Le Sénat vote l’allongement de 12 à 14 semaines du délai légal de l’IVG
Le Sénat, à majorité de droite, a adopté de justesse l’allongement de 12 à 14 semaines du délai légal pour pratiquer une IVG. L’amendement de la sénatrice PS Laurence Rossignol a été adopté grâce aux voix des communistes, mais aussi de sénateurs LREM présents, contre l’avis de la ministre Agnès Buzyn.

Le Sénat vote l’allongement de 12 à 14 semaines du délai légal de l’IVG

Le Sénat, à majorité de droite, a adopté de justesse l’allongement de 12 à 14 semaines du délai légal pour pratiquer une IVG. L’amendement de la sénatrice PS Laurence Rossignol a été adopté grâce aux voix des communistes, mais aussi de sénateurs LREM présents, contre l’avis de la ministre Agnès Buzyn.
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C’est un amendement porté par une défenseuse de longue date du droit de femmes, Laurence Rossignol. Il a été adopté, de justesse et par surprise, à la toute fin de l’examen du projet de loi Santé, ce vendredi 7 juin. Le Sénat a voté l’allongement de deux semaines du délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG), portant ce délai de 12 à 14 semaines de grossesse. Ce vote n’est pas encore définitif. Il devra être confirmé avec les députés.

« Chaque année, entre 3000 et 5000 femmes vont à l’étranger pour procéder à un avortement dit hors délai »

Il s’agit d’éviter la situation que de nombreuses femmes connaissent : aller dans un autre pays européen qui pratique un plus large délai. « En France, chaque année, entre 3000 et 5000 femmes vont à l’étranger pour procéder à un avortement dit hors délai. Ces délais d’IVG sont variables d’un pays à l’autre. (…) Le fait de devoir encore aujourd’hui aller à l’étranger est une injustice et une inégalité sociale. (...) On ne peut pas se reposer sur les autres et être à la merci des législations des autres pays » a fait valoir Laurence Rossignol, sénatrice PS de l’Oise.

Celle qui est aussi ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes sous le quinquennat de François Hollande, a décidé de proposer cet allongement « après discussion avec de nombreux professionnels de santé, avec les médecins, les gens engagés dans la pratique des IVG, et après étude des différents délais en Europe – l’Islande vient d’adopter un délai de 22 semaines, en Suède le délai est de 18 semaines ». Elle ajoute : « C’est nécessaire et ça ne portera atteinte à rien ».

« Seulement 5% des IVG sont réalisées dans les deux dernières semaines »

Le président LR de la commission des affaires sociales de la Haute assemblée, et rapporteur du texte, Alain Milon, s’est opposé à l’amendement de la socialiste en raison du faible nombre de femmes concernées en proportion. « Seulement 5% des IVG sont réalisées dans les deux dernières semaines du délai légal » a fait valoir le sénateur du Vaucluse. Pour Alain Milon, « le véritable enjeu est plutôt dans les efforts pour prévenir les situations d’urgence » et la réduction des « délais de prise en charge ». La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s’est rangée à l’avis du rapporteur, mais sans motiver sa position.

« Je veux bien qu’on dise qu’il faut informer les femmes, mais tout n’est pas une question d’information. Les trois quarts des IVG sont pratiquées sur des femmes sous contraceptif. C’est-à-dire qu’elles ne sont pas sous-informées » a répondu Laurence Rossignol.

« Aucune femme n’avorte de gaîté de cœur »

Si les sénateurs LR se sont opposés à l’amendement – le sénateur LR Marc Laménie s’est rallié à la position de la commission, tout en disant « comprendre les arguments » – il a en revanche bénéficié du soutien du groupe communiste. « L’allongement, c’est simplement une souplesse, une solution qui peut aider plus de femmes à pratiquer un avortement dans de bonnes conditions », cela « permet un progrès » a souligné Laurence Cohen. La sénatrice PCF du Val-de-Marne a rappelé qu’« aucune femme n’avorte de gaîté de cœur ».

La sénatrice UDI Nathalie Goulet a aussi apporté sa voix. « A titre personnel, 14 semaines, c’est un sujet qui m’interpelle beaucoup. Mais par solidarité à l’égard des femmes qui sont dans des situations difficiles (…) et notamment en raison du manque d’accès, je voterai cet amendement » a expliqué la sénatrice de l’Orne.

« Ah, il y a quelque chose qui a bougé… »

Le vote sur l’amendement a été pour le moins serré. Dans un hémicycle clairsemé – les sénateurs retournent généralement dans leur circonscription en fin de semaine – le président de séance, le socialiste David Assouline, a d’abord fait voter à main levée. Résultat : égalité, ce qui équivaut à un rejet. « Il y a 10/10, mais j’ai un petit doute » dit le socialiste, qui décide de faire revoter en procédant par « un assis/debout ». Et là, surprise… « Ah, il y a quelque chose qui a bougé » constate David Assouline. On voit Laurence Rossignol sourire. L’amendement est adopté par 12 voix contre 10, sous les applaudissements des bancs de gauche (voir la vidéo ci-dessous). Comment expliquer ce changement en quelques secondes ? Selon les sénateurs présents dans l’hémicycle, les deux sénateurs LREM présents ont voté pour.

Vote serré au Sénat sur l'allongement du délai légal de l'IVG
01:00

Sur les votes suivants portant sur la suppression de la clause de conscience des médecins sur l’IVG, la commission a demandé un scrutin public. Concrètement, cela permet de voter pour les absents, ce qui a facilité le rejet des amendements.

Après l’adoption de l’allongement du délai, Alain Milon a dénoncé dans un communiqué cette décision. « Ce n’est pas en toute fin de texte, au détour d’un article additionnel et avec une majorité de circonstance, que l’on réforme le délai d’accès à l’IVG. Cet article, s’il devait subsister, serait très clairement un motif d’échec de la commission mixte paritaire prévue le 20 juin prochain », a estimé le président de la commission des affaires sociales. Reste à voir maintenant quelle sera l’attitude des députés, lors de la commission mixte paritaire et, en cas d’échec de celle-ci, en dernière lecture devant l’Assemblée nationale. De quoi relancer un débat sensible.

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