Une « mauvaise nouvelle », lâche la sénatrice communiste Eliane Assassi. Le projet de référendum d’initiative partagée (RIP) sur « l’accès universel à un service public hospitalier de qualité » a été rejeté vendredi par le Conseil constitutionnel. Les Sages ont estimé qu’un des articles de la loi était « contraire à la Constitution ». Les collectifs de soignants, comme les Parlementaires se disent « déçus » de cette décision.
Des services qui ferment
En Bretagne, le centre hospitalier de Landerneau, les urgences ferment certains soirs à partir de 20 heures faute de présence médicale. A Martigues, dans les Bouches-du-Rhône, c’est le SMUR qui assure les gardes à l’hôpital faute de soignants. « A Tenon (Paris, 20e), les urgences tournent surtout avec des intérimaires et des remplaçants », souligne Nicolas, aide-soignant à Tenon et membre du collectif Inter-urgences.
Avec son collectif, ils ont commencé a recensé depuis août, les centres hospitaliers qui ne peuvent plus fonctionner normalement faute de personnel. « C’est simple, on est déjà à une trentaine d’hôpitaux qui ne fonctionnent plus correctement et nous venons à peine de commencer à recenser les dysfonctionnements. »
« Si on ne lui trouve pas une place cette nuit, demain il peut ne plus être là »
Chaque année, le nombre de soignants dans les hôpitaux baisse. Seulement, après deux ans de crise sanitaire et la déception du Ségur de la santé, les départs à la retraite et les démissions s’enchaînent dans les centres hospitaliers publics. « On a vu des professeurs partir cette année. Après les infirmières et infirmiers, ce sont les pontes qui font la renommée d’un hôpital qui s’en vont », explique un médecin urgentiste.
Depuis plus de quatre ans, des collectifs de soignants et de médecins se lancent dans les hôpitaux pour alerter sur la manière dont les conditions de travail dégradent la prise en charge des patients. « On a reçu un jeune qui a fait un AVC, continue l’urgentiste. Sa vie est en jeu et nous n’avons pas de lit à lui proposer. Clairement, si on ne lui trouve pas une place cette nuit, demain il peut ne plus être là. »
« Un crash sanitaire total »
« C’est un crash sanitaire total, ajoute Emmanuel Seris, porte-parole de l’Amuf. L’hôpital tient sur la bonne volonté des soignants, mais je ne sais pas combien de temps on va pouvoir fonctionner comme ça. »
Avant la crise sanitaire, 30 % des postes de praticiens hospitaliers étaient vacants. « Là, on arrive même plus à trouver des personnes qui veulent venir à l’hôpital », ajoute une cadre infirmière sous couvert d’anonymat. Nicolas, aide-soignant à Tenon dit être à bout encore la violence et les conditions de travail qui se dégradent. « Tout le débat tourne autour du passe sanitaire et du vaccin, alors que clairement, là, on a juste plus les moyens de fonctionner correctement. »
Pour tenter de ramener l’hôpital au cœur de l’agenda politique, des associations comme Emmaüs ou l’Armée du Salut, des collectifs interprofessionnels tels que l’Inter-Urgences et l’Inter-Hôpitaux mais aussi des parlementaires, se sont réunis au sein d’un collectif, « Notre hôpital c’est vous ». L’idée ? Porter ensemble un projet de référendum d’initiative partagée (RIP). Présenté le 3 juin, il visait à réformer en profondeur l’hôpital public, et à réinventer son modèle.
« Contraire à la Constitution »
Ce vendredi, le Conseil constitutionnel vient de déclarer leur demande non recevable. Les Sages ont jugé que de la proposition de loi (l’article 7) « subordonne à l’avis conforme de la Conférence nationale de santé l’exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre » et est donc « contraire à la Constitution ». Déposé le 7 juillet par des parlementaires de gauche et de droite voulant défendre d’une même voix « un bien commun », les Sages du Palais-Royal avaient un mois pour valider, ou pas, la proposition de loi soutenue par plus de 200 députés et sénateurs issus de 11 groupes politiques d’opposition.
Une douche froide pour les collectifs et associations qui voulaient imposer leur agenda. « C’était une façon de prendre le Parlement comme témoin, souligne Emmanuel Seris. C’était une démarche qui avait pour objectif de faire bouger les lignes. »
« Une très mauvaise nouvelle »
La sénatrice communiste Eliane Assassi fait partie des Parlemantaires qui ont signé la demande des collectifs. « C’est une très mauvaise nouvelle, souligne l’élue. Vu l’état des hôpitaux en France, il était urgent de déclencher un débat parlementaire. Aujourd’hui, on a un hôpital dans lequel les lits manquent, où le personnel n’est pas écouté et je dirais même où le personnel est malmené. »
L'écologiste Esther Benbassa juge elle que «cela aurait été un acte important si le Conseil constitutionnel avait accepté cette décision. Je le regrette. Il ne fait pas avancer la question et la colère reste là. On a besoin des hôpitaux. Le personnel fait son maximum mais là rien ne va changer et c'est dommage.»
« Les soins doivent rester universels »
Ce que confirme Etienne, médecin hospitalier au sein de l’AP-HP. « La prise en charge aujourd’hui à l’hôpital n’est pas optimale, souligne ce membre de l’association Notre hôpital c’est vous. Les équipes ont l’habitude de faire de la médecine dégradée par manque de personnel et du lit. » Dans son service aussi un patient n’a pas trouvé de place il y a peu. « Il a une maladie qui peut mettre en danger sa vie, mais nous n’avons aucun lit. »
Il espérait que le Conseil constitutionnel valide ce choix pour imposer la question des hôpitaux publics et de leur financement dans le débat public, à moins d’un an de la présidentielle. « Oui on est déçus, mais on va regarder pour redéposer un texte. On va continuer à se battre. Parce qu’au final, là on ne se bat pas pour nous, on se bat pour que chacun et chacune puisse être prise en charge par l’hôpital public. Les soins doivent rester universels. »