« Le ralliement à la bannière de l’Union populaire avec Mélenchon premier ministre, pour moi c’est non », prévient Patrick Kanner
La tentative de rapprochement entre LFI et le PS pour les législatives crée une crise au PS. Après François Hollande, le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, comme la sénatrice Laurence Rossignol, expriment à leur tour leurs doutes.

« Le ralliement à la bannière de l’Union populaire avec Mélenchon premier ministre, pour moi c’est non », prévient Patrick Kanner

La tentative de rapprochement entre LFI et le PS pour les législatives crée une crise au PS. Après François Hollande, le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, comme la sénatrice Laurence Rossignol, expriment à leur tour leurs doutes.
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La volonté de la direction du PS de discuter avec La France Insoumise n’en finit plus de faire réagir chez les socialistes. Au lendemain d’un premier round pour le moins positif, où aucun « point de blocage insurmontable » n’a été constaté, ni chez LFI, ni au PS, c’est François Hollande qui en a rajouté une couche au concert de critiques. 

« Ce n’est pas une discussion qui est en cause, c’est une disparition » alerte François Hollande

« Ce n’est pas une discussion qui est en cause, c’est une disparition », a alerté l’ancien chef de l’Etat sur France Info, qui « pense que cet accord ne sera pas accepté car il est inacceptable sur le plan électoral », avec à la clef « la disparition de toute candidature socialiste dans les deux tiers ou les trois quarts des départements ». Ce serait par ailleurs « une remise en cause de l’histoire même du socialisme, de François Mitterrand et ses engagements européens, de Lionel Jospin et sa crédibilité économique et ses avancées sociales ». Sans parler du fond, avec la possibilité de « désobéir » aux « traités européens », ou celle de « quitter l’Otan » ou la retraite à 60 ans. Et de conclure :

Dans les prochains jours, c’est l’avenir de la gauche qui se joue.

Reste que le risque de division du PS pourrait indirectement profiter à François Hollande, qui n’aurait pas renoncé à toute ambition. Après la réflexion durant l’hiver sur une candidature de substitution à Anne Hidalgo, comme l’avait raconté Le Monde, l’ancien Président envisagerait, selon Le Canard Enchaîné, de « lancer une nouvelle formation ». Rien que ça. Avec d’abord un retour par la case Assemblée ? « Je ne veux rien dire là-dessus », a-t-il botté en touche ce matin, « mon destin individuel n’a pas aujourd’hui d’intérêt », « je ne cherche rien, à titre personnel », assure François Hollande. Pour l’ex, ce sont « les élus locaux qui représentent l’avenir du PS ». Cette perspective d’un éventuel come-back au premier plan n’enchante pas tous les socialistes. « Un retour de Hollande, ça n’a aucun sens », confie l’un d’eux, pour qui « ni Faure, ni Hollande ne sont l’avenir du PS, il faut être sérieux. Ni Faure, car il a échoué en 5 ans. Ni Hollande, car on ne peut pas être et avoir été ».

« Il faut au moins 100 à 150 candidats estampillés PS, minimum »

Mardi, c’est Stéphane Le Foll, le maire PS du Mans, un proche de François Hollande, invité de Public Sénat, qui avait tiré à boulet rouge sur la décision du premier secrétaire. « Olivier Faure se trompe : la stratégie de l’effacement a abouti à l’effacement électoral. Maintenant, se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon, c’est l’effacement final », a-t-il affirmé, donnant rendez-vous au 16 juillet, pour lancer la réflexion et « construire » un nouveau cycle. Car « ce parti est fini. Il faut le revoir complètement ».

Lire aussi » PS et LFI, les deux gauches réconciliables

Au Sénat, le patron des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, n’apprécie pas plus l’évolution de son parti. Après un temps de réserve dans un premier temps, le sénateur PS du Nord s’exprime à son tour. « Le ralliement à la bannière de l’Union populaire avec Jean-Luc Mélenchon premier ministre, pour moi c’est non, clairement », tranche Patrick Kanner. S’il est prêt à discuter avec LFI, comme l’a décidé le conseil national, il aimerait clarifier la position de Jean-Luc Mélenchon sur « le soutien à l’Ukraine, où c’est la question de la démocratie qui se pose », et celle « de la livraison d’armes ». « Sur l’Europe, ça doit être un combat à l’intérieur de l’Europe et pas par désobéissance aux traités ». Et sur la laïcité, Patrick Kanner interroge « l’idée de Jean-Luc Mélenchon d’une laïcité qui n’opprime pas ». « Qu’est-ce que ça veut dire ? Créolisation de la société ? Communautarisme ? » demande le sénateur.

Sur le plan des circonscriptions, le président du groupe PS se prononce « pour un accord respectueux et équilibré, qui tient compte du poids des uns et des autres ». Pour espérer avoir 50 circonscriptions avec un score de 1 %, ouvrant des financements de l’Etat, « il faut au moins 100 à 150 candidats estampillés PS, minimum », selon l’ancien ministre de François Hollande. Or selon la règle de calcul de LFI, basée sur les scores de la présidentielle, le PS n’aurait qu’une trentaine de candidats… Patrick Kanner résume :

Il faut que chacun retrouve ses billes.

« Je n’ai pas de dialogue avec Olivier Faure », lâche Patrick Kanner

Mais pour ces législatives, le sénateur du Nord est écarté de la réflexion, apprend-on au passage. « Je n’ai pas de dialogue avec Olivier Faure », lâche Patrick Kanner, qui explique qu’« Olivier Faure a créé une instance stratégique pour les législatives où il n’y a aucun sénateur et encore moins le président de groupe au Sénat. Dont acte ». Le groupe vit bien. Il assure qu’au moment des sénatoriales de 2023, les députés auraient eux leur place pour venir plancher à la stratégie.

Quant à un éventuel rôle de François Hollande, « il est l’ancien Président, ce qui le rend incontournable. Après, il faut qu’il soit le plus utile possible à nos combats communs. Mais il ne vient pas de rien. Il a été premier secrétaire pendant 10 ans, il connaît parfaitement le pays ».

« Si c’est pour gagner, il faut véritablement une coalition » selon Laurence Rossignol

Pour la sénatrice PS Laurence Rossignol, « il n’est pas interdit de mettre en place une coalition de gauche, y compris avec LFI ». Mais « soit il s’agit de répartir les députés d’opposition, en sachant que tout le monde a besoin de tout le monde », car « en 2017, LFI est passée de 17 % à la présidentielle à 17 députés », rappelle la sénatrice de l’Oise.

« Soit c’est une autre ambition, qui est de gouverner. Et c’est une affaire très sérieuse. Et dans l’état de tension du pays, on ne peut pas imaginer que ce soit avec 22 % des voix qu’on décide d’imposer à toute la gauche et aux Français son programme. Si c’est pour gagner, il faut véritablement une coalition et un contrat de gouvernement », soutient Laurence Rossignol, qui s’était rapprochée d’Arnaud Montebourg au moment de sa candidature.

Le sénateur Rachid Temal réclame un vote des militants

Depuis le vote du conseil national, Rachid Temal, sénateur PS du Val-d’Oise, a été l’un des premiers à ouvrir le feu publiquement. Aujourd’hui, il n’en démord pas. « La différence avec LFI, c’est que nous avons des congrès et une liberté de débat », revendique le socialiste. « Si on veut une coalition, il faut mettre tout le monde autour de la table au même moment, comme le disent Yannick Jadot ou Fabien Roussel », avance Rachid Temal. Si la gauche « se met derrière Mélenchon, son programme, son logo, ça fera la même chose qu’à la présidentielle : il n’y aura pas de victoire. Car la gauche est diverse », prévient celui qui avait été premier secrétaire par intérim du PS. Il attend qu’Olivier Faure réclame aussi « une coalition et une réunion de l’ensemble des forces, où on liste nos points d’accord et de désaccord, comme on l’a toujours fait au sein de la gauche ».

Rachid Temal réclame par ailleurs « que les militants socialistes puissent ensuite voter. C’est un moment particulier, historiquement. Les militants ont le droit de dire à la fin ce qu’ils veulent ». Le sénateur s’étonne aussi de la proximité affichée hier au siège des Insoumis, entre le PS et LFI. « Il faut faire attention. Devant les Français, on dit depuis 20 ans qu’il y a des divergences et en 2h30, il n’y a plus de problème… » note Rachid Temal. C’est aussi ce qui « interpelle » Patrick Kanner. « Comme ça ne se passe pas bien avec les communistes et les Verts, je me demande si on n’est pas en train d’être instrumentalisés comme les faire-valoir d’un accord pour l’imposer aux autres », met en garde le sénateur du Nord. « Pendant 10 ans, Jean-Luc Mélenchon a joué perso, et maintenant, il veut jouer collectif quand ça l’arrange ». L’ancien ministre ajoute :

Je n’ai pas envie d’être les idiots utiles d’une négociation qui se passe mal avec les autres.

« Je n’ai jamais vu des crocodiles entrer dans une maroquinerie en souriant »

Certains pensent que les socialistes vont dans cette histoire finir tout simplement par se faire manger. Ou dépecer. « Je n’ai jamais vu des crocodiles entrer dans une maroquinerie en souriant. Ils venaient plus pour la photo que pour négocier », lâche un socialiste… A moins – autre hypothèse émise par ces frondeurs internes – que Jean-Luc Mélenchon ne cherche à enfumer tout le monde, pour mieux constater à la fin l’impossibilité d’un accord et partir seul.

Reste que la petite musique entretenue par ces socialistes commence à énerver certains. « Il y a eu des gens qui ont été minoritaires, qui ne sont pas d’accord. On ne va pas perdre trop de temps à commenter ça tous les jours », réagissait hier un membre de la direction… Mais l’agitation ne semble pas terminée. La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, que certains présentent comme l’avenir du PS, et qui n’avait pas pris part au vote lors du conseil national, a pris les devants. Sans attendre un éventuel accord avec LFI, elle a présenté à la presse ses candidats PS aux législatives dans le Tarn, rapporte une journaliste. « Il faut avoir le courage de dire qu’il y a des positions qu’on ne partage pas », affirme Carole Delga, « j’ai vendu des salades au marché pour payer mes études. À mes concitoyens je ne vends pas de salades »…

Les choses vont encore bouger. « On est en pleine recomposition », constate Laurence Rossignol, pour qui « la recomposition de la gauche ne s’est pas achevée au soir du premier tour. Elle est en cours et il existera toujours une gauche de gauche et non mélenchoniste ». Dans l’équation, il ne faut pas oublier le choix que fera Emmanuel Macron pour son ou sa première ministre, et la politique qu’il mènera. Ses décisions ne seront pas non plus sans impact sur la vie tumultueuse de la gauche.

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