Dans une tribune publiée dans Le Monde vendredi dernier, une vingtaine de plateformes soutenaient l’appel lancé par les deux fondateurs du blog Droit de partage, spécialisé dans l’économie numérique et collaborative. Ceux-ci réclamaient des « clarifications » sur la fiscalité applicable aux utilisateurs de ces plateformes. Ils regrettaient de « nouvelles lois et décrets qui manquent de cohérence et n’abordent pas les problématiques essentielles faute de vision d’ensemble » et appelaient au « réalisme » ainsi qu’à « des règles simples, stables et intelligibles ».
Des attentes qui semblent coïncider avec les objectifs que s’est fixé le groupe de travail de la commission des finances du Sénat puisque sa proposition de loi relative à l’adaptation de la fiscalité à l’économie collaborative prévoit de « simplifier » le système existant. « On ne veut pas ralentir le développement de l’économie collaborative », assure Albéric de Montgolfier, rapporteur général. Le sénateur d’Eure-et-Loir précise les deux lignes directrices qui ont été celles du groupe de travail : « laisser vivre les échanges entre particuliers lorsque ceux-ci sont occasionnels » et « garantir l’équité de traitement fiscal entre professionnels dès que ces échanges sont récurrents ».
Un « seuil unique de 3000 euros »
« Le but n’est pas de créer une fiscalité nouvelle, tient à préciser le rapporteur général de la loi. Il n’y a pas de trou dans la législation fiscale actuelle, tous les revenus sont normalement taxés. » La solution trouvée a donc été d’établir un « seuil unique de 3000 euros », en dessous duquel les revenus des utilisateurs de plateformes collaboratives ne seront pas taxés. « Cela représente 80% des transactions », certifie Michel Bouvard, sénateur de la Savoie.
Au-delà de 3000 euros, les revenus seront imposés, « mais il y aura des abattements pour annuler les effets de seuil », précise Albéric de Montgolfier. Pour évaluer sa situation, il suffit de se rendre sur le logiciel de simulation en ligne, accessible sur le site internet du Sénat. « On a innové cette fois-ci », se félicite le sénateur.
Petite précision mais pas des moindres : dans l’hypothèse où un utilisateur serait sur plusieurs plateformes en même temps - « un chauffeur de VTC qui est à la fois sur Chauffeur privé et Uber par exemple », illustre t-il -, ses revenus seront cumulés.
Pour justifier le choix de fixer un seuil, il explique que « c’est le seuil moyen de déterminer si une activité professionnelle est récurrente ». Et d’ajouter : « Se référer au nombre d’heures aurait été impossible. S’agissant du montant de ce seuil, le rapporteur général estime que cela représente « 250 euros par mois, soit un sixième d’un Smic », un montant « logique comme complément de revenu ».
Montgolfier : "Le seuil représente un sixième d'un Smic
« Déclaration automatique des revenus »
Deuxième proposition des sénateurs, « la déclaration automatique des revenus » pour « simplifier la vie des utilisateurs ». Leurs revenus seront ainsi automatiquement transmis à l’administration fiscale par la plateforme en ligne. « Cela ne va pas inciter les plateformes à être en dehors du territoire français », rassure Michel Bouvard, sénateur de la Savoie. Albéric de Montgolfier renchérit en affirmant que « c’est aussi leur intérêt qu’il y ait une clarification pour les utilisateurs en zone de non-droit ». Quant à la question de savoir si les utilisateurs ne seraient pas tentés de fournir une adresse à l’étranger, le sénateur de la Seine-Saint-Denis Philippe Dallier affirme : « Des gens qui cherchent à frauder il y en aura toujours. »
Montgolfier : "Il y a une transmission automatique"
Pour préparer cette proposition de loi, les membres du groupe de travail se sont inspirés des expériences à l’étranger, en Estonie particulièrement et ils ont rencontré une cinquantaine de plateformes numériques, ainsi que des professionnels de l’ « « économie classique », à l’image des hôteliers. A propos de ces derniers, Philippe Dallier garantit qu’ « ils trouvent notre démarche positive. Ils ne se sentent pas pénalisés par rapport à l’économie collaborative ». L’ambition de la proposition de loi étant d’ « assurer la neutralité fiscale entre l’économie fiscale et l’économie collaborative ». Quant aux plateformes, « elles veulent elles-mêmes rentrer dans une démarche citoyenne ». Et les particuliers ont eux aussi de quoi se réjouir si l’on s’en tient aux propos d’Albéric de Montgolfier : « Quand on est particulier on n’est pas forcément au fait de la législation fiscale, qui est très complexe. »
« On a effectué un travail complet, transversal et à hauteur de l’enjeu », conclut le sénateur. Pour preuve, il précise que la proposition de loi a été cosignée par tous les groupes, des Verts aux Républicains, en passant par le Parti socialiste… « Une première » ajoute t-il.