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Le référendum, l’arme d’Emmanuel Macron pour « secouer le système » ?

Le chef de l’Etat sera l’invité de TF1 le 13 mai. Il pourrait annoncer un référendum avec plusieurs questions. Une façon pour Emmanuel Macron de « dénouer » le blocage, salue le député macroniste Pieyre-Alexandre Anglade. La réorganisation territoriale pourrait être au menu. « C’est excellent de réfléchir au millefeuille territorial », salue le sénateur François Patriat, « les Français pensent qu’il y a trop de collectivités ».
François Vignal

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Le sujet est aussi vieux que les deux quinquennats d’Emmanuel Macron : l’éventualité d’un référendum. La première fois que le chef de l’Etat avait évoqué cette possibilité que lui offre la Constitution, c’était en juillet 2017, en réunissant le Congrès, à peine élu. Agitée à plusieurs reprises, l’arme n’a pourtant jamais été dégainée. Cette fois sera-t-elle la bonne ?

Emmanuel Macron sera l’invité de TF1, le 13 mai prochain, à 20h10, pour répondre aux questions du journaliste Gilles Bouleau mais aussi de personnalités de la société civile et de Français, sur l’actualité internationale et nationale. Une longue émission de deux heures, intitulée « Emmanuel Macron – les défis de la France », où le président de la République pourrait bien, de nouveau, mettre sur la table l’idée d’un référendum, comme l’écrivent Le Figaro et Les Echos ce mardi. Le sujet pourrait du moins être « évoqué », selon une source proche du président, écrit l’AFP. L’idée n’est pas de poser une, mais peut-être deux voire trois questions, sur le même bulletin et sur des sujets différents, lors de ce référendum à questions multiples.

Pas vraiment une surprise. Lors de ses vœux du 31 décembre dernier, Emmanuel Macron avait dit vouloir « faire trancher des sujets déterminants par les Français ». Mais quels sujets ? La question de l’organisation territoriale de l’Etat est évoquée. Quant aux rythmes scolaires et celui des vacances, ils feront l’objet d’une convention citoyenne, vient de décider le Président.

« Il y a une attente des Français d’être consultés »

Pour les macronistes, lancer maintenant un référendum serait bienvenu. Dans la situation de blocage politique actuel, cette consultation serait vue comme une petite bouffée d’air pur. Pour le chef de l’Etat, qui a pris du champ avec les enjeux intérieurs, se concentrant sur une scène internationale chaotique depuis la dissolution, ce serait l’occasion de reprendre davantage la main.

« Aujourd’hui, la situation politique est bloquée et l’activité de l’Assemblée est réduite, du fait des difficultés à trouver des compromis. Il y a un outil qui s’appelle le référendum, qui est à la main du Président, qui est un bon outil s’il sait s’en servir », soutient Pieyre-Alexandre Anglade, président Renaissance de la commission des affaires européennes de l’Assemblée, qui rappelle qu’« il y a une attente des Français d’être consultés de manière plus régulière sur l’avenir du pays ». Pour le député des Français établis hors de France, ce serait « une façon pour Emmanuel Macron de dénouer, en tout cas de dépasser cet immobilisme. On est un peu collectivement à l’arrêt ». Pieyre-Alexandre Anglade ajoute : « C’est très bien que le Président secoue le système et puisse consulter les Français ».

« Le référendum, c’est comme une arme nucléaire »

« Il y a beaucoup de blocages dans le pays », confirme le député Renaissance Mathieu Lefèvre, « ils doivent être tranchés directement par les Français. Le Président a ce lien direct avec les Français, qui permet de les consulter. Autant l’utiliser pour réformer jusqu’au bout. C’est plutôt une bonne idée. Et on arrive à un moment où il y a un besoin de certitude », salue le député du Val-de-Marne.

« C’était un engagement qu’il avait pris. Le référendum, c’est comme une arme nucléaire. C’est fait pour s’en servir très peu, ou même pas. Si c’est son choix, je souscrirai au choix présidentiel », réagit, de manière plus tempérée, François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat. Il pense malgré tout qu’« à chaque fois que le Président fait appel au peuple, c’est une bonne idée ».

« La situation nationale est totalement figée. C’est la guerre de position. Ça a plutôt du sens de retrouver ce lien direct »

Un autre parlementaire macroniste salue aussi l’hypothèse. « La situation nationale est totalement figée. C’est la guerre de position. Ça a plutôt du sens de retrouver ce lien direct », pense cet élu, qui n’est cependant « pas certain que ce soit totalement calé. Il pourrait aussi ne pas annoncer de référendum… » Cela ne ferait qu’une fois de plus.

Reste un risque, inhérent à tout référendum : que les Français répondent davantage à celui qui pose la question qu’à la question elle-même. Autrement dit, que l’appel aux urnes se transforme en référendum anti-Macron. « Les référendums sous la Ve République, ça ne s’est jamais très bien passé. C’est pour ça qu’on l’a rarement fait », relève le sénateur Horizons du Nord, Franck Dhersin. « C’est le risque d’instrumentalisation de la part des oppositions. Ce sera évidemment le cas », reconnaît Mathieu Lefèvre, qui préfère voir avant tout l’intérêt d’avoir des « débats » de fond. « Oui, il y a ce risque, comme dans toute élection. Mais si on a peur du vote et de la parole des Français, alors on ne fait pas de politique et on reste chez soi », balaie Pieyre-Alexandre Anglade.

« Contourner tous les conservatismes locaux »

Si le chef de l’Etat se lance bien dans l’aventure du référendum, et le pays avec, reste à trouver la ou les questions. Et celle de l’organisation territoriale, si elle n’est sûrement pas au cœur des préoccupations des Français, a ses défenseurs.

« Si on avance sur la réforme territoriale, ce serait formidable, ça permettrait de contourner tous les conservatismes locaux », s’enthousiasme Mathieu Lefèvre. Il est vrai que tenter de toucher à une strate risque de déclencher quelques mécanismes de protection des élus et barons locaux, prêts à hisser herses et pont-levis…

Faudrait-il remettre au goût du jour le conseiller territorial, qui serait à la fois élu à la région et au département ? La réforme avait été lancée par Nicolas Sarkozy avant d’être supprimée par François Hollande. « Ce serait une très bonne idée. Et on peut aller plus loin et dire qu’une collectivité, égal un impôt, égal une compétence. C’est la mise en œuvre du rapport Woerth ou Ravignon », imagine toujours Mathieu Lefèvre. Et faudrait-il aller jusqu’à supprimer une strate ? « En Ile-de-France, on a le département, Paris, les établissements publics territoriaux, la métropole, il y a manifestement une strate de trop », estime le député du Val-de-Marne.

En 2024, Emmanuel Macron voulait « supprimer un échelon territorial » et « rouvrir la question des grandes régions »

François Patriat adhère totalement à l’idée. « Je trouve excellent de réfléchir au millefeuille territorial. Les Français pensent qu’il y a trop de collectivités », soutient le patron du groupe des sénateurs macronistes, qui n’a pas d’hostilité de principe à l’idée d’éliminer une strate. « Pourquoi pas », dit le sénateur de la Côte-d’Or, dont les électeurs sont les élus locaux, à commencer par les conseillers municipaux.

Reste à définir laquelle est le maillon faible. François Patriat exclut « les intercommunalités, qui ont pris une telle importance », et note la force du « département, comme échelon de proximité ». Alors les régions ? Emmanuel Macron avait lui-même évoqué cette piste, lors d’une conférence de presse, en juin 2024. « Il nous faut déconcentrer beaucoup plus rapidement, mais il faudra supprimer un échelon territorial », avait affirmé le chef de l’Etat, qui souhaitait « rouvrir la question de ces grandes régions qui ont éloigné la décision, et redonner la liberté de choix sur le terrain à nos compatriotes, s’ils veulent revenir sur le sujet ».

Un référendum sur les finances publiques, « c’est nul et non avenu »

Quant à l’idée du premier ministre de faire un référendum sur les finances publiques, elle risque de faire long feu. « C’est de la compétence du Parlement. Il a raison de chercher la légitimité pour mener l’effort, car personne ne veut le faire, mais ce n’est pas une façon d’y arriver », tacle Mathieu Lefèvre, membre de la commission des finances, avant d’ajouter : « C’est nul et non avenu. Ça n’aura pas lieu ». A la commission des finances du Sénat aussi, son rapporteur LR, Jean-François Husson, comme son président socialiste, Claude Raynal, n’y croit pas (lire notre article sur le sujet).

Cela n’a pas empêché François Bayrou de défendre son idée baroque ce matin, lors du petit déjeuner de la majorité. Devant les participants, il a expliqué qu’il comptait en faire la proposition au Président, imaginant un référendum en septembre.

« Pour sortir du blocage, ce n’est pas un référendum qu’il faut, c’est une élection », lance le sénateur Horizons Franck Dhersin

En cas d’annonce la semaine prochaine, il faudra réussir ensuite le service après-vente. Car si les membres du parti présidentiel soutiennent l’idée d’un référendum, du côté d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, on reste plus dubitatif. Pour ne pas dire hostile, à l’image du sénateur Franck Dhersin. « Dans la Ve République, quand on décide de faire appel au peuple, c’est qu’on ne sait plus comment agir. N’avons-nous pas les hommes et les femmes politiques qui ont le courage de prendre les bonnes décisions ? Faut-il demander au peuple ? A ce moment-là, demandons-leur de voter immédiatement sur les postes principaux de l’Etat. Le seul et véritable référendum qu’on attend, c’est la prochaine élection présidentielle », lâche Franck Dhersin.

« Pour sortir du blocage, ce n’est pas un référendum qu’il faut, c’est une élection », insiste le sénateur Horizons, qui regrette que « tout soit bloqué jusqu’en 2027 et la prochaine présidentielle. Si le Président le pense lui-même, il n’y a qu’une seule décision à prendre », tranche le sénateur, qui précise aussitôt : « Ce n’est pas ce que je souhaite. Je souhaite qu’Emmanuel Macron aille au terme de son mandat ». Petit rappel, à ceux à qui cela aurait échappé : Edouard Philippe est candidat à l’élection présidentielle et actuellement bien placé dans les intentions de vote.

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