"Trop complexe", "inadapté", "erreurs de cotisations": le Régime social des indépendants (RSI), auquel sont affiliés artisans, commerçants et indépendants, est la cible de critiques récurrentes pour ses dysfonctionnements. Les candidats à la présidentielle en ont pris acte, tous promettent de le réformer voire le supprimer.
"Il y a trop de paperasse, il faudrait que ce soit plus simple", peste Matthieu Lecuyer, affilié depuis peu.
Comme ce jeune créateur d'entreprise, les artisans, commerçants et indépendants croisés dans les allées du salon des entrepreneurs à Paris, sont nombreux à exprimer leur mécontentement vis-à-vis du régime qui couvre depuis 2006 la retraite, l'assurance maladie, l'invalidité/décès et la famille de quelque 6,6 millions d'assurés.
Les dysfonctionnements (perte de dossiers, calculs de cotisations erronés) apparus après la réforme de 2008 et la création d'un "interlocuteur social unique" avaient valu au régime d'être qualifié en 2012 de "catastrophe industrielle" par la Cour des comptes.
"C'est derrière nous", s'est récemment défendu le directeur général du RSI, Stéphane Seiller, appelant à "laisser le travail d'amélioration" se poursuivre après les attaques généralisées des prétendants à l'Elysée.
Mais le passé a laissé des traces. Et face aux propositions des différents candidats qui prônent sa suppression (Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon) ou une réforme en profondeur (François Fillon, Marine Le Pen), les intéressés ne se font guère d'illusions.
"J'attends de voir sur le terrain ce qu'ils feront", dit prudemment Cécile Barry, coach en entreprise, plaidant pour que les indépendants qui "participent à l'économie du pays" bénéficient d'indemnités chômage comme les salariés.
"On a le droit de tester une idée, de se tromper et de revenir en arrière", défend la quadragénaire qui garde un souvenir amer de cette veille de Noël où le RSI lui a prélevé sur son compte 6.000 euros "par erreur".
Malgré une "amélioration" du régime, il y a encore de "nombreux dysfonctionnements", constate la femme d'affaires en s'appuyant sur les témoignages de ses clients entrepreneurs.
Au coeur des reproches, le calcul des cotisations, indexées sur un chiffre d'affaires qui souvent fluctue, soulignent les affiliés.
- 'Se mettre à la place des entrepreneurs' -
Les cotisations sociales sont entièrement assumées par l'indépendant (à hauteur de 47% du bénéfice net), contrairement à un salarié dont une partie est prise en charge par l'entreprise. Et elles sont calculées sur la base des revenus de l'année précédente.
Problème, "si on a bien gagné sa vie avant, mais que sa situation se dégrade, ça devient vite compliqué d'avoir la trésorerie suffisante pour payer", témoigne Catherine Meunier, architecte à Grenoble.
Face à la baisse des commandes, après plus de 15 ans à son compte, la quinquagénaire a décidé en septembre 2015 de jeter l'éponge, "craignant de ne plus pouvoir payer ses charges".
"On anticipe tellement que l'on passe son temps à sortir de l'argent et on n'ose pas demander des aménagements de peur d'être redressé", poursuit celle à qui le RSI a finalement remboursé 1.600 euros de trop perçu. "Une somme dont (elle) aurait bien eu besoin à l'époque", souligne-t-elle.
L'architecte, qui a repris une activité salariée, ne croit pas à la promesse de presque tous les candidats à la présidentielle de supprimer le RSI: "ils ont une approche technocratique, mais sont déconnectés de la réalité", estime-t-elle.
Importateur de spiritueux chiliens, Francisco Cortes Silva, 28 ans, avoue pour sa part que la protection sociale n'est "clairement pas sa priorité" pour le moment, mais tente tant bien que mal de régler son différend avec le régime.
"Je dois payer 10.000 euros de cotisations, alors que je n'ai même pas 3.000 euros de bénéfices. Mon activité n'est pas régulière et mes revenus fluctuent!", s'indigne-t-il.
"Et d'ailleurs, même si mon chiffre d'affaires est nul, je dois payer des cotisations minimum. Si je ne le fais pas dans les délais, j'ai des pénalités", poursuit-il désabusé.
Du prochain président de la République, le jeune homme attend qu'il se "mette à la place des entrepreneurs", mais ne se fait lui non plus guère d'illusions. "Le programme de Macron est beaucoup trop flou et la droite clairement ne va pas supprimer le RSI qu'elle a elle même mis en place" en 2006, analyse-t-il.