Le Sénat rejette le budget 2023 en nouvelle lecture

Le Sénat rejette le budget 2023 en nouvelle lecture

Après l’absence d’accord en commission mixte paritaire, le Sénat a rejeté en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2023.
Guillaume Jacquot

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« C’est un peu dans l’air du temps. Je vais éviter de jouer les prolongations qui me paraissent à ce stade relativement inutiles. » Par cette allusion à la Coupe du monde, le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (LR) a illustré l’état d’esprit qui régnait ce 15 décembre au Sénat sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. L’examen en nouvelle lecture du budget aura duré à peine deux heures, la Haute assemblée ayant adopté une motion tendant à opposer la question préalable (260 voix pour, 54 contre), estimant qu’il n’y avait plus lieu de poursuivre la discussion. Procédure habituelle ces dernières années en cas de désaccord sur les textes budgétaires avec l’Assemblée nationale, elle provoque le rejet du texte. Le projet de loi est reparti illico presto à l’Assemblée nationale en lecture définitive, où le gouvernement a fait usage, pour la dixième fois, d’un 49.3 pour faire adopter le budget sans vote.

« Nombreux sujets de désaccords »

Au cours de son discours, Jean-François Husson a souligné que les « sujets de désaccords » étaient « nombreux entre le Sénat et la majorité présidentielle ». La majorité sénatoriale de droite et du centre a notamment dénoncé la persistance d’un déficit à un niveau élevé (5 % du PIB) et surtout la disposition des marqueurs du Sénat dans le projet de loi. « Vous retenez plutôt des amendements de portée moindre que les enjeux majeurs », a regretté Jean-François Husson. Cet avis était partagé dans de nombreux groupes. « Vous avez fait le tri sélectif dans les amendements », a ajouté Daniel Breuiller, en direction du gouvernement.

Jean-François Husson note par exemple que la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) est « opérée sans que soient proposées de meilleures garanties quant aux modalités de compensations aux collectivités locales ». Sur le filet de sécurité, dispositif de soutien aux dépenses énergétiques des communes exclues des tarifs réglementés, le gouvernement a fait un pas en direction du Sénat, en allégeant les conditions d’éligibilité. Le Sénat avait préféré ouvrir le filet à l’ensemble des collectivités. Le rapporteur général fait donc le « pari » que le Parlement devra se repencher sur la question dans six mois « pour corriger les insuffisances du filet de sécurité ».

Seul gain notable pour la chambre représentants les collectivités locales : le dispositif d’encadrement du niveau des dépenses locales ne figure plus dans le texte final. Alors que la droite sénatoriale dénonce un « budget de défiance envers les élus locaux », Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics a au contraire qualifié ce PLF de « texte de soutien aux collectivités locales ». Au cours de la navette, la partie dépenses s’est étoffée de sept milliards d’euros supplémentaires, dont 5,5 à destination des collectivités, selon le ministre. « On ne peut d’un côté nous reprocher de ne pas suffisamment soutenir les collectivités territoriales, et de l’autre, quand on le fait, de dépenser trop », s’est-il exclamé.

Le ministre des Comptes publics veut « défendre le combien ça coûte »

Gabriel Attal a également souligné que le projet de loi actait « le refus catégorique du laisser-aller budgétaire », avec un déficit public « stabilisé » à 5 % du PIB. « Je continuerai à défendre le combien ça coûte, parce que l’argent public ne sera jamais de l’argent magique », a-t-il affirmé. Le centriste Vincent Delahaye a failli sortir de ses gonds. « À 165 milliards de déficit, avec 270 milliards de dette nouvelle cette année, on ne peut pas considérer que les comptes sont tenus ! On n’est pas du tout dans la bonne direction. »

Les groupes de gauche, qui défendaient une plus contribution plus élevée des plus hauts revenus, ont eux aussi déploré les choix de l’exécutif. « Vous ne donnez pas les moyens de combler un déficit énorme », a pointé Patrick Kanner, le président du groupe socialiste.

C’est également sur la méthode employée par le gouvernement que les critiques ont été les plus virulentes. Le sénateur communiste Pascal Savoldelli a fustigé un budget « placé sous le sceau de la contrainte » et des « coups de force répétés sur le débat parlementaire ». « À quoi bon perdre son temps dans les pseudo-dialogues de Bercy ou même dans nos débats pour en arriver à ce déni total de notre régime parlementaire ? » a demandé Stéphane Sautarel (LR), raillant la « nouvelle méthode » promise après les législatives.

Gabriel Attal a répété que la « responsabilité » du gouvernement était de « doter le pays d’un budget », soulignant que les oppositions à l’Assemblée nationale avaient annoncé cet été leur intention de voter contre le budget.

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