Le Sénat « dessine un chemin » pour la réintégration des soignants non-vaccinés suspendus

Le Sénat « dessine un chemin » pour la réintégration des soignants non-vaccinés suspendus

Le Sénat a adopté la proposition de Philippe Bas consistant à charger la Haute Autorité de Santé de décider du moment de la réintégration des personnels non-vaccinés suspendus. Un « message politique » vers le groupe LR de l’Assemblée pour la gauche, tandis que certains membres de la majorité sénatoriale ont tenté, en vain, de faire adopter une réintégration immédiate.
Louis Mollier-Sabet

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« C’est le festival des antivax au Sénat ce soir », a réagi Marie-Pierre de la Gontrie sur twitter à l’heure (tardive) des débats dans l’hémicycle à propos de la réintégration des personnels non-vaccinés suspendus. Il est vrai que les discussions autour de la disposition proposée par Philippe Bas, le rapporteur du projet de loi, ont été houleuses, au grand dam du principal intéressé : « Les amendements dont il est question portent sur une disposition qui ne prévoit pas la réintégration des personnels non-vaccinés. La plupart des interventions étaient soit contre, soit pour la réintégration, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. » Effectivement, dans le texte sorti des débats en commission des Lois, il était simplement prévu que la Haute Autorité de Santé décide quand la réintégration des soignants non-vaccinés pourrait se faire, sur la base d’une « situation sanitaire où les connaissances médicales et scientifiques ne justifieront plus » l’obligation vaccinale.

« Ce n’est qu’un message politique qui s’inscrit dans le nouvel équilibre de nos assemblées »

Une position simplement destinée à « dessiner le chemin » de la réintégration des soignants non-vaccinés, d’après Philippe Bas : « La suspension du contrat de travail est par définition temporaire. Que tous nos collègues qui pensent qu’on pourrait ne jamais réintégrer ces personnels le sachent bien : le droit exclut qu’ils restent suspendus définitivement. Il est donc bon d’organiser leur retour et de ne pas le laisser à la discrétion du gouvernement. Nous voulons simplement qu’une décision médicale s’impose à lui. » À gauche, on voit d’un mauvais œil cette mesure intégrée à l’examen du projet de loi sur décision « arbitraire » du rapporteur selon les mots de Jean-Pierre Sueur. Un diagnostic que partage son collègue apparenté socialiste Bernard Jomier : « Le rapporteur a choisi d’étendre le champ du projet de loi pour traiter cette question, mais ça n’apporte rien de plus sur le fond. Ce n’est qu’un message politique qui s’inscrit dans le nouvel équilibre de nos assemblées. Ce n’est pas une posture scientifique mais un choix politique. » Un reproche déjà avancé par Patrick Kanner au sujet de la réécriture par Philippe Bas de l’article 2 sur le « certificat sanitaire de voyage » : la majorité sénatoriale accorderait ses violons avec le groupe LR de l’Assemblée avant la commission mixte paritaire, alors que les députés LR ont notamment voté contre l’article 2 tel que proposé par le gouvernement.

Et, compromis oblige, la position du rapporteur et de la commission des Lois n’a pas non plus fait l’unanimité dans la majorité sénatoriale. Les sénateurs et sénatrices LR Alain Houpert, Sylviane Noël, Alain Joyandet, Sylvie Goy-Chavent, ou encore le sénateur centriste Loïc Hervé ont tous pris la parole pour argumenter en faveur d’une réintégration « immédiate » des soignants non-vaccinés, et une « abrogation immédiate » de l’obligation vaccinale, selon les mots de Sylviane Noël, sénatrice LR de Haute-Savoie, qui a déposé un amendement en ce sens. « Nous avons tous repris une vie normale, on est de nouveau dans une petite vague de cas, mais pas forcément des cas graves. Le covid tue environ 50 et 70 personnes par jour, le cancer entre 350 et 400. On peut considérer que l’on est rentré dans une phase endémique : si les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui, elles ne le seront jamais », a-t-elle ainsi expliqué. Une comparaison qui n’avait « pas tellement de sens » pour Philippe Bas, tandis qu’elle a fait réagir plus vertement Bernard Jomier : « Le virus a tué 25 000 personnes entre le 1er janvier au 30 juin, c’est une moyenne de 50 000 par an. Cela en fait un des problèmes de santé publique majeur de notre pays. Vous minimisez sans cesse les chiffres, mais quel est le fond de tout ça ? Que poursuivez-vous comme but ? »

En dépit des débats houleux, aucune modification substantielle n’a été apportée au dispositif tel que voté en commission. Le ministre de la Santé, François Braun, l’ayant qualifié « d’équilibré », ce mécanisme de saisine de la Haute Autorité de Santé pour réintégrer les personnels suspendus a de grandes chances de survivre à la commission mixte paritaire qui se tiendra ce jeudi à 14h, où députés et sénateurs devront s’entendre sur la version définitive du texte.

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