Paris: New election at French far-right party Rassemblement National with Jordan Bardella and Marine Le Pen

Le RN déplace son 1er mai au Havre, ville ouvrière et fief d’Édouard Philippe

Le Rassemblement national, qui n’a plus organisé d’événement marquant autour du 1er mai depuis 2015, va rassembler ses militants dans la ville du Havre pour un grand banquet. Le parti de Marine Le Pen devrait profiter de l’occasion pour lancer une campagne de communication autour de la « paix sociale ».
Romain David

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Pour son 1er mai, le Rassemblement national change de formule. Habitué à une courte déambulation dans les rues de Paris, généralement ponctuée d’un dépôt de gerbe devant la statue de Jeanne D’arc qui trône place des Pyramides, à deux pas du Louvre, le parti de Marine Le Pen a choisi cette année de délocaliser l’événement… au Havre ! Loin de la capitale donc, et loin des cortèges de l’intersyndicale qui entend profiter de la journée internationale des travailleurs pour donner un second souffle à l’opposition contre la réforme des retraites. Le parti cofondé par Jean-Marie Le Pen évoque de son côté « une fête de la Nation » et donne rendez-vous à ses militants pour un banquet, ponctué de plusieurs prises de paroles, dont celles du président du RN Jordan Bardella et de Marine Le Pen.

Quelque 1 500 militants sont ainsi attendus au Carré des Docks, un vaste espace culturel au bord de l’eau. Le Conseil national du RN, sorte de parlement interne qui se prononce sur les grandes orientations du parti, se rassemblera dans la matinée. Sur les réseaux sociaux, plusieurs syndicats locaux annoncent déjà des rassemblements de protestation à proximité.

« Évènement majeur dans la vie de notre mouvement, le 1er mai est cet instant de fête et de cohésion dédié à ce qui nous rassemble et que nous chérissons tant : la Nation ! », souligne le site du RN. « Notre 1er mai sera le cri du cœur des amoureux de la France, qui refusent de voir leur pays disparaître et leur travail mis à mal par la politique antisociale, brutale et injuste d’Emmanuel Macron », lit-on encore sur la page consacrée à cet évènement. « Fête de la Nation, parce qu’il s’agit à la fois de célébrer les travailleurs, cette France qui se lève tôt, et Jeanne d’Arc, qui a contribué à notre liberté », explicite auprès de Public Sénat le député de l’Yonne Julien Odoul, porte-parole du parti. Il n’est donc pas question d’abandonner la commémoration à celle qui a voulu bouter les Anglais hors de France, assure ce responsable, les différentes prises de parole devraient, à coup sûr, s’y référer.

Une date clef dans l’histoire du FN

Depuis 1988, l’ex-Front national a pris l’habitude de fêter Jeanne d’Arc le 1er mai, même si la mémoire de la Pucelle est traditionnellement honorée par la droite et l’extrême droite le deuxième dimanche de mai – institué « Fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme » depuis 1920, – et à nouveau célébrée par l’Église catholique le 30 mai, date de sa mort sur le bûcher. Pour rappel, en 1988, le second tour de l’élection présidentielle s’est tenu le second dimanche de mai, c’est-à-dire le 8. C’est ce calendrier qui a poussé Jean-Marie Le Pen, candidat pour la deuxième fois, à avancer d’une semaine l’hommage que son parti rendait depuis quelques années déjà à cette figure tutélaire. La date est finalement restée, par opportunisme politique, permettant au FN de lier dans une même célébration la référence patriotique et une forme de discours social, généralement orienté vers les petits travailleurs.

En 2015 pourtant, la machine se grippe. Et pas qu’un peu. Le 1er mai frontiste tourne au fiasco sur fond de guerre ouverte entre Jean-Marie Le Pen et sa fille, élue à la tête du parti quatre ans plus tôt. Cette dernière a fini par prendre ses distances avec le patriarche, à nouveau au cœur de la polémique pour avoir réitéré ses propos sur les chambres à gaz. Officiellement, le fondateur du FN n’a pas été convié à défiler. En marge du rassemblement, il rend son propre hommage à la statue dorée de la place des Pyramides, qu’il harangue de son célèbre « Jeanne, au secours ! ». Puis, quelques minutes plus tard, sous un ciel pluvieux, il s’invite sur la scène installée place de l’Opéra où sa fille est sur le point de prendre la parole devant les militants. Le discours de Marine Le Pen est encore interrompu par trois Femen, déployant des drapeaux « Heil Le Pen » depuis un balcon. Pendant ce temps, dans la foule, l’eurodéputé Bruno Gollnisch, fidèle de Le Pen père, s’en prend à l’équipe du « Petit journal » de Canal +.

Un rendez-vous devenu trop encombrant

Les images calamiteuses de ce 1er mai auront douché Marine Le Pen pour longtemps. Les années suivantes, le 1er mai du FN, devenu en 2018 le Rassemblement national, se fait moins bruyant. En 2016, une autre statue de Jeanne d’Arc a même été choisie – la capitale n’en manque pas –, celle de la place Saint-Augustin dans le 8e arrondissement. À plusieurs reprises, l’événement est célébré loin de Paris, à Cannes ou à Metz. Et en petit comité depuis la crise sanitaire. L’édition 2022 a finalement été boudée par Marine Le Pen, qui a laissé Jordan Bardella occuper l’espace médiatique. Officiellement, la députée du Pas-de-Calais avait besoin de souffler après « une campagne présidentielle éprouvante », mais aussi de se consacrer à la bataille des législatives.

« Le défilé du 1er mai du RN était un événement coûteux. Il a pu attirer pas mal de monde dans les années 1990, mais de moins en moins par la suite. Il y a toujours une disproportion importante entre le nombre de voix et le nombre de militants au sein des partis. Ce ratio a toujours été très prononcé au RN », explique le politologue Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. « Dans les périodes de vaches maigres, le parti y regardait à deux fois. D’autant qu’un dépôt de gerbe, cela ne monopolise que quelques secondes d’antenne dans les médias. »

Sous l’ère Marine Le Pen, l’événement est regardé comme un vestige du passé, en dissonance avec la stratégie de normalisation mise en place. « Toute une série de groupuscules, y compris les plus fous, venaient s’y agglomérer. Cela a même donné lieu à un fait divers resté dans les mémoires, le meurtre de Brahim Bouarram, 29 ans, jeté dans la Seine en marge du défilé de 1995 », rappelle Jean-Yves Camus. Le format du banquet en région limite le risque de dérapage et s’inscrit davantage dans les pratiques des partis politiques traditionnels. « C’est un format qui n’a pas souvent été utilisé par le RN, mais cela n’a rien d’idiot, tout mouvement politique a besoin de moments de convivialité ou les militants peuvent se retrouver autour de leurs représentants », pointe notre spécialiste.

Le Havre, un choix politique

Avoir opté pour Le Havre, en revanche, interroge. Marine Le Pen y est arrivée à la troisième place au premier tour de la présidentielle, derrière Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Le département ne compte aucun député du RN. Il s’agit donc d’une terre de conquête pour le parti. « C’est une vieille ville, ouvrière, longtemps dirigée par les communistes. Mais aussi un port d’hydrocarbures, ce qui peut faire sens dans la période actuelle d’inflation », analyse Jean-Yves Camus. Interrogé sur ce choix, le député Julien Odoul renchérit : « C’est une ouverture sur cette France ouvrière qui nous est très chère ». Avant de se faire plus lyrique : « Et puis Le Havre c’est la mer, l’embouchure de la Seine, c’est à la fois une fin et un commencement ».

Mais surtout, dans un registre moins poétique et plus politique, Le Havre est aussi le fief d’Édouard Philippe. L’ancien Premier ministre, à qui l’on prête de fortes ambitions présidentielles pour 2027, dirige la ville depuis 2010. Dans un contexte où Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat successif, Marine Le Pen pourrait implicitement viser son prochain adversaire en venant le titiller sur ses terres. D’autant que les dernières enquêtes d’opinion les donnent au coude à coude, à la fois en tête du classement des personnalités politiques des Français (baromètre politique Odoxa-Mascaret de février), et pour accéder au second tour de la présidentielle si l’élection se tenait en ce moment (sondage publié le 4 avril par l’Ifop).

« Édouard Philippe porte la mesure de la réforme des retraites la plus brutale avec son départ à 67 ans, nous voulons affirmer que le RN est le premier bouclier social des Français », justifiait Jordan Bardella dans les colonnes du Parisien début mars. Julien Odoul se veut plus nuancé sur le signal ainsi envoyé : « Nous ne sommes pas là pour embêter Édouard Philippe », assure-t-il. « Et puis, la présidentielle est encore loin. Si je ne doute pas que Marine soit sur la ligne de départ, pour Édouard Philippe, j’ai plus de mal à y croire. Ses petits amis de la majorité présidentielle se seront chargés de lui d’ici là. »

Une campagne pour la « paix sociale »

Enfin, ce 1er mai sera pour le RN l’occasion du lancement d’une campagne autour du thème de la « paix sociale », tracts et affiches à l’appui. « La paix sociale est un impératif voulu par une large majorité des Français, cela passe à la fois par des propositions sur le pouvoir d’achat, qui est un pouvoir de vivre, et, évidemment, le rejet des politiques injustes d’Emmanuel Macron », détaille Julien Odoul. Il s’agit pour le parti à la flamme tricolore de proposer sa propre alternative aux « cent jours pour apaiser » portés par le président de la République dans son allocution du 17 avril, en remettant en avant certaines des mesures du programme de Marine Le Pen. Mais aussi de battre en brèche la stratégie d’opposition de la Nupes, et notamment de LFI, qui mise sur la conflictualisation des débats dans un contexte de forte fracturation politique et d’affaiblissement de la majorité présidentielle. En bref, le RN veut continuer à soigner l’image de sérieux et de stabilité qu’il s’échine à entretenir depuis qu’il a fait rentrer 88 députés dans l’hémicycle.

Pourtant, dans son édition du 27 avril, la newsletter de Politico nous apprend que cette campagne autour de « la paix sociale » ne fait « pas complètement l’unanimité en interne ». Auprès de Public Sénat, Jean-Yves Camus s’étonne également de ce choix. « Cela prend un peu à rebrousse-poil l’opposition exprimée à la réforme des retraites. Il pourrait presque s’agir d’un slogan de droite, qui vient fustiger les revendications sociales, ce qui est plutôt étonnant pour un 1er mai. » À mi-mot, le politologue évoque même un risque « d’erreur stratégique » pour Marine Le Pen.

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