Paris: Macron visiting the 59th edition of the International Agriculture Fair

Le Salon de l’agriculture, du « Casse-toi, pauv’ con » à l’œuf jeté sur Macron, une terre fertile en prises de bec

Temps fort de la vie politique, le Salon international de l’agriculture est aussi un terrain favorable aux accrochages, avec des élus et responsables politiques à portée d’engueulade. Le tout sous l’objectif des caméras. Dans un contexte de remobilisation du monde agricole, la 60e édition du « SIA » s’annonce sous haute tension. Retour sur les incidents et autres bousculades qui ont marqué ses allées ces dernières années.
Romain David

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N’est pas Jacques Chirac qui veut. Si la mémoire de l’ancien président est souvent associée au Salon de l’Agriculture, dont il était devenu, au fil de ses visites, l’une des coqueluches de par sa bonhomie et son sens du contact, la traditionnelle déambulation dans les allées de la plus grande ferme de France a laissé des souvenirs moins amènes à d’autres responsables politiques. Sifflets, algarades, insultes… cet exercice de communication politique, incontournable en période de campagne électorale, peut rapidement tourner au cauchemar et laisser dans la mémoire collective des images délétères. À ce titre, l’édition 2024 qui s’ouvre ce samedi, en pleine grogne du monde rural, sera scrutée de très près par les commentateurs.

L’Elysée pensait sans doute limiter le risque de dérapage en proposant un « grand débat » au cœur du salon entre Emmanuel Macron et les agriculteurs, leurs représentants, des distributeurs, des industriels mais aussi des défenseurs de l’environnement et de la cause animale, un exercice dans lequel excelle le chef de l’Etat. Mais cette initiative menace désormais de tourner au fiasco alors que la FNSEA, premier syndicat agricole, a fait savoir qu’elle ne participerait pas aux échanges, ulcérée de l’invitation qui a été faite – puis retirée – aux « Soulèvements de la terre », un collectif écologiste que le gouvernement a tenté de dissoudre à l’automne dernier. Force est de constater que tous les ingrédients d’une visite sous tension semblent désormais réunis.

2023, Emmanuel Macron pris à partie sur son bilan écologique

Le chef de l’Etat a déjà connu des moments particulièrement houleux au Salon de l’agriculture. En 2017, en pleine campagne présidentielle, il avait été ciblé par un jet d’œuf, reçu en pleine tête. Le marcheur avait alors minimisé : « Cela fait partie du folklore ». L’année dernière, il a été vivement interpellé par un activiste écologiste du collectif « Dernière rénovation », flanqué d’un T-shirt sur lequel on pouvait lire : « À quoi tu sers ? ». Le jeune homme lui avait reproché le manque d’action du gouvernement face au changement climatique : « On ne peut plus demander gentiment, ce sont nos vies qui sont en jeu ! »

« Vous êtes la démonstration d’une forme de violence civique », avait estimé Emmanuel Macron, avant de lui lancer : « Je suis élu par le peuple français, vous êtes élus par qui ? ». « C’est pas un débat ! », avait répondu le militant. « Et ben alors, partez ! Partez si c’est pas un débat ! », finira par lâcher le président de la République, visiblement agacé de se voir sans cesse couper la parole.

2008, le « Casse-toi, pauv’ con » de Nicolas Sarkozy

Une petite phrase qui n’est pas sans rappeler celle, malheureuse, prononcée par Nicolas Sarkozy quinze ans plus tôt, en des termes moins châtiés. Nous sommes le 23 février 2008, moins d’un an après son arrivée au pouvoir. Le chef de l’Etat multiplie les poignées de mains au milieu de la cohue du Salon. Un passant refuse de lui tendre la sienne : « Ah non ! Touche-moi pas, tu me salis ». Réplique de Nicolas Sarkozy : « Casse-toi alors, pauv’ con va ! » La séquence, capturée par des journalistes du collectif Youpress, embrase Internet et fait le tour des médias où elle est largement analysée comme un moment inédit de désacralisation de la parole présidentielle.

Les annonces faites le jour même par le président sur la politique agricole sont littéralement balayées par la polémique. Les oppositions dénoncent le manque de sang-froid du chef de l’Etat, à une période où la nouvelle présidence est critiquée pour ce qui a été parfois qualifié de « style bling-bling ».

Quelques jours plus tard, à l’occasion d’un entretien avec les lecteurs du Parisien, Nicolas Sarkozy s’explique : « Il est difficile même quand on est Président de ne pas répondre à une insulte. J’ai sans doute les défauts de mes qualités. Ce n’est pas parce qu’on est le Président qu’on devient quelqu’un sur lequel on peut s’essuyer les pieds. » Mais la polémique rebondit lorsque la direction du quotidien révèle que la phrase « Cela étant, j’aurais mieux fait de ne pas lui répondre », qui figure aussi dans cet entretien, n’a en fait jamais été prononcée, mais ajouté par l’Elysée a posteriori, au moment de la relecture, comme il est généralement d’usage pour les interviews présidentielles.

Douché par cet épisode, Nicolas Sarkozy se contente d’une visite éclair d’1h30 en 2009, et boude carrément l’évènement l’année suivante. En parallèle, le « Casse-toi, pauv’ con ! » est rapidement devenu un slogan pour les oppositions, que l’on a souvent vu refleurir au cours des manifestations qui ont émaillé le quinquennat, sur des banderoles ou des pancartes. Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon ira même jusqu’à en faire des autocollants. En 2016 sur TF1, Nicolas Sarkozy revient sur cette séquence et reconnaît avoir « abaissé la fonction présidentielle ». Un mea culpa qu’il reformulera à nouveau en 2020, dans le premier tome de ses mémoires.

2016, des militants de la FNSEA saccagent le stand du ministère de l’Agriculture

La visite de François Hollande en 2016, restera comme l’une des plus orageuses de l’histoire du Salon. Le contexte social est particulièrement tendu : le secteur de l’élevage et le secteur laitier sont minés par les pertes de revenus, les agriculteurs dénoncent déjà le déséquilibre des négociations commerciales et la surtransposition des directives européennes. Le président de la République est copieusement hué pendant sa déambulation. Au milieu du brouhaha, les insultes fusent à plusieurs reprises.

« On est désolé de vous le dire, mais pourquoi vous nous laissez tomber comme ça ? », lui lance, dépité, un éleveur. « On ne vous laisse pas tomber, sinon on ne serait pas là. La colère je l’entends, je la comprends », tente François Hollande, venu sans annonces cette année-là.

Au micro des journalistes, le président reconnaît « les cris de douleur et de souffrance » de la profession. La situation finit par dégénérer lorsque, à une centaine de mètres du cortège présidentiel, des manifestants de la FNSEA dévastent le stand du ministère de l’Agriculture, obligeant les forces de l’ordre à intervenir. Deux hommes sont interpellés.

L’épisode prélude à l’annus horribilis qui attend François Hollande. Il trahit le désamour qui s’est installé entre le chef de l’Etat et une large partie des Français, avec une côte de satisfaction passée sous la barre des 10 % et un niveau d’insatisfaction qui frise les 70 %. Neuf mois plus tard, le président annonce renoncer à briguer un second mandat, une première dans l’histoire de la Cinquième République. L’année suivante, pour son ultime visite au Salon de l’Agriculture en tant que président de la République, François Hollande, libéré de l’enjeu électoral, s’offre une déambulation de 9 heures, dans une atmosphère bien plus sereine… « indifférente », commentent certains sujets de JT.

2017, pour François Fillon, le jour le plus long

Le cru 2017 est davantage marqué par la visite de François Fillon et l’irruption des affaires dans la campagne présidentielle. Depuis plusieurs semaines, le candidat que s’est choisi la droite est englué dans une affaire de soupçon d’emplois fictifs concernant son épouse, après un article paru dans Le Canard enchaîné. Au petit matin du 1er mars, alors qu’il est attendu dans les allées du « SIA », François Fillon annule sa visite au dernier moment. Stupeur parmi ses lieutenants de campagne qui apprennent, pour la plupart, la nouvelle en même temps que les journalistes et doivent tenter de justifier l’absence de leur champion devant une forêt de micros et de caméras.

L’ancien Premier ministre vient d’apprendre qu’il s’apprête à être convoqué en vue d’une mise en examen par le Parquet national financier. Un point de bascule dans sa campagne et le début d’une longue descente aux enfers. Au QG de campagne, à seulement quelques mètres du Salon de l’Agriculture, une conférence de presse s’improvise : le candidat confirme son intention d’aller jusqu’au bout et dénonce un « assassinat politique ».

Finalement, peu avant 15 heures, François Fillon fait son arrivée porte de Versailles dans une ambiance survoltée. Il ne manque pas d’être sifflé, les noms d’oiseaux volent : « Fillon en prison ! », « Rentre chez toi, bandit ! » ou encore « Fillon voleur ! ». Dans le même temps, le parti a fait chauffer les chaînes de SMS et les boucles WhatsApp : une dizaine de jeunes militants LR est dépêchée en urgence pour sauver le soldat Fillon, et donner le change aux cris de « Fillon président ! ». Un peu plus loin, Emmanuel Macron et son équipe se refusent à tout commentaire.

En quelques heures, la stratégie com’ sur laquelle le candidat Fillon va s’appuyer pour tenter de traverser la tempête a été posée : dénoncer un prétendu complot politique et miser sur l’appareil militant pour donner le sentiment d’un plébiscite populaire. Mais un peu moins de deux mois plus tard, le candidat échoue à se qualifier pour le second tour.

Dans un contexte de fronde du monde paysan, et alors que les tracteurs ont fait leur retour dans la capitale, à quoi Emmanuel Macron doit-il s’attendre pour cette 60e édition ? « Le salon a toujours été un moment de revendications », commentait-on en milieu de semaine du côté de l’Elysée, où l’on rappelle volontiers les sujets de griefs des éditions précédentes : les états généraux de l’alimentation en 2018, la polémique sur les zones de non-traitement (ZNT) en 2020, les inquiétudes autour du conflit ukrainien en 2022, la réforme des retraites l’année dernière… « Il n’y a pas de raisons que cette année soit différente », admettait, presque résigné, le conseiller cité plus haut. Selon une information de BFMTV, les services de renseignement anticipent désormais « plusieurs actions » de contestation.

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