Alors que le gouvernement s’apprête à tomber, chacun réfléchit à la suite. A droite, « le nom de François Baroin recircule », glisse le sénateur LR Roger Karoutchi. Au PS, on tend la main. « Nous sommes à la disposition du président de la République », avance Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat. Pour le centriste Hervé Marseille, il faut « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord ». Les grandes manœuvres ont commencé.
Le président de la commission des finances du Sénat propose une « surtaxe sur l’impôt sur le revenu » pour les plus riches
Par François Vignal
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Dans le débat budgétaire qui va commencer au Sénat, après le rejet du texte par les députés, les sénateurs comptent bien imprimer leur marque sur le projet de loi de finances (PLF). Si le rapporteur général, le sénateur LR Jean-François Husson, pourra impulser les grandes lignes du texte dans sa version sénatoriale (lire notre article sur ses propositions), le président PS de la commission des finances, Claude Raynal, entend, lui aussi, apporter sa pierre au débat.
Un taux d’imposition porté à 48 % sur la dernière tranche de l’impôt sur le revenu
Sa proposition risque, justement, de faire débat : il va déposer un amendement pour créer une « surtaxe sur l’impôt sur le revenu » (IR) qui rapporterait « 3 milliards d’euros » par an. Cette surtaxe, de nature temporaire, viserait les plus hauts revenus. Une mesure à différencier de l’impôt minimum qui vise les très riches, voulu par le gouvernement dans le budget.
La surtaxe de Claude Raynal s’appliquerait sur les « trois dernières tranches » de l’IR, soit à partir de la tranche de revenus compris entre 28.798 euros et 82.341 euros, qui se voit appliquer un taux d’imposition de 30 %. Cette tranche verrait son taux porté à 31 % (+ 1 point). Celle pour les revenus compris entre 83.988 euros et 180.648 euros passerait de 41 à 43 % (+ 2) et celle sur les revenus supérieurs à 180.648 euros augmenterait de 45 à 48 % (+ 3).
Objectif : taxer les 20 % des plus hauts revenus « qui ont bénéficié » de la dernière tranche de suppression de la taxe d’habitation
Objectif affiché par le président de la commission : taxer les 20 % des plus hauts revenus, « qui ont bénéficié » de la dernière tranche de suppression de la taxe d’habitation (TH). Si la suppression de la TH pour 80 % des personnes, une promesse d’Emmanuel Macron, a coûté « 9 milliards d’euros à l’Etat », les 20 % restant pour les plus aisés a aussi coûté « 9 milliards ». « Ce n’était pas dans le programme, mais c’est le Conseil constitutionnel qui l’a demandé pour une question d’égalité », rappelle le sénateur PS de Haute-Garonne.
Le socialiste reproche au gouvernement de l’époque d’avoir « joué au Robin des bois à l’envers : on prend aux pauvres pour financer une baisse d’impôt aux riches ». Car « rien n’est gratuit. Ce cadeau sur la taxe d’habitation retombe sous d’autres formes ». « D’un côté, 9 milliards d’euros ont été donnés aux plus aisés. De l’autre côté, vous les récupérez par des mesures qui concernent tout le monde : 3 milliards sur l’électricité et 3 milliards sur les retraites », pointe du doigt le président de la commission des finances. « Ces 3 milliards d’euros de la surtaxe sur l’impôt sur le revenu permettent d’annuler l’augmentation de la taxe sur l’électricité (prévue dans le budget, ndlr). Le gouvernement dit qu’il est ouvert à la réflexion. Et bien je lui mets une réflexion… » lance Claude Raynal.
« Il y a beaucoup d’hypocrisie, globalement, autour de cette question de l’impôt »
A terme, le sénateur imagine que cette surtaxe soit transformée en une nouvelle contribution locale, alors que l’enjeu des ressources propres des collectivités est de nouveau posé actuellement.
Si cette proposition, qu’il fait « à titre personnel », n’engage pas le groupe PS, Claude Raynal la fait « pour la poser sur la table. Car (il) trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie, globalement, autour de cette question de l’impôt. Il faut savoir dire à un moment donné que les techniques de baisse d’impôts n’ont pas fonctionné ». « Je dis chiche, allons-y », lance le socialiste. Et d’ajouter : « A un moment, il faut solder les comptes ». « On a abaissé les impôts sans avoir en contrepartie ni la croissance, ni une diminution des dépenses », ce qui crée au final du déficit et de la dette, dénonce encore le président de la commission des finances.
Retour de la CVAE pour les entreprises
Car il pointe aussi la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), un impôt payé à l’origine par les entreprises. Il veut « revenir » dessus pour « qu’on remette la CVAE à disposition des collectivités territoriales ». De quoi « remettre un lien entre les territoires et le développement économique. C’est fondamental ». Et « cela permet à l’Etat de récupérer 2 milliards d’euros par an, car il récupère ce qu’il a donné aux collectivités en TVA ». De quoi abonder « le fonds de solidarité prévu à hauteur de 3 milliards d’euros pour les collectivités ». CQFD. Mais on imagine mal la majorité sénatoriale le suivre pour augmenter l’impôt sur le revenu et rétablir la CVAE.
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