Le projet de loi asile-immigration définitivement adopté après des mois de controverses
Épilogue de mois de controverses, le Parlement a approuvé définitivement mercredi le projet de loi asile-immigration, texte vivement critiqué...
Par Fabrice RANDOUX
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Épilogue de mois de controverses, le Parlement a approuvé définitivement mercredi le projet de loi asile-immigration, texte vivement critiqué pour des raisons opposées par la droite et la gauche mais qui fut également objet de vifs débats dans la majorité.
Pour ce dernier vote, ce texte "pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie" a été adopté par 100 voix contre 25 et onze abstentions. Comme lors des lectures précédentes, quelques députés de la majorité se sont abstenus (8 LREM et 3 MoDem), une MoDem votant contre.
"Nous nous donnons les moyens de préserver un droit d'asile qui, si rien n’avait été fait, aurait pu rapidement être remis en cause comme on peut craindre qu'il le soit chez un certain nombre de pays européens", s'est réjoui le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb dans l'hémicycle.
En réduisant les délais pour déposer une demande, le texte vise notamment à raccourcir à six mois, contre onze aujourd'hui, l'instruction de la demande d'asile. Objectif affiché: faciliter à la fois l'expulsion des déboutés et l'accueil des acceptés.
Le ministre s'est ainsi dit "fier également que les décisions prises par notre administration se traduisent par un éloignement effectif du territoire pour celles et ceux qui ne relèvent pas de l'asile".
L'exécutif juge la loi actuelle, élaborée peu avant le pic migratoire de 2015, sous-calibrée face aux arrivées (plus de 100.000 demandes d'asile en 2017, en hausse de 17%), qui saturent les structures d'accueil.
Mais dès la parution des premiers brouillons en décembre/janvier, son texte a provoqué un fort émoi chez les associations d'aide aux migrants comme chez le Défenseur des droits, Jacques Toubon.
Son volet "fermeté" a en outre mis à l'épreuve, pour la première fois du quinquennat, la majorité LREM-Modem, qui a cherché, selon sa rapporteure Elise Fajgeles, une "ligne de crête" entre "exigence de pragmatisme" et "humanité".
Après d'innombrables réunions internes et l'ajout d'un volet "intégration", quatorze LREM se sont abstenus en première lecture au printemps, et un a voté contre, l'ex-PS Jean-Michel Clément, provoquant son départ du groupe.
En seconde lecture, en fin de semaine dernière, onze LREM se sont abstenus, et une, Aina Kuric, a voté contre.
La député LREM Aina Kuric le 2 août 2017 à l'Assemblée nationale le 2 août 2017
AFP/Archives
Cette députée de la Marne d'origine malgache, qui critiquait comme la gauche l'adaptation du droit du sol à Mayotte pour limiter l'immigration clandestine des Comores, ne s'est cependant pas vue appliquer la règle "abstention péché véniel, vote contre péché mortel" et pourra rester au groupe.
- Principe de fraternité -
C'est paradoxalement grâce au Sénat, dont la majorité de droite était en faveur d'un "contre-projet plus ferme", que ces détracteurs ont obtenu satisfaction sur l'une de leurs revendications, le maintien du délai d'appel à 30 jours, que le gouvernement souhaitait réduire de moitié.
Les députés ont aussi transposé la décision du Conseil constitutionnel sur "le principe de fraternité", au nom duquel une aide désintéressée à des étrangers ne saurait être poursuivie ("délit de solidarité").
A droite, dans le sillage des propositions très droitières de Laurent Wauquiez, les Républicains ont bataillé pour durcir le texte, surtout pendant le marathon de sept jours et nuits de la première lecture.
Critiquant une "petite loi" d'une majorité "immigrationniste" et des "pudeurs de violette" du ministre, ils ont fait assaut d'amendements pour restreindre l'aide médicale d'État, le droit du sol, instaurer des quotas migratoires ou expulser les fichés S.
Absente mercredi comme tous les députés RN, Marine Le Pen avait fustigé une "loi d'organisation d'une immigration supplémentaire".
Socialistes, communistes et Insoumis continuent de batailler pour l'interdiction de la rétention des familles avec mineurs, que la majorité renvoie à une future proposition de loi, et de critiquer le doublement de la durée maximale de rétention des étrangers en attente d'expulsion de 45 à 90 jours.
Pour le socialiste Alain David, ce projet de loi "est mis au service d'une politique du chiffre au détriment de la possibilité réelle pour certains migrants de faire valoir leurs droits".
"Même sous Nicolas Sarkozy, la France n'était pas allée aussi loin", a renchéri l'insoumise Clémentine Autain.
Coup dur pour le groupe LR du Sénat. Sa proposition de loi constitutionnelle a été rabotée en commission des lois. Ses alliés centristes ont rejeté les deux articles phares de ce texte, à savoir la possibilité de déroger au droit européen en matière d’immigration et l’élargissement du champ du référendum à cette question.
Un rapport remis lundi au gouvernement balaye l’hypothèse d’une suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME), tout en préconisant une réforme du dispositif. Cette étude prend toutefois ses distances avec le chemin tracé par la majorité sénatoriale, qui a fait disparaître l’AME lors de l’examen du projet de loi immigration en novembre, pour lui substituer une aide d’urgence.
L’attentat de Paris commis par un homme souffrant de troubles psychiatriques et qui était soumis à une injonction de soins jusqu’en en avril, relance le débat sur l’irresponsabilité pénale. La sénatrice centriste, Nathalie Goulet a redéposé un texte datant de 2021 qui prévoit pour les personnes ayant été déclarées irresponsables pénalement, une durée de sûreté d’hospitalisation.
Considéré comme « un appel d’air » migratoire par la droite sénatoriale, l’aide médicale d’État avait été supprimée dans le cadre du projet de loi immigration avant d’être réintégrée en commission par les députés. Un rapport sur ce dispositif commandé par l’exécutif vient tempérer cette affirmation et juge ce dispositif à destination des étrangers en situation irrégulière « globalement maîtrisé ».
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