Le RN revient au FN historique pour remobiliser les électeurs
Comme son père, Marine Le Pen stigmatise depuis sa rentrée l'immigration pour remobiliser ses troupes, sans dire comment elle va...

Le RN revient au FN historique pour remobiliser les électeurs

Comme son père, Marine Le Pen stigmatise depuis sa rentrée l'immigration pour remobiliser ses troupes, sans dire comment elle va...
Public Sénat

Par Anne RENAUT

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Comme son père, Marine Le Pen stigmatise depuis sa rentrée l'immigration pour remobiliser ses troupes, sans dire comment elle va s'y prendre pour en finir avec l'Union européenne qui, à ses yeux, encourage une "déferlante" migratoire.

C'est au nom du "changement" que le Front national est devenu en juin le Rassemblement national (RN). Mais selon le politologue Jean-Yves Camus, le discours de Mme Le Pen dimanche à Fréjus (Var) était écrit "par un cadre mégrétiste des années 1990" avec "immigration et identité à tous les étages".

Dans le sud-est, la présidente du RN a consacré près de 40 minutes sur 50 à la "folle politique immigrationniste" de l'UE et à la "soumission" à cet égard d'Emmanuel Macron.

Un discours "très bien orienté", confie à l'AFP son père Jean-Marie Le Pen, qui a présidé le parti près de 40 ans avant d'en être exclu en 2015, pourtant d'habitude très critique à l'égard de sa fille.

La dirigeante du RN fera un autre clin d'œil à son père dimanche. Elle participera à Mantes-la-Ville (Yvelines) à une "fête du drapeau", qui rappelle les fêtes BBR (bleu-blanc-rouge) organisées de 1981 à 2006.

Ce sujet "marqueur" du parti, "rapporte beaucoup plus que de s'enferrer dans des querelles d'experts sur le moment où il va falloir sortir de l'euro", question que Marine Le Pen n'a pas abordée et qui divise ses électeurs, note M. Camus.

La finaliste de la présidentielle 2017 avait fait campagne pour une sortie immédiate de la France de l'UE, avant de considérer que ce n'était plus une priorité.

- Brexit -

"Quand le parti va mal, il y a souvent une offensive sémantique pour rediriger ses électeurs vers les fondamentaux", relève l'historienne Valérie Igounet. Le RN, déjà très endetté, fait l'objet de plusieurs enquêtes dont l'une a conduit à la saisie d'une aide publique de 2 millions d'euros.

"Ayant enfin compris que la ligne de souverainisme intégral lui avait tué ses seconds tours de 2015 (élections régionales) à 2017, elle fait un retour pur identitaire-immigration", explique l'historien Nicolas Lebourg.

L'eurodéputé Nicolas Bay, cité pour conduire la liste du RN aux européennes, a admis sur RFI que la question de la "viabilité" de l'euro se posait, mais "à long terme".

"C'est compliqué pour le RN de dire que c'est facile de sortir de l'UE alors que le Brexit n'est pas véritablement un succès", souligne M. Camus. Sachant qu'en outre ses alliés en Europe ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde. Le FPÖ autrichien n'a jamais souhaité sortir de l'Union.

L'immigration permet aussi au RN d'être en phase avec ses alliés au pouvoir en Europe. Mais dans l'isoloir, l'électeur "ne s'intéressera pas à Matteo Salvini (patron de l'extrême droite italienne et ministre de l'Intérieur, NDLR). Il votera sur des considérations plus générales", estime M. Camus.

- "Substitution" -

La dirigeante du RN n'a pas expliqué à Fréjus comment elle allait passer de l'UE, "dictature populicide" qu'elle compare à l'URSS, à "l'Union des nations européennes" qu'elle appelle de ses vœux.

Or "pour faire une autre Europe, il faut déjà détricoter celle qui existe", souligne M. Camus.

Marine Le Pen "ne va pas au bout" non plus de ce qu'elle appelle "l'autre" ou la "vraie" Europe. "Vive l'Europe, la vraie", a-t-elle conclu, sans dire si elle faisait référence à une Europe "chrétienne ou à l'Europe pluri-millénaire ancrée dans la civilisation indo-européenne", note-t-il.

Mais quand la dirigeante du RN évoque un peuple qui "organise volontairement la submersion irréversible de son territoire", qui "planifie la remise en cause de sa culture" et "la disparition de son identité", Valérie Igounet y voit un écho à la thèse controversée du "grand remplacement".

Sur son compte Twitter, Mme Le Pen évoque une immigration qui fera disparaître "par dilution ou substitution" culture et mode de vie, des mots que la cheffe du RN n'a pas prononcés sur scène.

Marine Le Pen a toujours rejeté la thèse du grand remplacement pour son "complotisme". Pourtant "les mots de substitution, d'un pays qu'on ne reconnaît plus, qui est envahi, s'inscrivent dans cette thèse. Sans avoir besoin de la nommer", selon Mme Igounet, co-auteur d'une note sur ce concept à paraître pour la Fondation Jean Jaurès.

Partager cet article

Dans la même thématique

General policy speech by Prime Minister at Senate
10min

Politique

Budget : comment le Sénat va réduire l’effort demandé aux collectivités de 4,6 à 2 milliards d’euros

La majorité sénatoriale veut revenir sur l’effort demandé par le gouvernement aux collectivités. Le premier ministre a déjà fait des gestes devant les régions et les départements. « Un premier pas », reconnaît le sénateur LR Stéphane Sautarel, mais insuffisant. Pour compenser l’allègement de l’effort sur les collectivités, la majorité sénatoriale entend renforcer les économies sur d’autres ministères, notamment sur la « jeunesse, la recherche ou la culture ».

Le

7min

Politique

Insécurité dans les territoires d’Outre-mer : « Nous, les maires, nous sommes en première ligne pour lutter, mais on n’a pas de moyens pour le faire »

A la veille de l’ouverture du 107e congrès des maires à Paris, des élus des Outre-mer se sont retrouvés à Issy-les-Moulineaux ce lundi 17 novembre. Alors qu’ils font face à une criminalité et une délinquance grandissantes, dans des territoires en proie au narcotrafic, les maires, aux côtés de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, ont plaidé pour un « choc régalien ».

Le

Paris : session of questions to the government at the French National Assembly
6min

Politique

Budget 2026 : quels scénarios dans un calendrier de plus en plus contraint ?

Avec encore plus de 1 500 amendements restant à examiner en une semaine à l’Assemblée sur la partie recettes du projet de loi de finances, le calendrier budgétaire est de plus en plus contraint. Dans une assemblée divisée et avec le renoncement du gouvernement de recourir au 49.3, la possibilité d’une adoption des deux lois de finances avant le 31 décembre 2025 relève presque de la politique-fiction.

Le

Paris: Salon europeen de l Education
4min

Politique

Budget 2026 : Un rapport du Sénat dénonce « un coup dur porté à la jeunesse », avec une réduction de l’enveloppe dédiée au service civique

Comme en 2025, la mission sport, jeunesse et vie associative subie une sérieuse coupe dans le budget. Le service civique voit son enveloppe budgétaire réduite de 20 %, soit 114,4 millions d’euros par rapport à l’année dernière. « Se priver d’un dispositif qui fonctionne au moment où on a besoin de faire du lien social, c’est incompréhensible », regrette le rapporteur des crédits, Éric Jeansannetas (PS).

Le