« La France, à l’instar des autres pays européens, a pour une large part manqué le tournant décisif des drones ». C’est le constat inquiet que tire un rapport d’information du Sénat rendu public ce lundi. Durant cinq mois, les sénateurs Cédric Perrin (LR, Territoire de Belfort), Gilbert Roger (PS, Seine-Saint-Denis), Jean-Marie Bockel (UDI, Haut-Rhin) et Raymond Vall (RDSE, Gers) ont dressé un état des lieux de l’utilisation des drones dans les armées françaises. Dans l’optique de la future loi de programmation militaire, ils livrent une série de recommandations, notamment sur la question d’un programme européen et l’armement de ces appareils pilotés à distance par des humains.
Les enjeux ne relèvent pas seulement de la souveraineté, qu’elle soit technologique ou économique, ils sont également stratégiques et opérationnels, soulignent les auteurs. Et, ce, d’autant plus que la France est engagée au Sahel (opération Barkhane).
Les drones, rendus incontournables dans les opérations extérieures, ont vocation à « occuper une place centrale », selon le rapport, particulièrement adaptés dans un contexte de lutte antiterroriste, face à des ennemis mobiles.
Proposition d’un débat parlementaire sur l’armement des drones
Rappelant leur importance dans le renseignement et la reconnaissance, la mission d’information préconise d’armer les récents drones acquis par la France, « une étape logique supplémentaire » écrit-elle, afin de « tirer pleinement parti de leur potentiel ». Le gain en réactivité est l’un des arguments soulevés dans ce rapport, adopté à l’unanimité en commission Affaires étrangères et Défense.
En Europe, deux États disposent actuellement de drones armés : le Royaume-Uni, précurseur dans ce domaine, et depuis peu l’Italie. L’Allemagne doit louer des drones armés israéliens à partir de 2018.
Cédric Perrin et Gilbert Roger rappellent que le faible nombre de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) possédés par la France empêche de fait une « politique d’utilisation massive des drones armés » et que leur utilisation interviendrait dans le respect des règles internationales et des règles d’engagement de la France. Des mesures de transparence devraient en outre encadrer leur emploi.
Le rapport estime en tout cas que cette question de l’armement des drones « pourrait faire l’objet d’un débat au Parlement ».
Encouragement des programmes européens
Comme le Royaume-Uni, et l’Italie en 2015, l’armement des drones Reaper français achetés aux États-Unis en 2013 nécessiterait les autorisations de l’administration et du Congrès américain. Dans une logique de souveraineté stratégique et de maîtrise du système, les rapporteurs plaident pour la souveraineté en matière de drones. La solution d’un fabricant américain pose des problèmes de maintenance, regrettent les sénateurs :
« Actuellement, le Reaper ne peut cependant toujours pas décoller du fait d’un problème technique qui ne pourra être résolu qu’en collaboration avec le fournisseur américain et avec l’armée de l’air américaine, ce qui montre encore une fois les inconvénients de la solution non souveraine. »
Ils conseillent notamment d’accélérer le projet de programme européen de drone MALE, et de développer un aéronef dont le coût serait « compétitif ». « Une impulsion forte doit être donnée en faveur des filières européennes de drones, qui sont un sujet majeur pour l’Europe de la défense », recommande la mission.
Idem pour le développement d’un drone de combat, considéré comme une « filière d’excellence et d’avenir ». Les sénateurs conseillent de poursuivre la coopération franco-britannique sur le programme FCAS (Futur Combat Air System).
À l’échelle française, l’accent est mis sur le développement d’une « filière spécifique composée de personnels nombreux et qualifiés ».