Le grand public n’en a jamais entendu parler. Les élus locaux, et les sénateurs, l’ont pour leur part bien en tête… et dans leur viseur. Il s’agit du Dilico. Derrière cet acronyme obscur, se cache en réalité une taxation sur les collectivités.
Supporté jusqu’ici essentiellement par les communes, le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales, ou Dilico, est en vigueur depuis cette année 2025. Il s’agit d’un dispositif qui vise à faire participer les collectivités à l’effort de réduction du déficit. C’est le fruit d’un compromis, conclu l’an dernier entre le gouvernement et la majorité sénatoriale de droite et du centre, dont le Dilico est la trouvaille, afin de remplacer le dispositif prévu alors par le gouvernement, plus dur pour les collectivités.
Le Dilico 1 ne devait durer qu’un an
Si le gouvernement avait assuré que le système ne durerait qu’un an et avait fixé la contribution à 1 milliard d’euros, la mesure est en réalité revenue illico, sous forme de Dilico 2. Le gouvernement prévoit au passage de doubler la ponction, pour atteindre 2 milliards d’euros, répartis entre les communes (720 millions), les intercommunalités (500 millions), les régions (500 millions) et les départements (280 millions), tout en changeant les règles d’application : remboursement sur 5 ans au lieu de 3 ans et possibilité… de ne pas rembourser.
Le Dilico première version « était un système d’épargne forcée, qui permet de baisser les recettes de façon à limiter le niveau de dépenses des collectivités », a rappelé le rapporteur de la commission des finances sur les collectivités, le sénateur LR du Cantal, Stéphane Sautarel. « En contrepartie, les contributeurs retrouvent sur 3 ans la contribution qu’ils ont apportée », avec 10 % en moins, une « obligation constitutionnelle en termes de péréquation », précise le sénateur LR.
Les sénateurs excluent les communes du dispositif
Pour la majorité sénatoriale, la mouture du Dilico 2, telle que proposée par le gouvernement n’est pas acceptable. Les sénateurs de droite et du centre ont donc adopté un amendement du rapporteur qui prévoit de « limiter à 890 millions d’euros » l’effort demandé aux collectivités, un niveau qui participe à l’objectif global de la majorité, « fixé par le président Larcher », de limiter l’effort demandé aux collectivités à 2 milliards d’euros en 2026, contre 4,6 milliards voulus à l’origine par le gouvernement.
L’amendement Sautarel prévoit aussi de revenir à une durée de 3 ans pour le remboursement, de diviser par deux l’effort demandé aux départements, avec « seul une vingtaine d’entre eux qui sont contributeurs », et même d’exclure les communes du dispositif, alors qu’elles étaient le principal contributeur cette année et dans la version du gouvernement. Outre le poids du Dilico sur ces dernières, il convient aussi, à neuf mois des élections sénatoriales, d’être au chevet des élus locaux.
Stéphane Sautarel a au final défendu un « compromis indispensable pour tenir la ligne claire du Sénat », « un compromis qui permettrait à notre copie d’être crédible ». Mais aussi d’éviter un retour à la version initiale du texte, en cas de rejet de son amendement, a mis en garde l’élu d’Auvergne.
La ministre Françoise Gatel favorable à certains points du compromis proposé par le Sénat
Si la ministre Françoise Gatel a émis un avis défavorable sur l’amendement, en raison du montant de l’effort – « nous ne sommes pas, à ce stade de notre discussion, totalement en phase » – et de ses « interrogations », sur « le risque juridique » d’exclure les communes, la ministre a cependant annoncé l’accord du gouvernement sur l’idée de ramener à 3 ans la durée de remboursement et sur la suppression des clauses de restitution.
Mais si l’amendement a été adopté par 195 voix contre 128 via scrutin public, avec 124 voix pour chez LR (et 4 contre) et 40 pour au groupe Union centriste, mais quand même 18 abstentions et 1 contre, la question du Dilico a fait l’objet de longs débats, où ses opposants, nombreux à gauche, mais aussi à droite et au centre, se sont succédé au micro.
Plusieurs amendements de suppression avaient été déposés pour supprimer le Dilico, dans sa version actuelle comme nouvelle. Mais en appelant à voter en priorité sur l’amendement du rapporteur, la commission a pu les faire tomber. Autrement dit, ils n’ont pu être ni défendus, ni faire l’objet d’un vote.
« Arbitraire », « fuite en avant », « résurgence des contrats de Cahors », « pyramide de Ponzi »
Ce qui n’a pas empêché les opposants à la mesure de dire tout le mal qu’ils pensent du Dilico. « C’est l’arbitraire », lance ainsi la socialiste Karine Daniel, qui dénonce « une fuite en avant ». L’écologiste Guy Benarroche y a vu une « résurgence des contrats de Cahors », honnis par les élus locaux. Pour le sénateur, c’est « une nouvelle atteinte à la libre administration, à l’autonomie financière des collectivités ».
« La majorité sénatoriale est celle qui a créé le Dilico 1 », a quant à elle rappelé la sénatrice PCF Michelle Gréaume. « C’est une forme de pyramide de Ponzi qui réussit l’exploit de faire perdre de l’argent au prêteur forcé », a renchéri le sénateur PS Simon Uzenat. Il ajoute : « C’est une infantilisation des élus locaux, une brutalisation ».
Son collègue PS, Thierry Cozic, s’est « tourné vers la droite sénatoriale, qui se fait le chantre des collectivités », mais « non, vous n’êtes pas les défenseurs des collectivités », les a tancés le socialiste. « Je ne pense pas que vous aurez la paix chez les maires, en excluant les communes », a ajouté son collègue du groupe PS, Jean-Marc Vayssouze-Faure, alors que les intercommunalités sont concernées elles aussi.
« Le Dilico 1 était une erreur de méthode. Le Dilico 2 est tout simplement inacceptable »
« Le Dilico est inexplicable auprès de nos collègues maires », a pointé de son côté le sénateur centriste Loïc Hervé, qui a voté contre l’amendement. Son collègue centriste, Daniel Fargeot, a regretté un « prélèvement arbitraire, injuste et dangereux pour les services publics locaux », qui « asphyxie le budget des collectivités ».
« Le Dilico 1 était une erreur de méthode. Le Dilico 2 est tout simplement inacceptable », lance le sénateur du Val-d’Oise, tout en annonçant que le groupe Union centriste votera la version du rapporteur. « Ça reste une atteinte grave à l’autonomie financière des collectivités locales », ajoute la sénatrice LR des Hauts-de-Seine, Marie-Do Aeschlimann, qui salue cependant « l’effort du rapporteur ».
« Un système qui montre à nos concitoyens que les collectivités ne sont pas en dehors de l’effort »
« C’est un système qui montre à nos concitoyens que les collectivités ne sont pas en dehors de l’effort », a tenté de convaincre le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur LR, Jean-François Husson. « Faut voir d’où l’on vient. Le Dilico 1 […] a adouci la pilule et était censé ne durer qu’un an. Et le gouvernement l’a reprise dans une version Frankenstein, une version qui tirait sur toutes les collectivités », est venu appuyer Olivier Paccaud, sénateur LR de l’Oise, qui estime que le « Dilico 2 est un moindre mal », dans sa version sénatoriale. Reste à voir maintenant comment le dispositif pourrait atterrir en commission mixte paritaire, si celle-ci était d’aventure conclusive.