Le projet de loi 4D ne fait pas rêver l’Assemblée des départements de France
Auditionné par la commission des lois du Sénat ce 9 juin 2021 sur le projet de loi « 4D » (Déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification), Dominique Bussereau a étalé ses déceptions. Plusieurs des propositions de l’ADF ne figurent pas dans le texte.

Le projet de loi 4D ne fait pas rêver l’Assemblée des départements de France

Auditionné par la commission des lois du Sénat ce 9 juin 2021 sur le projet de loi « 4D » (Déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification), Dominique Bussereau a étalé ses déceptions. Plusieurs des propositions de l’ADF ne figurent pas dans le texte.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

On savait que les départements de France ne débordaient pas d’enthousiasme face au contenu de la nouvelle réforme territoriale dite 4D. Quatre lettres, pour déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification, pour redonner de nouvelles marges de manœuvre aux élus locaux. Après plusieurs réformes territoriales au cours de la précédente décennie, l’idée n’est pas de provoquer un « nouveau big bang territorial » avec ce texte. Mais tout de même, le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, espérait plus d’ambition. « Il y a des améliorations claires et intéressantes, mais ça reste très technique, parfois même un peu techno », a soufflé le président du conseil départemental de Charente-Maritime, auditionné ce 9 juin 2021 par la commission des lois du Sénat. « C’est dommage qu’il n’y ait pas une période de décentralisation Castex, comme il y a eu une période Mauroy, Defferre, Chirac, Raffarin. On pouvait aller plus loin, en tirant les conséquences de la crise sanitaire. »

L’ancien ministre des Transports, sous les ères Chirac et Sarkozy, regrette même que le texte ne mette « pas fin à une période qui a été, depuis quelques années, très centralisatrice ». A plusieurs titres, le représentant des départements estime que la France départementale n’a pas été suivie dans ses propositions. La santé fait partie des « loupés » du texte. Dominique Bussereau soutenait la position des régions, favorables à voir les présidents de conseils régionaux occuper la présidence des agences régionales de santé. « On reste à une gouvernance très parisienne des ARS, on reproduit l’avenue de Ségur [le ministère de la Santé, ndlr] au niveau local », regrette Dominique Bussereau.

Médecine scolaire : « On nous a envoyés paître »

Les départements regrettent de ne pas avoir été entendus sur la médecine scolaire, qu’ils souhaitaient gérer eux-mêmes, dans la continuité de leur compétence de la protection maternelle et infantile (PMI). L’idée étant de développer un « grand service de la petite enfance à l’adolescence », et de faire le lien avec la politique sociale des départements, en détectant plus facilement les problèmes. « On nous a envoyés paître et je le regrette », raconte le président de l’ADF.

Autre déception sur les ressources humaines : Dominique Bussereau espérait un rattachement définitif des gestionnaires de collèges aux conseils départementaux. Il s’agit d’une vieille revendication de l’ADF, qui peine à comprendre pourquoi les personnels techniques des collèges, qui sont de la compétence des départements, sont placés sous l’autorité du gestionnaire, qui lui, relève du ministère de l’Education nationale. « Je sais que le Premier ministre ne sera pas contre de mettre fin à l'expérience de trois ans et qu'on passe edirectement aux transferts de ces personnels », espère Dominique Bussereau.

« Nous pensons que nous pourrions complètement gérer les Ehpad »

Dans la même veine, l’ADF continue de tirer à boulets rouges sur la double tutelle qui s’exerce sur les maisons de retraite. A l’heure actuelle, départements et les ARS co-pilotent la gestion des Ehpad. « Nous pensons que nous pourrions complètement gérer les Ehpad », estime Dominique Bussereau, laissant un rôle de surveillance aux ARS. La possibilité de financer des établissements publics de santé est néanmoins saluée.

Et face au cadre rigide de la loi NOTRe de 2015, notamment en matière en matière d’aides économiques, apanage des régions, le président de l’ADF demande de pouvoir mettre en place des délégations d’un échelon à l’autre. Ce qu’il appelle, « mettre de l’huile dans les rouages de la décentralisation ».

Dernière interrogation de Dominique Bussereau : « L’affaire du transfert des routes » nationales. Le chapitre faisait l’objet au même moment de réserves sénatoriales, lors d’une audition de la ministre Jacqueline Gourault par la commission de l’aménagement du territoire. Le président de l’ADF reste méfiant sur l’éventualité de transférer des morceaux du réseau national aux départements. « A condition qu’on discute des conditions du transfert du personnel et de l’état du réseau qui nous est transféré », a-t-il insisté. Or, « il y a eu très peu de concertation », selon lui. « On ne connaît pas la carte des routes qui pourraient être transférées. Le gouvernement dit qu’il a discuté. Mais on ne sait pas avec qui, aucun département n’a discuté avec l’Etat ». D’autant que l’Etat « complique » le dossier « en faisant entrer les régions qui ne demandent rien », s’étonne l’ancien ministre.

Sur beaucoup d’éléments, l’ADF a été accueillie avec une oreille attentive au Sénat, que le socialiste Patrick Kanner a qualifié de « plus beau cercle des présidents de départements disparus ». « Si on se borne à réfléchir qu’à des ajustements, on n’est peut-être pas à la hauteur des défis », a estimé Philippe Bas (LR), l’ancien président du département de la Manche. « On voudrait redonner du souffle au texte », a renchéri Mathieu Darnaud (LR).

Partager cet article

Dans la même thématique

Le projet de loi 4D ne fait pas rêver l’Assemblée des départements de France
2min

Politique

Travail le 1er mai des boulangers et des fleuristes : « Nous souhaitons évidemment protéger ce 1er mai, mais par contre nous souhaitons clarifier la situation »

Invitée de la matinale de Public Sénat, la sénatrice de Vendée, Annick Billon, a défendu les principes de sa proposition de loi visant à permettre aux fleuristes et aux boulangers d’ouvrir le 1er mai. Un texte qui vise à éviter que ces commerçants soient exposés à des amendes en cas d’ouverture.

Le

Le projet de loi 4D ne fait pas rêver l’Assemblée des départements de France
3min

Politique

Conclave sur les retraites : « La réalité du travail fait que l’on ne peut pas tous travailler forcément jusqu’au même âge », souligne Laurent Berger

Ce jeudi, Laurent Berger, directeur de l’Institut Mutualiste de l’Environnement et de la Solidarité de Crédit Mutuel Alliance et Benoit Bazin, PDG du groupe Saint Gobain, étaient les invités de la matinale de Public Sénat. Auteurs du livre « Voies de passage », ils sont revenus sur le conclave sur les retraites qui s’est achevé la semaine dernière.

Le

Loi Duplomb : les sénateurs PS déposeront un recours au Conseil constitutionnel
2min

Politique

Loi Duplomb : les sénateurs de gauche déposeront un recours au Conseil constitutionnel

Dans la foulée de l’adoption de la proposition visant à lever les contraintes de l’exercice du métier d’agriculteur », les socialistes, les écologistes et les communistes du Sénat veulent contester devant les Sages les dispositions du texte, contraires selon eux aux principes de la Charte de l’environnement et à l’intérêt général.

Le