école Stanislas

Le rapport d’inspection sur l’établissement Stanislas remet-il en cause son contrat d’association avec l’Etat ?

Le rapport d’inspection accablant sur l’établissement scolaire privé catholique Stanislas vient compléter la polémique qui touche actuellement la ministre de l’Education nationale, Amélie Oudéa Castéra, dont les trois enfants y sont scolarisés. Les inspecteurs généraux de l’éducation nationale relèvent des « dérives dans l’application du contrat d’association » mais également un climat sexiste et « propice aux risques d’homophobie ».
Simon Barbarit

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

A chaque jour une polémique pour Amélie Oudéa-Castéra. Après avoir, dès le lendemain de sa nomination au ministère de l’Education nationale, maladroitement justifié, les raisons pour lesquelles elle avait scolarisé ses enfants dans l’école privée parisienne Stanislas, Mediapart a révélé mardi soir le contenu accablant du rapport d’inspection sur l’établissement scolaire catholique sous contrat.

Après des enquêtes de Mediapart, du Monde ou de l’Express sur les pratiques problématiques de cet établissement, quatre inspecteurs avaient été saisis pour mener une enquête. Ils avaient auditionné une centaine de personnes avant de remettre leurs conclusions en août dernier.

« On est passé d’un cas personnel, à un problème systémique »

« Ce rapport a été commandé en février 2023, et bouclé début août 2023. Et aussitôt Gabriel Attal (alors ministre de l’Education) a demandé au rectorat et à l’inspection générale de suivre un plan d’action qui fait presque 15 mesures, a confirmé Amélie Oudéa-Castéra sur France 2, ce matin précisant que « ce plan d’action sera suivi avec toute la rigueur nécessaire ».

« On est passé d’un cas personnel, à un problème systémique. Stanislas fait de la propagande anti-républicaine avec l’argent de l’État. Nous pensions que le séparatisme mis en œuvre par Stanislas était social, il est aussi politique. Stanislas bafoue les valeurs de la République. On ne peut pas accepter d’un établissement catholique ce qu’on refuse à un établissement musulman. On ne peut faire deux poids deux mesures », réagit le sénateur communiste Pierre Ouzoulias qui demande solennellement au gouvernement de mettre fin au conventionnement dont bénéficie cet établissement.

Car le rapport d’une trentaine de pages est effectivement accablant pour l’établissement prestigieux qui accueille 3 600 élèves de la maternelle au Lycée. Il relève « des dérives » dans l’application du contrat d’association de l’établissement avec l’Etat, notamment par le caractère obligatoire des heures d’enseignements catholique, ce qui est contraire à la loi. « La mission s’interroge sur les conditions du respect de la liberté de conscience auquel l’établissement s’est engagé en signant le contrat d’association alors que, à l’inscription, est exigé le respect par les élèves du caractère obligatoire de la catéchèse », peut-on lire.

« Avec l’obligation de l’enseignement religieux imposé à tous les élèves de l’établissement Stanislas, le régime dérogatoire de l’Alsace-Lorraine s’installe à Paris. Le Concordat s’étend à la France entière ! » , ironise Pierre Ouzoulias. La loi Debré de 1959 intégrée depuis au Code de l’éducation impose le respect total de la liberté de conscience. « Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances » ont accès à cet enseignement.

« On est là sur une forme de séparatisme qui est parfaitement condamnable »

Le sénateur LR, Stéphane Piednoir qui fut rapporteur du projet de loi séparatisme pour la commission de la culture et de l’éducation reconnaît que l’adhésion au volet formation chrétienne du projet éducatif, dès l’inscription des élèves « est de nature à remettre en cause le contrat d’association ». De même, « les classes non mixtes », « les activités séparées et genrées filles garçons », où « l’attention particulière à la tenue des jeunes filles empreinte de sexisme véhiculant des stéréotypes de genre », conduit la mission à formuler cette recommandation : « Travailler à une évolution du projet éducatif et des règles de vie, notamment relatives à la tenue vestimentaire, afin de renforcer, conformément aux valeurs de la République, l’égalité filles-garçons et le respect des différences au sein de l’établissement ». « On est là sur une forme de séparatisme qui est parfaitement condamnable », consent Stéphane Piednoir.

Le rapport fait, enfin, mention de faits « susceptibles d’être qualifiés pénalement ». Des propos homophobes, propices aux risques d’homophobie, anti-avortement, ou faisant la promotion des thérapies de conversion de la part de certains catéchistes dont certains expriment « des convictions personnelles qui outrepassent les positions de l’Église catholique, par exemple sur l’IVG ».

Sur ce point, Aurélie Oudéa-Castéra a tenu à préciser que « le seul cas d’homophobie a fait l’objet d’un signalement au procureur via la procédure de l’article 40 ».

Pierre Ouzoulias pointe, lui, le « conflit d’intérêts » de la ministre dans « la gestion de ce dossier ». « Elle doit se déporter pour que la suite donnée à ce dossier soit instruite en toute indépendance ».

« Ce rapport est antérieur à sa nomination. C’est Gabriel Attal qui, à l’époque, s’est saisi de ce dossier. Ce n’est pas un simple rapport, il y a une injonction faite à l’établissement pour se mettre en conformité à la loi et j’aimerais connaître les délais qui lui ont été imposés », s’interroge Stéphane Piednoir.

Le code de l’éducation prévoit, « en cas de manquements graves aux dispositions légales et réglementaires », que le préfet du département peut prononcer la résiliation du contrat d’association d’Etat avec un établissement scolaire. Le préfet du Nord a pris cette décision concernant le lycée privé musulman lillois Averroès en décembre dernier.

 

Dans la même thématique

SIPA_01112686_000045
4min

Politique

Pourquoi commémore-t-on l’abolition de l’esclavage le 10 mai en Métropole ?

Depuis 2006, le 10 mai est la date de la journée nationale officielle de commémoration des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions. Une cérémonie à laquelle participe le président de la République ou le Premier ministre. Dans les territoires d’Outre-mer, les commémorations ont lieu à d’autres dates. Explications.

Le

Le rapport d’inspection sur l’établissement Stanislas remet-il en cause son contrat d’association avec l’Etat ?
6min

Politique

Agences de l’état : Laurent Marcangeli ne veut pas fixer d’objectif chiffré pour éviter la « formation d’anticorps »

Auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur les agences de l’Etat, Laurent Marcangeli est revenu sur la méthode du gouvernement pour « simplifier » l’écosystème des agences et opérateurs de l’Etat. Les plans ministériels devraient être finalisés à la mi-juin et ce travail pourrait donner lieu à un projet de loi, voire une proposition de loi, a annoncé le ministre de la Fonction publique.

Le

Le rapport d’inspection sur l’établissement Stanislas remet-il en cause son contrat d’association avec l’Etat ?
7min

Politique

Présidence des LR : Laurent Wauquiez cible le « en même temps » de Bruno Retailleau

A 10 jours de l’élection du président des Républicains, Laurent Wauquiez laboure les terres de la droite pour aller chercher une victoire face au favori, Bruno Retailleau. Ce mercredi, dans un restaurant du XVe arrondissement de Paris, le chef de file des députés de droite a présenté sa candidature « de rupture » avec le pouvoir en place. Membre du gouvernement, l’élection de Bruno Retailleau à la tête des LR ferait prendre le risque, selon lui, d’une dilution de la droite dans le macronisme.

Le