Le Sénat veut inscrire l’ancrage départemental des sénateurs dans la Constitution

Le Sénat veut inscrire l’ancrage départemental des sénateurs dans la Constitution

Nouveau sujet de discorde sur la réforme institutionnelle. Les sénateurs veulent garantir dans la Constitution l’ancrage départemental de leur élection. Pour le gouvernement, une loi ordinaire suffit. « Pas acceptable » prévient Gérard Larcher. Les sénateurs craignent un « tour de passe-passe ». Explications.
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Toutes les occasions sont bonnes pour parler de la réforme constitutionnelle. Mercredi matin, Gérard Larcher a profité de son discours lors des « rencontres de l’Association des départements de France », qui peste contre la réforme de la fiscalité locale en cours, pour rappeler son attachement au dit département.

Le président LR du Sénat a répété son exigence, dans le cadre des discussions avec le gouvernement sur la révision constitutionnelle, d’avoir au moins un député et un sénateur par département, malgré la baisse de 30% du nombre de parlementaires prévue. Emmanuel Macron a accepté la demande sénatoriale. Mais pas de la bonne manière, aux yeux de Gérard Larcher.

Larcher : « Je ne doute pas que le président de la commission des lois proposera d’inscrire l’ancrage départemental dans la Constitution »

« Il nous paraît essentiel de conserver l’ancrage territorial des députés et sénateurs et d’assurer la juste représentation des territoires. Chaque département (…) doit pouvoir être représenté au Parlement par au minimum un député ou un sénateur. Dans ses avant-projets de loi, le gouvernement envisage de rétrograder l’ancrage départemental, je prends l’exemple des sénateurs, de la loi organique à la loi ordinaire. Ce n’est pas acceptable » prévient le sénateur des Yvelines (voir la vidéo).

Le Sénat voudra aller plus loin, lors de l’examen du texte dans ses murs, en septembre. C’est ce qui ressort du groupe de travail transpartisan de la Haute assemblée sur la réforme. Il s’est réuni à nouveau mardi soir. « Au vu de ces échanges, quasi unanimes, je ne doute pas que le président de la commission des lois (Philippe Bas, ndlr) proposera de l’inscrire dans la Constitution » annonce Gérard Larcher. On peut donc s’attendre à un amendement de Philippe Bas pour inscrire noir sur blanc l’ancrage départemental dans le texte de 1958.

Différence d’interprétation de la Constitution

Le gouvernement se veut pourtant rassurant sur ce point. Selon l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi, « pour les sièges des sénateurs, l’habilité (à légiférer par ordonnance pour le redécoupage, ndlr) garantit l’existence d’un siège par département et conserve le cadre départemental de leur élection, constitutionnalisée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ». Autrement dit, selon le gouvernement, la Constitution assure déjà ce cadre départemental, qui découle de son article 25.

Mais pour les sénateurs, le gouvernement va un peu vite en besogne. Ce n’est pas si évident. Ils préféreraient garantir cette départementalisation de manière explicite plutôt qu’elle ne découle implicitement de l’article 25 de la Constitution.

« Le diable est dans les détails »

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Comme souvent, « le diable est dans les détails » rappelle un sénateur, bon connaisseur du dossier. Qui craint le coup tordu. Explications : passer par une simple loi ordinaire pour définir le cadre départemental de l’élection des sénateurs n’est en réalité pas anodin. Car les députés auraient ainsi à coup sûr le dernier mot sur les sénateurs. A la différence d’une loi organique, où les éléments du texte qui concernent le mode d’élection des sénateurs seraient considérés comme une loi organique relative au Sénat, qui devrait alors être votée dans les mêmes termes par députés et sénateurs. Avec une loi ordinaire, les sénateurs pourraient se voir imposer contre leur volonté un mode de scrutin.

« Ping-pong entre Sénat et exécutif »

Cela permettrait, si ce gouvernement ou un autre le décidait par la suite, de changer le périmètre d’élection des sénateurs. Un « tour de passe-passe », dénonce le même élu. ll ajoute :

« Si l’interprétation du gouvernement n’était pas partagée par le Conseil constitutionnel et se révélait fausse, demain, un gouvernement pourra faire un mode de scrutin régional ».

La menace a d’ailleurs déjà été formulée par Richard Ferrand, patron des députés LREM, qui évoquait un mode de scrutin régional intégralement proportionnel. Il pourrait changer les équilibres politiques du Sénat, où la droite et le centre détiennent la majorité…

« Il y a quand même un enjeu qui n’est pas négligeable pour le bicamérisme », ajoute le même élu, qui s’étonne : « Ce qui est amusant, c’est qu’en réalité, dans le ping-pong que se livrent Sénat et exécutif, le Sénat a demandé d’inscrire l’ancrage départemental dans la Constitution depuis très longtemps. Ce n’est pas nouveau ». Comme si le gouvernement cherchait à compliquer le jeu pour pousser les sénateurs à bloquer la réforme. C’était le sentiment de Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, la semaine dernière (voir notre article), après l’annonce surprise des sénatoriales en 2021. Avec cette question de l’ancrage départemental, le gouvernement lance un nouveau sujet de discussion pour la réforme. Elle n’en manquait pourtant pas. « Ça va être l’effeuillage de l’artichaut » s’amuse un sénateur. Mais si l’exécutif veut aller au bout sur le projet de loi constitutionnelle, il ne pourra pas faire sans le Sénat. En la matière, rappelle-t-on du côté de la majorité sénatoriale, « chacun est à égalité ».

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