Après avoir introduit une nouvelle expérimentation dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 (PLFSS), pour lutter contre les fraudes sociales, le Sénat a adopté ce 12 novembre un nouvel amendement. Cette fois, afin de garantir aux personnes qui sont éligibles à certains droits sociaux de pouvoir effectivement en bénéficier chaque fois. La chambre haute, à majorité LR et centriste, a voté en faveur de l’amendement déposé par Rachid Temal et cosigné par ses collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, contre l'avis du gouvernement. Selon l’objet de cette modification au projet de loi, « le fait de demander l’accès à un dispositif déclenchera automatiquement l’examen d’éligibilité aux autres et permettra d’améliorer concrètement la prise en charge des bénéficiaires ».
Le sénateur Bernard Jomier, qui a défendu l’amendement au nom de son groupe, a indiqué que cette mesure était « d’autant plus importante en ces temps de crise ». Méconnaissance des aides existantes, difficultés matérielles, complexité ou sentiment parfois de honte : les raisons qui expliquent le non-recours aux aides sociales sont nombreuses. Concernant les aides à la famille, une étude de 2018 indique qu'entre 7,5 % et 8,2 % des allocataires potentiels ne recourent pas à leurs droits. Citant des chiffres de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), Bernard Jomier a indiqué que le taux de recours était même parfois « extrêmement élevé » dans la santé. Ainsi, selon des estimations de cette direction du ministère, un tiers des personnes qui pourraient prétendre à la CMU (Couverture Maladie Universelle) n’en bénéficient pas. Le taux grimperait à plus de 53 % pour le non-recours à l’aide à la complémentaire santé.
La proposition des socialistes n’a pas reçu d’avis négatif de la part du rapporteur général de la commission des affaires sociales, le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe (MoDem), qui a souligné que cette demande paraissait « intéressante ».
« Le rôle du Parlement est de dire : il faut que le droit soit respecté, quoiqu’il en coûte »
Si le secrétaire d'État en charge de l'Enfance et des Familles, Adrien Taquet, a fait savoir qu’il « partageait pleinement » l’objectif poursuivi, il s’est prononcé défavorablement sur l’amendement de Rachid Temal. Selon lui, il se heurterait à « un certain nombre d’impossibilités matérielles », certains organismes n’ayant pas accès à toutes les données concernant la situation particulière de chaque personne. La démarche « systématique » recherchée par l’amendement pourrait même être contrariée par des « effets de bords contreproductifs », comme l’allongement des demandes d’examen, a-t-il redouté.
Le ministre a recommandé d’en rester à la version de l’article 40 bis, introduit à l’Assemblée nationale, qui « étend les missions des organismes de Sécurité sociale à la lutte contre le non-recours ». Adrien Taquet a expliqué que ces recherches seraient automatiques, grâce à des techniques d’analyses de données (data mining) afin d’informer les personnes de leurs droits éventuels et que ces dernières puissent en faire la demande.
Le groupe socialiste a cependant indiqué que l’article introduit par les députés se donnait trois ans pour mettre en œuvre cette disposition à compter de la promulgation de la loi. Bernard Jomier a répliqué que la solution du gouvernement n’était donc pas plus satisfaisante que l’amendement Temal. « C’est un outil supplémentaire », a renchéri sa collègue Corinne Féret. Le groupe de gauche a même reçu le soutien du sénateur Les Républicains Alain Milon, ancien président de la commission des affaires sociales, qui a qualifié l’amendement de « juste », « généreux », et respectant le droit existant. « Ce n’est pas le rôle du Parlement de dire qu’on n’a pas les moyens de mettre ça en place alors que le droit existe. Le rôle du Parlement est de dire : il faut que le droit soit respecté, quoiqu’il en coûte. »