Recours accru aux contractuels, rupture conventionnelle, nouveau cadre de dialogue social: le Sénat à majorité de droite a entamé mardi soir, après l'Assemblée nationale, l'examen en première lecture du projet de "transformation de la fonction publique", qui doit donner au secteur "une nouvelle souplesse".
Les débats sur ce texte qui concerne 5,5 millions d'agents se poursuivront au moins jusqu'au milieu de la semaine prochaine.
Le projet de loi défendu par le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt prévoit notamment un recours accru aux contractuels, mais aussi des mobilités facilitées, un dispositif de rupture conventionnelle, un "contrat de projet" sur le modèle du privé ou encore un dialogue social "simplifié" avec une refonte des instances.
"Nous avons voulu donner à l'ensemble des agents publics, comme à leurs employeurs, les moyens de s'adapter aux exigences contemporaines auxquelles sont aujourd'hui confrontées nos administrations", a déclaré M. Dussopt.
Pour la co-rapporteure du texte Catherine Di Folco (LR), malgré un "intitulé ambitieux", il ne s'agit pas tant d'"une transformation" que d'"une série de modifications souvent techniques pour une fonction publique plus agile".
"A défaut de révolution, ce texte comprend de nombreuses dispositions qui vont dans le bon sens", a fait écho le second co-rapporteur, Loïc Hervé (centriste).
Avant d'entamer la discussion générale puis de passer à l'examen des articles, le Sénat a rejeté, à main levée, une motion du groupe CRCE, à majorité communiste, tendant au rejet en bloc du texte. Ce groupe considère que le projet "porte en lui les germes de la disparition du statut de la fonction publique".
Pour Jérôme Durain (PS), derrière la grande technicité de ce texte, "il y a quand même une transformation majeure de la fonction publique", "quelque chose de l'ordre du détricotage qui peut être inquiétant".
- "Droit à la mobilité" -
Quelque 500 amendements seront discutés en séance publique. En commission les sénateurs en ont déjà adopté 154, s'attachant en particulier à étoffer les mesures concernant la fonction publique territoriale.
Ils ont élargi le recours aux agents contractuels dans la territoriale en ouvrant la possibilité d'y recourir pour "tous les emplois, quelle que soit la catégorie dont ils relèvent". Ils ont relevé de 1.000 à 2.000 habitants la population maximale des communes habilitées à pourvoir l’ensemble de leurs emplois par voie de contrat et ont étendu les cas où un employeur territorial peut recourir à un agent contractuel pour remplacer temporairement un fonctionnaire indisponible.
Concernant la fin des régimes dérogatoires aux 35 heures effectivement travaillées, les rapporteurs ont souhaité "donner aux employeurs publics territoriaux le temps nécessaire pour organiser la concertation avec les représentants du personnel", différant de 12 à 18 mois le délai prévu.
Les sénateurs ont en outre étendu à tout type d’emploi le recours au "contrat de projet", créé par le texte pour des "missions spécifiques". Les députés avaient exclu du dispositif les catégories C, les moins bien payées.
La commission a enfin "strictement encadré" l'habilitation à légiférer par ordonnances pour réformer la haute fonction publique, qui doit constituer le fondement de la mission confiée par Emmanuel Macron à Frédéric Thiriez.
Le projet de loi dote la fonction publique d'une instance unique de dialogue social: le comité social d'administration (CSA), issu de la fusion des actuels comités techniques (CT) et d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Autre mesure phare, l'introduction d'un mécanisme expérimental de rupture conventionnelle inspiré du privé est présenté par le gouvernement comme "un droit nouveau", "un droit à la mobilité".
Le projet de loi comporte également un volet sur le "pantouflage" (départ de fonctionnaires dans le privé), que le PS souhaite "durcir". "Les dispositions du texte ne sont pas à la hauteur de ce qui est attendu par l'opinion publique", estime M. Durain.