS, qui était alors son aile… droite.
« Aujourd’hui, la majorité présidentielle a besoin d’un virage social »
Seuls deux parlementaires en exercice ont signé. Il s’agit de deux sénateurs : le sénateur RDSE Eric Gold, qui avait déjà reçu le soutien de LREM lors des sénatoriales de 2017, et donc le sénateur PS Xavier Iacovelli. Ou plutôt ex-PS. Le sénateur des Hauts-de-Seine a envoyé hier sa « démission au premier secrétaire, Olivier Faure » nous annonce Xavier Iacovelli.
Son évolution peut surprendre. Après l’élection d’Emmanuel Macron, il était franchement dans l’opposition, défendant une ligne bien marquée à gauche. Mais en juin dernier, il fait partie des 10 sénateurs du groupe PS, avec Frédérique Espagnac ou Samia Ghali, à s’abstenir lors du vote de confiance au gouvernement. C’est lui qui était alors à l’œuvre pour sortir une tribune de sénateur PS prêts à soutenir Emmanuel Macron, avant que le projet ne tombe à l’eau.
« C’est la continuité de ce que je pense depuis un moment. Puis ça a fait son chemin dans ma tête. Je pense qu’on ne peut faire changer les choses que de l’intérieur. Aujourd’hui, la majorité présidentielle a besoin d’un virage social et ça passe par une structuration des élus de gauche qui sont des socio-démocrates assumés » explique Xavier Iacovelli. Avec un risque de servir de faire-valoir ? « Je ne pense pas, on garde notre liberté. On ne sera pas des faire-valoir ». « On a besoin que ça tangue à gauche, (…) et de réaffirmer l’urgence climatique » insiste-t-il sur l’antenne de Public Sénat. Regardez :
Pour le sénateur des Hauts-de-Seine, son ralliement au pôle de gauche de la majorité s’explique aussi par des considérations locales. Xavier Iacovelli, à nouveau candidat à Suresnes pour les municipales, ne s’en « cache pas ». « Je souhaitais avoir un arc progressiste dans ma ville » dit-il. Il espère d’ailleurs obtenir le soutien de LREM pour le scrutin de mars.
Xaivier Iacovelli va rencontrer cette semaine Patrick Kanner, président du groupe PS. S’il ne « sait pas encore » ce qu’il fera, le sénateur des Hauts-de-Seine reconnaît que « que ça va être compliqué d’être dans un groupe qui est en opposition au gouvernement ». Le patron des sénateurs PS ne compte pas l’exclure, mais il lui rappelle en effet qu’il dirige « un groupe d’opposition et de proposition ».
Kanner : « Ce sont des gens de gauche qui se trompent de chemin »
Globalement, Patrick Kanner ne comprend pas la logique : « Si les signataires sont vraiment de gauche, ils devraient contribuer à reconstruire la gauche plutôt qu’aller s’enfermer avec Le Drian et Dussopt. Ce sont des gens de gauche qui se trompent de chemin. Emmanuel Macron est un Président de droite libérale, comme son gouvernement ».
« Tout ça ressemble un peu à une politique de gribouille. On ne peut pas être de gauche et soutenir une politique de droite. On est dans l’illusion et la confusion » insiste Patrick Kanner, qui « espère qu’ils ne sont pas dans une logique tactique pour aller à la soupe pour un plat de lentilles ». Ce qui, en politique, s’est déjà vu.