Le Sénat accepte les transferts de routes nationales aux départements mais pas pour les régions
Les sénateurs ont adopté l’article du projet de loi 3DS (décentralisation, différenciation et déconcentration) qui permettra à l’Etat de transférer des routes du réseau national aux départements volontaires. Mais coup de théâtre, l’hémicycle a retiré l’article qui prévoyait la même chose pour les régions, à titre expérimental.
Nouveau coup de volant du Sénat sur le projet de réforme territoriale 3DS (décentralisation, différenciation, déconcentration et simplification). Dans la nuit du 8 au 9 juillet, les sénateurs se sont opposés en séance au transfert, à titre expérimental, de routes du réseau national aux régions. L’article 7 du projet de loi avait pourtant été conservé lors de l’examen en commission, une semaine auparavant, malgré des réserves. La durée totale de l’expérimentation avait même été allongée, de 5 à 8 années. Le Sénat a, revanche, donné son feu vert à l’article permettant de transférer des routes nationales aux départements et métropoles volontaires.
L’article, qui prévoyait de confier à titre expérimental la compétence d’aménagement et de gestion de routes nationales et autoroutes non concédées aux régions volontaires, n’a donc pas résisté à la lecture du Sénat, première assemblée parlementaire saisie sur le projet de loi. Plusieurs amendements de suppression ont été adoptés. Ils étaient portés par le groupe socialiste, le groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste), le groupe RDSE (Rassemblement démocratique social et européen, groupe à majorité radicale), mais aussi par certains sénateurs centristes.
« Les régions n’ont pas les compétences pour ce transfert » : une expérimentation jugée « déraisonnable » à droite et à gauche
« Cette expérimentation est déraisonnable. On va créer un service des routes dans les régions, alors qu’il en existe déjà au niveau de l’État et dans les départements », s’est opposé le sénateur PS Didier Marie. « Leur transférer cette compétence serait une erreur. On ajoute une couche administrative et on perd en proximité. Et les routes susceptibles d’être transférées n’étant pas en bon état, ce n’est pas un cadeau », a ajouté la sénatrice RDSE Maryse Carrère. Au sein du groupe LR, aucun amendement de suppression n’avait été déposé, mais le même scepticisme régnait. « C’est déraisonnable. Les régions n’ont pas les compétences pour ce transfert. Je suis catastrophé », s’est exclamé le sénateur LR André Reichardt.
Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, n’a pas su convaincre une majorité de sénateurs, lorsqu’elle a rappelé que ce transfert se ferait uniquement « sur la base du volontariat ». Elle a annoncé que le gouvernement demanderait une « nouvelle délibération » sur l’article. Déjà lors des débats en commission, les sénateurs avaient souligné qu’une « majorité de régions » n’avaient pas réclamé un transfert des routes nationales.
Les sénateurs ont obtenu la carte des routes susceptibles de faire l’objet d’un transfert
Le Sénat a en revanche donné son accord au transfert de routes nationales et autoroutes (non concédées à des sociétés) aux départements et métropoles. Une façon pour les collectivités concernées de pouvoir garder une cohérence sur leur réseau routier, en récupérant certaines portions qui leur échappent. En commission, l’article avait été réécrit afin que les collectivités volontaires « puissent se prononcer en connaissance de cause ». Les sénateurs avaient renforcé la liste des informations à leur communiquer, allonger le délai de la procédure et approfondi la phase de concertation. « Nous serons vigilants quant aux conditions de ce transfert », a prévenu le sénateur LR Mathieu Darnaud, l’un des rapporteurs du texte.
L’une des demandes insistantes des sénateurs a également fini par payer. Ils avaient déploré ces derniers jours l’absence de la liste des routes susceptibles d’être transférées. Le décret fixant la liste des routes transférables ne sera pris que dans les deux mois suivant la promulgation de la loi. La ministre a souligné que les dernières données relatives aux caractéristiques des routes étaient disponibles sur le site internet data.gouv.fr. « Chacun peut en prendre connaissance. » La commission des lois du Sénat a refusé tout transfert en priorité en cas de concurrence d’un département et d’une métropole. « Le préfet décidera à qui le réseau échoit », a indiqué Mathieu Darnaud. Selon l’étude d’impact du projet de loi, ce sont « entre 1 000 et 4 000 kms de voies » qui sont susceptibles d’être transférés, soit 10 à 15 % du domaine routier public non concédé.
En commission, les sénateurs ont également donné la possibilité aux collectivités territoriales et groupements propriétaires d’autoroutes ou de portions d’autoroutes la possibilité de déclasser leur statut autoroutier de ces voies, après avis conforme du préfet. Le gouvernement s’est opposé à cette possibilité et a tenté de supprimer cette modification. « La décision de déclasser une voie de son statut autoroutier doit revenir à l’Etat, après avis de la collectivité propriétaire », a-t-il soutenu.
Moins d’un an après le précédent projet de loi, le gouvernement va porter un nouveau texte sur l’immigration. L’idée est de reprendre « les articles censurés par le Conseil constitutionnel », selon l’entourage du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Mais chez les députés Renaissance, on prédit un groupe coupé en deux sur le sujet. « On sait qu’aucun texte ne passera sans l’accord du RN », pointe le sénateur écologiste Guy Benarroche.
Le gouvernement a annoncé l’examen d’un nouveau texte sur l’immigration dès le début de l’année 2025. Il y a à peine un an, la droite sénatoriale menée par Bruno Retailleau avait vu ses amendements au précédent texte largement censurés par le Conseil constitutionnel au motif de cavaliers législatifs. Ces dispositions pourraient réapparaître.
Invité de la matinale de Public Sénat, le député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy a expliqué la position de son groupe sur la proposition du gouvernement de présenter un nouveau texte sur l’immigration au début de l’année 2025. Le député de la commission des finances a également détaillé la position de son groupe sur le vote du budget, sans évoquer précisément les amendements que son groupe défendra.
Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».