Plus courte que d’ordinaire, la réunion hebdomadaire des sénateurs socialistes n’a pas viré à la thérapie de groupe. L’heure était plutôt à la préparation des derniers travaux parlementaires avant la coupure estivale. Le remaniement dans le secrétariat national du parti, marqué par l’éviction surprise du sénateur Rachid Temal, n’a pas créé de vagues. L’ancien premier secrétaire du PS par intérim, averti de sa mise à l’écart lors d’un échange avec la presse, considère qu’il paye ses désaccords avec l’actuel dirigeant du PS, Olivier Faure, sur la stratégie à l’œuvre pour les élections européennes, notamment le choix de Raphaël Glucksmann (Place publique) comme tête de liste.
L’orage semble passé. « Il n’en a pas été question en réunion », raconte le sénateur de Paris Rémi Féraud. Le président de groupe, Patrick Kanner, reconnaît simplement devant notre caméra que la méthode n’était pas la bonne. « Il l’a appris de manière quasiment fortuite, ce que je regrette. Sur le fond, il est clair que Rachid Temal était en désaccord avec la ligne politique conduite par Olivier Faure. Donc c’est simplement la confirmation d’une situation bien précise ». Après sa lettre offensive, Rachid Temal assure « ne pas être amer », mais reconnaît ne pas avoir de contacts avec le premier secrétaire.
Rachid Temal évincé de la direction du PS : Patrick Kanner « regrette la forme »
Rachid Temal évincé de la direction du PS : Patrick Kanner « regrette la forme »
Qualifiée de « très inélégante », voire de « chasse aux sorcières » par le sénateur des Hauts-de-Seine, Xavier Iocavelli, la décision d’Olivier Faure génère aussi de l’incompréhension. Pour la sénatrice du Nord, Martine Filleul, l’événement est une « source d’étonnement ». « C’est une énigme […] je n’ai pas le décodeur. » Le nez dans les dossiers de leurs différents départements, plusieurs sénateurs n’étaient pas au courant ce mardi de l’affaire. Certains, comme Jean-Pierre Sueur, lancent des appels au calme, dans une période difficile. « Je crois qu’on n’est pas dans l’unité », constate l’imperturbable sénateur du Loiret.
Jean-Pierre Sueur : « Je lance un message d’u-ni-té »
Jean-Pierre Sueur : « Je lance un message d’u-ni-té »
François Hollande et Bernard Cazeneuve très attendus en juillet
Fermez le ban : l’incident est vu comme un épiphénomène. Il faut dire qu’un rendez-vous important attend le groupe sénatorial. Une belle photo de famille du Parti socialiste est programmée le 17 juillet, date du pot de fin de session parlementaire. Des invités de marque y sont attendus : François Hollande, mais aussi l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, à qui l’on prête des intentions politiques. Pour beaucoup dans le groupe, l’idée séduit. « Son éventuel retour sur le devant de la scène politique est, je crois, une bonne nouvelle, pour les socialistes, ceux qui croient encore en nous, et bien sûr pour la France », commente Patrick Kanner, à l’initiative de ce rendez-vous. « Bernard Cazeneuve veut s’inscrire dans ce rassemblement et je pense qu’il peut apporter beaucoup pour l’avenir », ajoute son collègue Rémi Féraud.
« L'éventuel retour de Bernard Cazeneuve sur le devant de la scène est une bonne nouvelle » (Kanner)
« L'éventuel retour de Bernard Cazeneuve sur le devant de la scène est une bonne nouvelle », estime Patrick Kanner
Dans cette volonté de « rassemblement », que beaucoup appellent de leurs vœux depuis deux ans, les personnalités attendues sont nombreuses. Olivier Faure, bien sûr, mais aussi des députés, des anciens premiers secrétaires et Premiers ministres, ou encore des maires, des présidents de conseils départementaux ou régionaux. « Il s’agit d’organiser un peu médiatiquement et visuellement, et pour les camarades du groupe socialiste au Sénat, un rassemblement de la famille socialiste, et montrer que nous existons, qu’on a encore beaucoup de forces et beaucoup de personnalités susceptibles d’incarner le PS partout dans les territoires », s’enthousiasme Martine Filleul. L’heure n’est plus à l’inventaire du dernier quinquennat.
Patrick Kanner veut livrer des propositions d’ici l’automne
Et si justement ce concile du 17 juillet servait de point de départ dans la refondation du parti ? Cette journée pourrait servir de base. « C’est un rendez-vous convivial mais cette convivialité doit montrer la capacité de rassemblement politique, et les idées fortes nous avons à les construire dans les deux années à venir ». La réflexion programmatique devrait être engagée rapidement.
« Les idées fortes, nous avons à les construire dans les deux années à venir » (Rémi Féraud)
« Les idées fortes nous avons à les construire dans les deux années à venir » (Rémi Féraud)
Premier en termes de poids au Parlement, le groupe socialiste du Sénat (ils sont 72) semble jouer le rôle d’avant-poste. Patrick Kanner est à la manœuvre et certains de ses proches annoncent qu’il prendra « des initiatives » prochainement.
D’ici l’automne, l’ancien ministre des Sports de François Hollande formulera des propositions, dans divers domaines. Éducation, laïcité, écologie, pouvoir d’achat, etc. « C’est un projet, pas un programme », fait-il la nuance. L’ambition est d’arrêter un certain nombre d’idées pour le Parti socialiste, pour ses combats nationaux, de retrouver de la lisibilité dans la ligne politique, et redevenir audibles. Cette production est nécessaire, comme le jugent des membres du groupe. « Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est quelques idées fortes sur lesquelles, les uns et les autres, on intervienne avec notre petite musique, et qui fassent des traits d’union entre nous. Il faut absolument qu’on se mette au travail, qu’on trouve ces messages communs, ces éléments de langage commun », soutient Martine Filleul.
Le 17 juillet, « il s’agit d’organiser un rassemblement de la famille PS » (Martine Filleul)
Le 17 juillet, « il s’agit d’organiser un rassemblement de la famille PS » (Martine Filleul)
Dans cette préparation de la rentrée, les traditionnelles journées parlementaires de la fin de l’été joueront un rôle dans l’élaboration de ce « projet de société ». Sonné aux européennes, le PS a aussi en ligne de mire les municipales du printemps prochain. Il s’agit de faire bonne figure. « Les petites querelles nationales, ça a toujours un impact négatif sur les élections locales », estime le sénateur de Paris Rémi Féraud. Plus que jamais la recherche de l’unité s’avérera décisive dans la survie du parti.