Invité de la matinale de Public Sénat, le député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy a expliqué la position de son groupe sur la proposition du gouvernement de présenter un nouveau texte sur l’immigration au début de l’année 2025. Le député de la commission des finances a également détaillé la position de son groupe sur le vote du budget, sans évoquer précisément les amendements que son groupe défendra.
Passe vaccinal : le président de la République fait « un choix attentiste et un pari optimiste », juge Philippe Bas (LR)
Par Héléna Berkaoui
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Ancien ministre et secrétaire général de l’Elysée, Philippe Bas est conseiller départemental de la Manche et questeur du Sénat. Le sénateur LR répond aux questions de Public Sénat concernant le projet de loi instaurant le passe vaccinal.
Quel regard portez-vous sur les annonces du gouvernement présentées par le Premier ministre, tant sur le projet de loi que sur les mesures prises par voie réglementaire ?
Ce projet de loi n’est en rien lié à l’urgence sanitaire puisqu’il ne rentrera en vigueur que le 15 janvier et que nous sommes au cœur d’une vague épidémique.
En réalité, il y a deux questions distinctes : celle de l’urgence sanitaire pour les jours qui viennent et celle de la gestion de la lutte contre l’épidémie pour les mois à venir. Le texte du gouvernement concerne la lutte contre l’épidémie avec de nouveaux variants qui pourraient arriver. Cela justifie que l’on continue à être très attentif à la limitation des contaminations par l’utilisation du passe. Ce texte a pour but, affiché par le ministre de la Santé, d’inciter les récalcitrants à se faire vacciner.
La question qui se pose maintenant est : qu’est-ce que nous faisons, dans les jours qui viennent, pour affronter cette flambée épidémique absolument sans précédent ? Comment donner un coup d’arrêt à une épidémie qui voit se substituer le variant Omicron au variant Delta ?
Vous jugez donc ces mesures insuffisantes au regard de la situation ?
Le gouvernement a pris des mesures d’ajustement, hier. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens mais qui restent très limitées.
En janvier dernier, Emmanuel Macron avait déjà fait un pari. Le président de la République a reporté un certain nombre de décisions qui ont été préconisées par les scientifiques et qui n’ont été prises qu’au mois d’avril.
Spéculer sur la moindre gravité de la maladie est une chose possible mais ce n’est pas forcément un pari gagnant
Aujourd’hui, il y a un nouveau pari d’Emmanuel Macron. Ce pari ne se base pas tant sur le nombre de contaminations mais plutôt sur la gravité de la pathologie provoquée par le variant Omicron. On a le droit de faire ce pari parce que l’on a des informations qui vont dans ce sens. Spéculer sur la moindre gravité de la maladie est une chose possible mais ce n’est pas forcément un pari gagnant.
Le choix qui est fait est donc un choix attentiste et un pari optimiste. On saura rétrospectivement si c’était le bon choix, ce n’est pas en tout cas celui que recommandent beaucoup d’épidémiologistes
On ne peut pas exclure que les compteurs explosent. Imaginez qu’on monte à 200 000 voire 300 000 contaminations par jour, à ce moment-là on peut se retrouver dans une situation très grave !
De nouvelles mesures devraient être prises rapidement ?
La question qui se pose pour le gouvernement est la suivante : est-ce qu’on peut attendre le 5 janvier pour faire un nouveau Conseil de défense sanitaire ? Est-ce qu’il ne faut pas suivre la situation, au jour le jour, pour être capable, avec une réactivité foudroyante, de corriger le tir ?
La santé doit continuer à être la priorité par rapport à la situation économique
Si dans les prochains jours on atteint 200 000 contaminations, l’effet sur l’hôpital peut être très fort. Je crois, à ce stade, que la santé doit continuer à être la priorité par rapport à la situation économique telle qu’on l’anticipe.
Le Conseil scientifique a d’ailleurs souligné que la désorganisation de l’économie qui peut être induite par des contaminations massives est quelque chose de très grave. Ce ne sont pas seulement les mesures gouvernementales qui peuvent avoir un impact économique mais l’épidémie elle-même.
Certains élus, comme Valérie Pécresse, demandent un report de la rentrée scolaire. Y a-t-il d’autres pistes ?
Le principe de précaution aurait pu conduire à des mesures plus rigoureuses avec, effectivement, le report de la rentrée scolaire.
Si la rentrée n’est pas reportée, il y a une probabilité que beaucoup de classes ferment. Ce ne sera pas une mesure nationale mais on peut avoir des écoles qui ferment un peu partout à cause d’un manque d’anticipation et d’organisation.
Sur les difficultés de l’hôpital, dès maintenant, il faudrait prévenir toutes les personnes susceptibles d’être mobilisées. Il faudrait préparer la réserve sanitaire, afin qu’elle soit mise en alerte.
Il y a aussi la question du couvre-feu. On voit bien que l’approche du réveillon a retenu le gouvernement de prendre une telle mesure et on peut le comprendre. Tout gouvernement bute un jour sur les limites de sa propre autorité. Cependant, à défaut de mettre en place un couvre-feu, il aurait fallu rendre les tests de dépistage gratuits pour les encourager.
Les tests de dépistage sont gratuits pour les personnes vaccinées.
Il n’y a pas qu’elles et le danger concerne surtout les autres.
Le gouvernement a annoncé des jours de télétravail obligatoires, c’est une mesure qui va dans le bon sens ?
Le télétravail en entreprise est une bonne mesure mais je comprends mal comment la traduire en obligation. Le Premier ministre s’est empressé de préciser que cette obligation aurait lieu « partout où c’est possible ». Cette mesure est donc laissée à l’appréciation de l’employeur. Il n’y a pas dans le projet de loi de disposition sur l’obligation du télétravail.
Il faut aller plus loin, c’est-à-dire jusqu’à un télétravail complet pour une partie des fonctionnaires et des salariés
Cela ne change pas les choses par rapport aux précédentes recommandations du gouvernement. Je crois qu’il faut aller plus loin, c’est-à-dire jusqu’à un télétravail complet pour une partie des fonctionnaires et des salariés de ce pays, pendant une brève période.
Le projet de loi comporte une disposition permettant la vérification d’un document d’identité dans les établissements soumis au passe vaccinal. Comment observez-vous cette mesure ?
En France, seuls les officiers de police judiciaire peuvent effectuer des contrôles d’identité. Qu’est-ce qu’un contrôle d’identité ? C’est précisément un contrôle qui est fait pour des motifs de sécurité, à l’extérieur. Le gouvernement appelle cela une vérification, est-ce une vraie distinction ou est-ce que l’on joue sur les mots ?
Le gouvernement avait tenté de faire passer cette mesure en juillet dernier et y a renoncé en raison de l’opposition parlementaire. Il faudra qu’il argumente beaucoup s’il veut me convaincre.
Il me semble que ni les restaurateurs, ni les gérants de bars ne soient disposés à accepter ce type de vérification. Le public n’admettra pas non plus de devoir ajouter au passe sanitaire la présentation d’un document d’identité pour des personnes qui ne sont normalement pas habilitées à contrôler.
C’est un sujet de liberté publique auquel je serai particulièrement attentif.
Il faut que le dispositif permette l’extinction du passe vaccinal de manière automatique quand on descendra en dessous d’un certain niveau
Le Sénat est extrêmement réticent à l’idée de donner au gouvernement des pouvoirs sans contrôle. Si l’on durcit le passe, il faudra des contreparties. C’est le contrôle parlementaire bien sûr. Mais il faut également que le dispositif permette l’extinction du passe vaccinal de manière automatique quand on descendra en dessous d’un certain niveau.
On ne peut étendre sans contrôle les pouvoirs donnés au gouvernement. Le Parlement est là pour s’assurer que les mesures sont bien proportionnées.
Avez-vous d’autres points de vigilance sur le texte ?
Il y a comme un bruit de fond qui laisse penser à un retour de l’idée absurde du passe sanitaire dans les entreprises et les administrations. S’ils rétablissent cette idée, on sera nécessairement amené à la discuter âprement.
Vous vous y opposeriez ?
Le fait que des informations sensibles sur la santé d’un salarié soient rendues accessibles à l’employeur est une chose extrêmement délicate. Par ailleurs, les entreprises n’ont pas toujours des salariés interchangeables. Il faut penser aux petites entreprises : si certains employés ne sont pas en mesure de produire le passe vaccinal, c’est toute l’activité de l’entreprise qui peut être interrompue.
Et que se passera-t-il pour les personnes non-vaccinées ? Ce sujet est une véritable usine à gaz avec des conséquences incalculables.
Vous souhaitez circonscrire le champ du passe vaccinal. Est-ce que vous avez le sentiment que l’on est en train d’inscrire des mesures d’exception dans le droit commun ?
Cela reste un régime d’exception dans la mesure où le passe sanitaire s’éteint au 31 juillet 2021. Nous avions demandé que le passe sanitaire ne soit possible que jusqu’au 28 février. La situation a changé depuis le mois d’octobre lorsque nous avons fait cette demande. Aujourd’hui, on doit maintenir dans la loi l’obligation d’extinction du passe sanitaire quand les conditions ne seront plus réunies pour l’appliquer.
Nous ne savons pas qui sera président en mai prochain et, moi, je n’aime pas faire de chèque en blanc.
Au Sénat, des critiques sur la méthode du gouvernement émergent. Certains dénoncent un hiatus entre la situation sanitaire et des mesures insuffisantes. Partagez-vous cet avis ?
Le gouvernement est tout à fait sur le fil du rasoir. Il y a là neuf jours qui sont les jours de tous les dangers.
On est dans une situation dont on ne sait pas si la gravité n’est pas sous-estimée par le gouvernement
Effectivement, il y a pour moi un certain nombre de questions. Le fait qu’un Conseil de défense se tienne par visioconférence, avec un président de la République au fort de Brégançon, peut surprendre.
On est dans une situation dont on ne sait pas si la gravité n’est pas sous-estimée par le gouvernement. Je souhaite de tout cœur que les jours à venir lui donnent raison mais pour l’instant nous sommes dans une zone d’incertitudes telles que l’on peut se dire qu’il n’y a pas eu d’excès de précaution.