La commission des Finances du Sénat veut revoir la copie du gouvernement sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2017. La principale mesure de ce texte, adopté lundi par l’Assemblée nationale, prévoit d’instaurer, pour un an, une surtaxe exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés des 318 plus grandes entreprises, celles qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins un milliard d’euros.
Le gain attendu de contribution est de 5,4 milliards d’euros : la moitié des 10 milliards d’euros que l’État doit à 5.000 entreprises, après l’annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe à 3% sur les dividendes, instaurée en 2012. Cette recette de dernière minute pour combler le trou permettrait au déficit de l’État de rester dans les critères de Maastricht, sous la barre fatidique des 3%.
Concrètement, l’État demande, pour un an, aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un milliard d’euros une contribution exceptionnelle équivalente à 15% de leur impôt sur les sociétés. Pour les entreprises avec un chiffre d’affaires de trois milliards d’euros, elle s’élèverait à 30% de leur impôt.
De « meilleures recettes » avec le retour de la croissance
Avec l’amélioration de la conjoncture (l’Insee a relevé fin octobre de 0,1 point ses estimations de croissance pour le dernier trimestre 2016 et le deuxième trimestre 2017), la commission des Finances du Sénat, où la droite est majoritaire, estime qu’il n’est pas nécessaire d’imposer un tel niveau de prélèvement supplémentaire aux grandes entreprises.
« Plutôt que de leur demander cinq milliards, nous considérons que la révision de la croissance et les meilleures recettes prévues permettraient de ne demander que 2,5 milliards aux entreprises », déclare à Public Sénat Albéric de Montgolfier (LR), le rapporteur général du Budget au Sénat. Selon lui, la commission des Finances a déposé un amendement pour diviser par deux la contribution demandée aux entreprises. « On aurait pu aussi espérer qu’il y ait un peu plus d’économies du côté de l’État pour compenser cette perte », ajoute-t-il.
Le rapporteur du budget au Sénat veut diviser par deux la surtaxe sur les grandes entreprises
Images : Sandra Cerqueira
Sénateur socialiste, Claude Raynal se montre lui défavorable à cet amendement et rappelle que le gouvernement a déjà la main moins lourde. « Je rappelle qu’il s’agit de financer par une taxe ce qui était déjà payé par des entreprises à un niveau de 10 milliards. Ceci est ramené à un niveau de 5 milliards : c'est-à-dire qu’il n’y a plus qu’un effort qui est moindre que celui demandé initialement en 2012 », met-il en parallèle. Pour l’élu de la Haute-Garonne, les fruits de la croissance doivent financer en priorité les « nouvelles politiques » ou financer le désendettement de l’État :
Claude Raynal (PS) « défavorable » à une baisse de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises
Images : Sandra Cerqueira
Les entreprises ne payant pas de dividendes s’estiment lésées
L’explication n’est pas seulement conjoncturelle. Albéric de Montgolfier pense aux « perdants » de cette nouvelle surtaxe. « Il y a un certain nombre d’entreprises qui n’étaient pas bénéficiaires des remboursements, qui ne vont rien recevoir, qui n’étaient pas concernées par l’ancienne taxe [sur les dividendes], et qui vont de fait avoir une augmentation d’impôt », s’inquiète-t-il.
« Les entreprises qui vont être amenées à payer ne sont pas celles qui ont bénéficié de ces remboursements » (Albéric de Montgolfier)
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Devant les députés lundi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a d’ailleurs expliqué que la contribution exceptionnelle créerait « 223 perdants pour un montant moyen de 13 millions d’euros » et « 95 gagnants pour un montant moyen de 40 millions d’euros ».
Dans une tribune publiée dans Les Échos, trois grands groupes mutualistes se sont émus d’une surtaxe qu’ils jugent « injuste ». Les trois établissements, le Crédit Agricole, Banque Populaire-Caisse d’Épargne, et le Crédit Mutuel, qui ne « distribuent pas de dividendes », insistent-ils, bénéficieront d’une « fraction marginale » du remboursement de la taxe sur les dividendes, quand ils s’acquitteront à eux trois de « 20% du produit attendu » de la nouvelle contribution exceptionnelle.
« C'est un transfert injustifié, au bénéfice des groupes qui préfèrent investir à l'étranger et au détriment des entreprises qui opèrent en France, y investissent », écrivent leurs présidents.
Plus généralement, le rapporteur général critique les signaux « contradictoires » du prochain budget. « C’est un peu contradictoire au moment où le projet de loi de finances présente une baisse d’impôt sur les sociétés. On baisse l’impôt sur les sociétés et par ailleurs on met une surtaxe, c’est difficilement compréhensible », constate Albéric de Montgolfier.