Le projet de suppression d’une aide accordée à certains seniors provoque un tollé au Sénat
À droite comme à gauche, le projet du gouvernement de réduire un avantage bénéficiant aux personnes âgées de plus de 70 ans qui emploient une aide à domicile, est vivement critiqué. Finalement, le gouvernement a fait marche arrière.

Le projet de suppression d’une aide accordée à certains seniors provoque un tollé au Sénat

À droite comme à gauche, le projet du gouvernement de réduire un avantage bénéficiant aux personnes âgées de plus de 70 ans qui emploient une aide à domicile, est vivement critiqué. Finalement, le gouvernement a fait marche arrière.
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L'idée n'aura pas fait long feu. Parmi les pistes d’économies pour financer ses baisses d’impôts, le gouvernement songeait à réduire un avantage social accordé aux seniors de plus de 70 ans qui emploient une aide à domicile. Jusqu’ici, tous bénéficiaient d’une exonération totale des cotisations patronales qui s’appliquent sur le salaire à verser. Le nouveau dispositif se serait appliqué uniquement si la personne est dépendante ou en situation de handicap. « Nous souhaitons au final recentrer les choses pour que les aides, quand elles existent, s’adressent aux personnes qui en ont le plus besoin », défendait encore ce lundi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Finalement, face au tollé provoqué par cette mesure dans les oppositions comme dans les rangs de la majorité, le gouvernement a fait marche arrière ce mardi après-midi. Le Premier ministre Édouard Philippe a déclaré, lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale, que le gouvernement renonçait à cette mesure. « Cette décision aurait mérité une concertation beaucoup plus approfondie », a-t-il précisé.

Le gouvernement renonce à la réduction controversée d'une aide pour les seniors
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Si elle avait été mise en œuvre, cela aurait pu être un nouveau coup dur pour les retraités, après la hausse de la CSG lors du premier budget de la Sécurité sociale en 2017, puis la désindexation des pensions sur l’inflation l’an dernier. Mais cette fois-ci, contrairement aux deux premières mesures qui ne s’appliquent qu’à partir de 2000 euros de revenus par mois, ce coup de rabot aurait concerné tous les retraités, qu’ils soient modestes ou aisés. « Le gouvernement a une idée fixe : baisser le pouvoir d’achat des retraités », a dénoncé dans un communiqué le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, s’insurgeant contre un « projet à courte vue ». « Faire des retraités les nouveaux boucs émissaires n’est pas digne », a regretté le sénateur de la Vendée.

« On se demande s’il n’y a pas un acharnement vis-à-vis des retraités », s’interroge René-Paul Savary

Dans son groupe, nombreux étaient les sénateurs ces dernières heures à s’indigner et à redouter une progression du travail non déclaré. « C’est une mesure inique », réagit auprès de PublicSenat.fr le sénateur Roger Karoutchi. « On a décidé de faire des économies sur ceux qui ne peuvent pas se défendre, ce n’est pas très glorieux. » Sur Twitter, les membres de la droite sénatoriale se sont tour à tour relayés pour exprimer leur désapprobation. Membre de la commission des Finances, le sénateur Philippe Dallier s’interroge sur le bien-fondé de la mesure, au regard des chiffres. « Toujours étonné de lire que l’État n’est pas capable de connaître le nombre exact de bénéficiaires d’une mesure et qui pourtant donne le coût des économies attendues. »

Certes, il n’aura échappé à personne que l’objectif recherché était avant tout budgétaire. La mesure pourrait dégager 310 millions d’euros par an pour les finances publiques. Mais certains, comme le sénateur René-Paul Savary (LR), rapporteur de la branche retraites pour les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, craignent un effet contre-productif. « Réserver cela pour les personnes dépendantes, cela part d’une bonne intention sauf que l’intérêt d’être aidé auparavant, c’est de la prévention par rapport à la dépendance », a-t-il averti. « On se demande s’il n’y a pas un acharnement vis-à-vis des retraités parfois. On est en train de se demander. Il est sûr qu’on ne restera pas insensibles à ce type de mesure. »

« On se demande s’il n’y a pas un acharnement vis-à-vis des retraités » (Savary)
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« On se demande s’il n’y a pas un acharnement vis-à-vis des retraités » (René-Paul Savary)

Son avis est aussi partagé au groupe centriste. « Ce serait une erreur. Le maintien à domicile permet de vieillir mieux, permet la création d’emplois et revient moins cher à la collectivité que des EHPAD », a ainsi souligné la sénatrice Nassimah Dindar.

« On crée un climat anxiogène une nouvelle fois dans ce pays en direction des retraités », dénonce Patrick Kanner

Chez les socialistes, la stupéfaction domine également. Pour le sénateur Jean-Louis Tourenne, membre de la commission des Affaires sociales, ce « véritable acharnement sur les plus vulnérables » est la traduction d’un « gouvernement aux abois qui ne sait pas où trouver de l’argent ». « Les retraités ne peuvent pas être la variable d’ajustement de choix budgétaires du gouvernement », a réagi Patrick Kanner, le président de groupe. Et d’ajouter : « On a lancé un pavé dans la mare. Je ne suis pas certain que ça aille jusqu’au bout au moment de la loi de finances. En plus pour des économies qui sont assez ridicules au regard des enjeux financiers de notre pays. On crée un climat anxiogène une nouvelle fois dans ce pays en direction des retraités. » Rachid Temal, l’ancien coordinateur national du Parti socialiste s’est montré interloqué. « Je n’ose croire qu’un gouvernement qui parle de solidarité et de progressisme puisse prendre cette décision. »

« On crée un climat anxiogène en direction des retraités », dénonce Patrick Kanner
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« On crée un climat anxiogène en direction des retraités », dénonce Patrick Kanner

L’argumentaire utilisé par Sibeth Ndiaye, sous-entendant que l’aide n’est pas toujours utilisée à bon escient, reste également en travers de la gorge des socialistes. « L'abattement dont vous parlez vous permet aussi bien d'avoir une personne qui vient vous accompagner à domicile quand vous êtes dans la difficulté ou la dépendance, que de vous payer un jardinier », a souligné sur LCI l’ancienne conseillère en communication d’Emmanuel Macron. « Après les prothèses mammaires payées par l’AME voilà les jardiniers des retraités. Ce gouvernement adore agiter des fantasmes pour justifier les reculs sociaux qu’il inflige au pays », a répliqué Laurence Rossignol, l’ancienne ministre des Familles. Selon une étude de la DRESS datée de 2015, le recours à des professionnels pour le bricolage à l’intérieur du logement ou le jardinage (les deux cas de figures sont englobés dans la même statistique) ne concernent que… 4 % des seniors aidés.

Edit : modification de l'article à 15h21, précisant que le gouvernement renonce à cette mesure

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