Le report à la rentrée du plan pauvreté, issu d'une concertation lancée en grande pompe fin 2017, suscite jeudi la déception d'associations et des critiques sur la "communication désastreuse" du gouvernement, qui a semblé lier le calendrier de ce dossier aux résultats de l'équipe de France au Mondial.
"Un très mauvais signal". Pour Éric Pliez, président du Samu social de Paris, le report à la rentrée de la stratégie pauvreté, une série de mesures qui devaient être présentées la semaine prochaine, est "très décevant".
Annoncée en octobre lors d'un déplacement d'Emmanuel Macron dans une crèche, l'élaboration d'un plan de lutte contre la pauvreté - qui touche 14% de la population - avait conduit à la nomination d'un délégué interministériel à la pauvreté, Olivier Noblecourt, et au lancement d'une grande concertation.
En mars, six groupes de travail avaient remis au gouvernement 110 propositions pour "lutter contre le déterminisme social". Mais depuis, la présentation se faisait attendre.
"On nous a dit mai, puis juin, puis juillet, maintenant septembre. On est en droit d'être déçus", explique à l'AFP M. Pliez.
Au sortir d'un déjeuner à l'Élysée autour de la question de la protection sociale, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, a assuré à l'AFP qu'Emmanuel Macron donnerait "quelques éléments de cadrage" du futur plan lundi, dans son discours devant le Congrès.
Elle a regretté que les associations aient été "pressées" de rendre leur copie dès le 15 mars alors que les annonces seront finalement faites "près d'un an" après le début de la concertation. "On aurait eu plus de temps pour approfondir", reconnaît-elle.
"On sait qu'un plan d'envergure coûte cher et qu'il faut aller chercher de l'argent, mais après les déclarations sur les aides sociales et le +pognon de dingue+, nous sommes peu confiants", tranche M. Pliez.
Selon une source gouvernementale, le report est dû à des "arbitrages" manquants et des sujets restants "à approfondir".
Mais mercredi, c'est le rapprochement du calendrier de cette présentation avec celui du parcours des Bleus au Mondial de football qui a soulevé les critiques.
- Une com' "désastreuse" -
"Nous verrons si l'équipe de France est en demi-finale ou pas", avait annoncé la ministre des Solidarités Agnès Buzyn, en évoquant une question de "disponibilité" d'Emmanuel Macron, qui s'est engagé à aller en Russie soutenir les Bleus s'ils arrivaient à ce stade de la compétition.
"Le football n'est évidemment pas la seule raison pour un report. Mais c'est sûr qu'on ne fait pas une annonce de cette ampleur un jour de foot", a tempéré la source gouvernementale.
"Placer le foot avant les sujets de fond, en termes de communication, c'est désastreux", juge François Soulage, président du collectif Alerte.
Avec ce report, "on perd l'occasion de démarrer dès la rentrée", regrette-t-il également, évoquant des mesures rendues publiques comme l'offre de petits-déjeuners dans les écoles défavorisées et des tarifs sociaux pour la cantine.
Pour lui néanmoins ce report n'est "pas surprenant" dans la mesure où "des questions lourdes restent en suspens". "Si cela permet d'avancer, notamment sur la question de l'aide financière aux plus démunis, alors tant mieux. On espère des réponses à la rentrée", déclare-t-il.
Jeudi, des députés de la majorité ont tenté de défendre un président selon eux "très attaché au plan pauvreté".
"Ce plan sera d'envergure car cela fait partie de l'ADN du projet présidentiel", a déclaré Sylvain Maillard sur Sud radio. "Ce ne sont pas une ou deux journées de report qui changeront la donne".
Reste que faire passer "les pauvres après le Mondial, franchement, c'est une com' catastrophique", a raillé le secrétaire général de Force ouvrière, Pascal Pavageau.
"On se pince !", a tweeté Olivier Faure, premier secrétaire du PS. "L'équipe de France n'a pas besoin de lui pour gagner !! En revanche les plus démunis attendent... eux !!!"
Pour le président des Républicains, Laurent Wauquiez, interrogé sur CNews, cet épisode est "très représentatif de ce tout communication qui s'est installé".