A huit mois des européennes, le PS a donné des gages à gauche en dévoilant mercredi une ébauche de programme qui entend tourner "clairement le dos à une Europe technocratique et libérale", et propose la création d'un intergroupe de gauche au Parlement européen.
"Nous socialistes français, plaidons pour la construction d'une gauche européenne qui assume une rupture avec les politiques libérales et austéritaires et construise une alternative progressiste et écologiste", peut-on lire dans ce texte adopté mardi soir à l'issue d'un bureau national houleux du parti.
Le document présenté mercredi sera enrichi d'ici le Bureau national du 2 octobre, puis soumis au vote des militants le 11 et définitivement approuvé par le Conseil national le 13.
Sur le fond, le PS assume un certain nombre de ruptures par rapport à sa doctrine habituelle. Il propose notamment une nouvelle approche des traités commerciaux, prenant davantage en compte les enjeux sociaux et environnementaux. Il demande la "suspension des négociations en cours" et annonce que les députés et eurodéputés "refuseront de voter" le traité eurocanadien CETA.
Les socialistes souhaitent en outre une révision des traités "qui devra être menée par une majorité de gauche en Europe", et une approche moins dogmatique du droit de la concurrence, qui permette l'émergence d'un champion européen de l'énergie.
Sur le plan stratégique, le parti se dit favorable à la création au Parlement à l'issue des élections d'un intergroupe ouvert "à l'ensemble des gauches et des écologistes".
Cet intergroupe serait-il ouvert aux élus du groupe qu'entend constituer le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon ? "Bien sûr que toutes les forces qui sont prêtes à se joindre à nous sur les sujets sur lesquels nous nous engageons seront les bienvenus", a répondu le premier secrétaire du PS Olivier Faure au cours d'une conférence de presse à Solférino.
Le député de Seine-et-Marne n'a pas repris à son compte la proposition du député Luc Carvounas d'une union de la "gauche arc-en-ciel" (PS, PCF, EELV, Générations) pour les européennes, affirmant que le PS aurait son "propre projet", son "propre candidat". Mais il a souhaité que le "combat" des uns et des autres se porte contre les "libéraux" plutôt que contre les autres listes de gauche.
- "Ligne de crête" -
Pour M. Faure, l'enjeu est de "sortir du débat mortifère qui oppose les libéraux aux souverainistes".
Il s'agit aussi de tendre la main à l'aile gauche du parti, qui menace depuis plusieurs semaines de quitter le navire pour se rapprocher de Jean-Luc Mélenchon.
Mardi soir, Emmanuel Maurel et ses proches n'ont pas pris part au vote. Auprès de l'AFP, le député européen reconnaît que plusieurs de ses propositions ont été reprises (création d'un intergroupe de gauche, moratoire sur les traités de libre-échange, engagement à voter contre le CETA, révision des traités).
Mais il continue de se dire insatisfait, invitant le PS à prendre ses distances avec le PSE (Parti socialiste européen) social-démocrate. "Il faut dire qu'on ne voudra pas d'une alliance avec les libéraux, les macronistes. Le poser come une condition", plaide-t-il.
"On ne peut pas se reconnaître dans un candidat qui va expliquer que les 3% de déficit, c'est bien", dit-il, visant le commissaire européen Pierre Moscovici, qui pourrait se porter candidat au poste de Spitzenkandidat du PSE (candidat au poste de président de la commission).
"Lorsqu'on dit qu'il faut réviser les traités, il faut dire sur quels aspects on propose soit de désobéir, soit de mener une bataille", ajoute-t-il.
Pour un ténor socialiste de la ligne majoritaire, les concessions faites à M. Maurel sont finalement assez ténues.
"C'est un texte plus social-démocrate, plus pro-européen que la semaine dernière, même s'il reste des scories sur les traités commerciaux", juge-t-il. "Le texte reste sur une ligne de crête plutôt sociale-démocrate. Emmanuel Maurel est au pied du mur. A lui de voir s'il s'y rallie", juge-t-il.